TABLE
RONDE RÉUNISSANT
DES REPRÉSENTANTS DES PROFESSIONS
JUDICIAIRES
Me Jean-Guy
LEVY
Membre du Conseil national des Barreaux
Me Claude
LAZARUS
Membre du Conseil de l'Ordre du Barreau de Paris
Me Frank
NATALI
Président de la Conférence des
Bâtonniers
M. Bernard
VALETTE
Premier vice-Président du Tribunal de grande
instance de Paris
M. Jean-Jacques HYEST -
Plusieurs d'entre vous ont participé au groupe de travail. Quels sont les éléments du rapport qui vous paraissent poser problème ? Comment est-il possible, de votre point de vue, de faire évoluer les procédures ? Nous aimerions, en d'autres termes, connaître votre jugement sur les travaux du groupe et sur les diverses propositions qui ont été formulées.
Me Jean-Guy LEVY, membre du Conseil national des Barreaux -
Je suis avocat à Toulon, ancien bâtonnier et membre du Conseil national des Barreaux. Je travaille sur la question des « class actions » depuis deux ans et ai fait partie du groupe de travail interministériel. Le Conseil des Barreaux a été précurseur dans ce domaine puisque, depuis le 2 avril 2004, nous avons créé une commission transversale qui a abouti à la rédaction de deux rapports discutés en assemblée générale, le 6 janvier 2006. Lors de sa séance du 15 janvier 2005, l'assemblée générale du Conseil national des Barreaux a voté l'adhésion au principe de la création de l'action collective en droit français à l'unanimité, réservant les questions déontologiques et procédurales.
Le 10 septembre 2005, nous avons voté une motion à l'unanimité qui a été remise au groupe de travail. Nous avons insisté sur les deux points suivants : d'une part, la nécessité de ne pas réserver la future action de groupe aux seules associations de consommateurs ; d'autre part, l'obligation de réserver cette procédure au tribunal de grande instance compte tenu de l'importance de cette action.
Un nouveau rapport a été présenté en assemblée générale le 19 janvier 2006. Il s'agissait de faire le point après le dépôt du rapport de la commission interministérielle, sachant que notre assemblée arrêtera une position définitive les 24 et 25 février prochains.
Pour répondre à votre interrogation, Monsieur le Président, il me paraît important de rappeler quelques éléments essentiels. Le premier concerne le libre accès au juge. Il nous semble en effet que l'action collective ne doit pas être réservée aux seules associations de consommateurs, ce qui poserait certainement des problèmes de constitutionnalité. En effet, en empêchant le libre accès des citoyens à la justice, il n'est pas certain que nous respections les principes de la Constitution. D'un point de vue général, il ne nous apparaît pas sain que la future action de groupe soit réservée aux seules associations de consommateurs.
En outre, il nous semble, contrairement à la feuille de route de Monsieur le Président de la République, que l'action de groupe ne doit être ni limitée aux litiges de consommation, ni limitée au droit de la consommation de manière générale. Selon nous, cette procédure doit avoir un champ beaucoup plus étendu et viser tous les problèmes de responsabilité.
La compétence exclusive du tribunal de grande instance nous semble constituer un autre point essentiel. A la lecture du rapport du groupe de travail, vous avez pu constater qu'une quasi-unanimité se dégageait sur ce point. Compte tenu de l'importance de la future action collective, il nous semble que seul le tribunal de droit commun en droit français doit avoir compétence.
S'agissant du choix entre l' opt in et l' opt out , nous estimons que la véritable action collective repose sur l' opt out . Toutefois, les esprits ne sont certainement pas mûrs pour retenir d'emblée cette option. Conformément à la position du premier Président de la Cour de cassation, nous pensons qu'il est plus prudent de choisir l' opt in , probablement plus conforme aux moeurs françaises.
La publicité est également un problème essentiel. Nous pensons qu'elle doit être faite au début de l'action. Tous les participants au groupe de travail interministériel ont été favorables à ce qu'un jugement sur la recevabilité de l'action précède le jugement sur le fond.
Le système des dommages et intérêts punitifs est en vigueur aux Etats-Unis, mais pas au Québec. La procédure mise en place dans ce pays nous a semblé le meilleur exemple à suivre. En effet, nous estimons qu'il ne devrait pas y avoir des dommages et intérêts collectifs, qui n'entrent pas dans la culture française.
L'opportunité de la création d'un fonds d'aide à l'action collective a également été évoquée. Les rapporteurs de la commission estiment que ce dispositif qui existe au Québec n'est pas une idée à abandonner d'autant qu'il n'est pas certain qu'elle coûte quelque chose aux contribuables.
Je terminerai mon exposé en mentionnant les deux problèmes essentiels qui se posent aux avocats. Le premier concerne les modalités utilisées par les avocats pour faire la publicité de l'action collective. Il nous semble, sous réserve de la position adoptée lors de l'assemblée générale des 24 et 25 février prochains, qu'il vaudrait mieux que la publicité soit organisée par une décision de justice plutôt que laissée au libre choix des acteurs de l'action collective.
Le deuxième problème concerne l'autorisation ou non du pacte de quota litis . Trois options sont envisageables. L'option minimaliste consiste à estimer que la prohibition du pacte de quota litis est consubstantielle à la profession d'avocat et qu'elle ne doit en aucun cas être levée. L'option maximaliste, qui à ma grande surprise a été retenue par la commission des règles et usages du Conseil national des Barreaux, réside dans l'abolition de la prohibition de manière générale. Une option intermédiaire consisterait enfin à abolir la prohibition uniquement en matière d'action collective. En effet, il apparaît extrêmement difficile, à moins que le législateur retienne le principe de la création d'un fonds d'aide, qu'il ne puisse y avoir association des acteurs de l'action collective en vue de financer cette dernière.
M. Jean-Jacques HYEST -
Je vous félicite de votre esprit de synthèse.
Me Claude LAZARUS, membre du Conseil de l'Ordre du Barreau de Paris -
J'ai peu de chose à ajouter à la contribution du Bâtonnier Lévy, dans la mesure où nous avons travaillé ensemble et où nous faisons le même métier. Je souhaite simplement insister sur le rôle de l'avocat dans l'initiation de l'action de groupe au regard des souhaits émis par les associations de consommateurs. J'évoquerai également des questions de déontologie qui n'ont pas été abordées dans le rapport interministériel et qui me semblent avoir leur importance.
L'avocat est un auxiliaire de justice dont l'activité est gouvernée par des principes essentiels, tels ceux de désintéressement, de dévouement et de compétence auxquels ne sont évidemment pas soumises les associations de consommateurs qui bénéficient bien entendu de la liberté d'association. En dehors des agents du service public et des membres des assemblées parlementaires, peu nombreuses sont les professions ou les activités qui placent les intérêts des autres avant les leurs. La revendication du monopole des associations de consommateurs me gêne pour une autre raison. En effet, si un client se présente au cabinet d'un avocat avec un dossier lui paraissant justiciable d'une action de groupe, l'avocat devra quémander auprès des associations de consommateurs le droit d'initier une action. Ces dernières se mueront en quelque sorte en des procureurs privés qui bénéficieront de l'opportunité des poursuites, ce qui me paraît extrêmement fâcheux en termes d'accès à la justice.
A n'en pas douter le tribunal de grande instance est la juridiction qui doit prendre en charge les actions de groupe. Compte tenu de l'énormité des moyens matériels et informatiques qui seront nécessaire à la gestion des actions collectives -qui pourront rassembler des centaines de milliers voire des millions d'individus-, il me semble qu'il conviendra de désigner un unique tribunal de grande instance spécialisé. Etant avocat à Paris, je risque fort d'être soupçonné de vouloir que ce tribunal spécialisé siège à Paris. Devant cette commission, je souhaite clairement affirmer que le Barreau de Paris ne voit aucun inconvénient à ce que ce tribunal soit décentralisé.
Abordons à présent les problèmes déontologiques. Le Bâtonnier Lévy a fait mention de la publicité. Il convient bien entendu que celle-ci soit organisée par le juge. Il ne serait pas inconvenant ou anormal que le bâtonnier constitue un filtre préalable. Dans ce cas, l'avocat de la cause présentera le texte de la publicité à faire paraître à son bâtonnier avant que le juge ne l'homologue. Cette formule me paraît très protectrice des intérêts de chacun.
Un point n'a pas été évoqué. Il existera une concurrence des avocats qui souhaiteront tous être désignés comme les défenseurs du groupe. Aux Etats-Unis cette situation se règle par l'intervention du juge qui désigne un lead counsel . Or, le Barreau de Paris ne souhaite absolument pas une immixtion du juge dans la désignation du lead counsel . Il nous paraît préférable que ce dernier soit désigné par un ou plusieurs bâtonniers, ainsi que cela se fait habituellement en cas de litiges ou de frictions entre confrères.
Aux Etats-Unis, la majorité des actions collectives aboutissent à des transactions qui sont homologuées par le juge. Ces dernières sont très décriées compte tenu des particularités du système américain. Toutefois, nous pensons qu'il est normal qu'il soit de l'office du juge d'apprécier la transaction conclue par l'avocat et de déterminer si cette dernière protège suffisamment l'intérêt du groupe dans son ensemble. Nous souhaitons un encadrement très fort du juge. En effet, nous avons entendu les arguments des représentants des entreprises qui, à tort, craignent que les avocats soient tous imprégnés des dérives de la procédure américaine.
Enfin, notre profession étant très attachée à son indépendance, nous ne souhaitons pas que le pacte de quota litis soit supprimé. Si toute peine mérite salaire et toute diligence honoraires, nous estimons que les avocats ne doivent pas être directement intéressés aux résultats de leurs affaires.
M. Jean-Jacques HYEST -
Le Bâtonnier Natali est devenu récemment Président de la Conférence des Bâtonniers. Je me permets donc de le féliciter et lui cède dès à présent la parole.
Me Frank NATALI, Président de la Conférence des Bâtonniers -
Je vous remercie de votre accueil. J'ai tenu, compte tenu de l'importance du sujet que vous examinez aujourd'hui, à représenter personnellement la conférence dans le cadre de vos débats que je sais être toujours d'une très haute intelligence. Le 24 janvier dernier, mon prédécesseur a reçu du ministère de la Justice le rapport sur l'action de groupe établi par MM. Cerutti et Guillaume. Extrêmement volumineux et complet, il évoque à la fois le dispositif existant et les champs du possible. Ne possédant pas la compétence pointue de Maîtres Lazarus et Lévy, je souhaite cependant formuler quelques observations.
La première a trait à un problème de méthodologie. J'ai adressé ce rapport aux 180 bâtonniers membres de la Conférence, dès l'instant où j'en ai été saisi, afin qu'ils fassent remonter leurs observations dans des délais d'urgence, c'est-à-dire avant le 22 février. Je crois également savoir que le Conseil national des Barreaux rendra ses conclusions les 24 et 25 février. J'ai pris connaissance de l'ensemble des documents relatifs à ce sujet, d'une part, car j'avais déjà été régulièrement tenu informé des travaux tant par les représentants de la profession et par le Bâtonnier Yves Delavallade, de Bordeaux, qui suit ce sujet pour la Conférence, que par le Bâtonnier Pascal Mayeur, des Hauts-de-Seine, qui avait fait un rapport lors de l'assemblée générale de la Conférence au mois d'avril 2005. Je formulerai quelques observations en précisant que nous ferons connaître le point de vue de la Conférence de manière plus précise d'ici une quinzaine de jours.
Il me paraît intéressant de partir de l'existant et d'imaginer les bouleversements que l'action de groupe peut créer en matière de fonctionnement de la justice en France. Parmi les actions collectives existant en droit français figure l'action en représentation conjointe. Cette procédure a, à notre sens, été bridée par les dispositions de l'article L. 422-1, deuxième alinéa, du code de la consommation qui limitent les moyens de publicité. Les actions collectives en droit des sociétés ont également dû être évoquées lors de précédentes interventions.
Les avantages de ce type de dispositifs mis en place résident dans la notion d'accès à la justice. La limitation de l'action au droit de la consommation est une question qui doit être posée. En effet, comment opposer à des personnes représentant un groupe dont les intérêts légitimes méritent d'être défendus d'utiliser l'action de groupe en dehors du cadre du droit de la consommation. Cette extension permet par la même occasion de résoudre le problème d'un éventuel monopole de tel ou tel groupe déjà constitué. Je vois difficilement comment créer un filtre en accordant un monopole à telle ou telle association.
Le second point nous préoccupant concerne les options d' opt out et d' opt in . J'ai cru comprendre que l' opt in constituait la solution qui correspondait le mieux à notre tradition judiciaire. Je me permets néanmoins de rappeler les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile et celle ancrée dans notre procédure depuis très longtemps selon laquelle « nul ne plaide par procureur ». Ces dernières ont en effet un contenu réel dans la pratique des juridictions et dans les procédures judiciaires, et permettent d'éviter d'importantes difficultés.
J'ajouterai que nous avons été très intéressés par le modèle québécois et notamment par le recours au fonds d'aide collectif. En effet, cette mesure permettrait de faciliter et de démocratiser l'action de groupe. Je conclurai mon intervention par deux points ayant trait aux questions de déontologie. Le premier concerne la question de la concurrence. En effet, un contentieux jugé par le tribunal de grande instance entre dans le cadre de la représentation obligatoire. Or, les nouvelles dispositions de juillet 2005 sont extrêmement précises sur l'attitude à adopter et interdisent notamment le démarchage. Nous avons besoin de déterminer les modalités d'organisation de l'information et de l'exercice du contrôle des Ordres qui sont de plus en plus sollicités dans les mises en oeuvre de procédures nouvelles.
Le second point concerne le débat sur le pacte de quota litis . Vous savez que ce dernier est formellement prohibé. Des dispositifs ont été mis en place, sur le plan légal, qui prévoient notamment que l'honoraire peut être soit de diligence, soit de résultat. Ce dernier doit être prévu à l'avance et ne s'apparente en rien à un pacte de quota litis . Enfin, il me semble important de souligner que la discovery est tout à fait contraire aux règles de procédure civile existant en France. Il n'est pas possible d'isoler une procédure du reste du fonctionnement de la procédure civile. Les nouveaux dispositifs ne manqueront pas d'influencer le reste de la procédure civile et d'en bouleverser un certain nombre de principes. La discussion n'est pas impossible, mais il convient de ne pas l'engager sans avoir examiné les effets secondaires au-delà de ce qui semble être l'objet immédiat de la mise en oeuvre de la nouvelle action de groupe.
M. Jean-Jacques HYEST -
Nous vous remercions pour la clarté de ces interventions. En conclusion de ces auditions, je vous propose d'entendre le point de vue d'un magistrat en la personne de M. Bernard Valette, Premier vice-Président du Tribunal de grande instance de Paris. Je souhaiterais qu'il nous indique les raisons pour lesquelles l'action en représentation conjointe est tombée en désuétude puis qu'il souligne, dans l'hypothèse où une nouvelle procédure serait créée, les points qui permettraient de garantir la cohérence et la constitutionnalité de notre arsenal juridique.
M. Bernard VALETTE, Premier vice-Président du Tribunal de grande instance de Paris -
Je souhaite apporter mon témoignage de juge en me fondant sur l'existant. Je préside au Tribunal de grande instance de Paris la première chambre, section sociale, et connais à ce titre les actions collectives des syndicats. Ces derniers peuvent, par exemple, par une action, demander l'application d'accords collectifs. Nous pratiquons quotidiennement cette action collective efficace. La deuxième action que connaît cette chambre est celle des associations de consommateurs dans le cadre des dispositions du code de la consommation visant à faire sanctionner les clauses abusives. Ces actions existent et fonctionnent. Vous avez certainement en tête une jurisprudence récente concernant les opérateurs de téléphonie mobile. A titre personnel, je traite actuellement un dossier concernant près de 4.000 demandeurs. Différents demandeurs se sont regroupés autour d'un même avocat pour introduire une action contre une mutuelle. Il s'agit dans ce cas de la superposition d'actions individuelles. Chaque demandeur, si nous admettons le bien fondé de l'action, demandera réparation de son préjudice à titre individuel.
Je suis confus d'évoquer ex abrupto certaines contingences matérielles, mais il me semble important de noter que le traitement logiciel par le greffe de la première chambre du Tribunal de grande instance de Paris pose problème. Nous avons eu les plus grandes difficultés à entrer les 4.000 noms de demandeurs. Un problème matériel se posera, par conséquent, si nous franchissons l'étape supérieure et engageons des actions concernant un nombre de parties beaucoup plus important.
Je n'ai pas d'explication particulière à fournir en ce qui concerne l'échec de l'action en représentation conjointe. Sans doute n'intéressait-elle pas les différentes parties qui auraient pu l'exercer. Peut-être faudrait-il la renforcer, comme le suggère le rapport ? Certaines propositions m'ont paru judicieuses. Encore une fois, je souhaite insister sur le bon fonctionnement de l'action politique des associations de consommateurs qui sont efficaces. Ces dernières arrivent en effet régulièrement à obtenir la suppression de clauses abusives dans des contrats qui créent un déséquilibre entre le fabricant et le consommateur.
Dans l'hypothèse où le législateur déciderait de créer une action de groupe, il me semble qu'il faudra cibler attentivement la juridiction qui en sera saisie. Je partage le point de vue des précédents intervenants et pense que seul le tribunal de grande instance peut être compétent en la matière. Selon moi, certaines juridictions n'auront pas les moyens techniques, matériels et humains pour traiter ce type de contentieux. Il me semble qu'une solution pourrait consister à spécialiser certaines grandes juridictions dans ce domaine. La justice sera de meilleure qualité si nous faisons appel à des magistrats spécialisés.
S'agissant des projets en cours, je trouve la procédure envisagée un peu lourde et complexe. Je fais notamment allusion au fait que le juge devra apprécier la recevabilité de l'action. A titre personnel, je suis très réservé quant à la recevabilité de cette mesure. En effet, aucune action n'est, en droit français, subordonnée à un contrôle a priori . Par ailleurs, une telle mesure impose que nous nous interrogions sur la nature de la décision rendue par le juge. Un débat et des voies de recours seront indispensables. C'est la raison pour laquelle il me paraît préférable de conserver le schéma classique d'une procédure unique afin de ne pas retarder cette dernière.
La déclaration de recevabilité pose le problème des modalités de publicité. J'avoue ma réserve en ce qui concerne la solution consistant à confier cette tâche au juge. En effet, je considère qu'il appartient aux parties envisageant d'engager l'action de groupe d'assurer les moyens de publicité. C'est l'une des raisons qui me pousse à préférer une action globale évitant de distinguer les phases du procès. Dans le cas contraire, les délais de procédure seront à mon sens beaucoup trop longs. Le dernier élément me paraissant important concerne l'introduction des dommages et intérêts à titre punitif. Je considère, en effet, que cette procédure ne relève pas de notre culture juridique. S'il me paraît important de réparer le préjudice, je tiens à préciser que des sanctions à titre dissuasif ne sont pas prévues dans le code civil.
M. Jean-Jacques HYEST -
Les propositions contenues dans le rapport envisagent différentes procédures dont l'action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse. Dans une première phase de la procédure, le tribunal se prononce sur la recevabilité de l'action. Ensuite, ceux qui se trouvent dans la même situation peuvent demander réparation du dommage. Aux Etats-Unis, il est nécessaire de prouver la réunion de quatre éléments pour que le juge « certifie » la procédure. Cela exige un travail extrêmement lourd du juge imposant un équipement conséquent des greffes, notamment en ce qui concerne les moyens informatiques.
M. Bernard VALETTE -
Il s'agit en effet de procédures qui risquent de durer plusieurs années.
M. Pierre FAUCHON -
Beaucoup peuvent s'interroger sur l'opportunité d'une procédure en deux phases. Il convient néanmoins de noter que le premier jugement ne serait pas préparatoire mais interlocutoire et serait donc susceptible d'être frappé d'appel. Il ne faut pas oublier que les préjudices individuels traités dans le cadre des actions collectives sont généralement mineurs. Il est possible d'imaginer que si une jurisprudence se crée pour un nombre limité de demandeurs, des quantités d'autres, dans un premier temps réticents à ester en justice, pourraient, dans une instance distincte, demander réparation du préjudice subi. Il y aurait en quelque sorte deux procès, le second s'apparentant à une généralisation. La différence avec une procédure en deux temps ne serait peut-être pas si importante. Je reconnais néanmoins que vos doutes sont légitimes au regard de la conception classique que nous avons de la justice française.
M. Bernard VALETTE -
J'ai oublié de préciser qu'il me paraît réducteur de limiter l'action de groupe au droit de la consommation. Des préjudices identiques peuvent également concerner le droit de la santé ou le droit de l'environnement.
M. Jean-Jacques HYEST -
Certains juristes estiment d'ailleurs qu'il n'est pas possible de limiter cette procédure à un domaine précis.
M. Pierre FAUCHON -
La décision paraîtrait curieuse au niveau institutionnel. Cependant la consécration d'un « droit de la consommation » revêt d'abord un caractère plus ou moins politique, dans la mesure où des dispositions protégeant parfaitement les consommateurs demeurent dans les autres branches du droit. Il ne me paraît pas possible de sacraliser le périmètre du droit de la consommation.
M. Bernard VALETTE -
Mon témoignage visait à souligner que nous avions l'expérience d'une action impliquant 4.000 demandeurs dans une juridiction. Nous connaissons les problèmes posés. En effet, nous rencontrerons, le jour où le dossier sortira, un véritable problème de traitement par le greffe et par le magistrat.
M. Pierre FAUCHON -
Est-il indiscret de vous demander de quel problème il s'agit ?
M. Bernard VALETTE -
Nous recherchons la responsabilité d'une mutuelle en matière de placements. Il ne s'agit pas d'une affaire de clauses abusives.
M. Jean-Jacques HYEST -
Je vous remercie d'avoir participé à cette matinée. J'espère qu'elle aura permis d'éclairer les éléments du débat. Les points de vue, nous l'avons constaté, sont différents. Souhaitons que nos travaux contribuent à prolonger la réflexion en ce qui concerne l'opportunité de mettre en oeuvre une procédure d'action de groupe en droit français.