C. L'ORIENTATION NOUVELLE DE LA POLITIQUE DE COHÉSION
1. L'exigence de solidarité envers les territoires les moins développés est largement prise en compte dans l'objectif « convergence »
Conformément aux orientations proposées par la Commission européenne dans son troisième rapport sur la cohésion économique et sociale, l'objectif « convergence » mobilisera une part substantielle des crédits de la politique de cohésion : 81,7 % de la dotation (251,3 milliards d'euros).
La solidarité envers les régions les plus pauvres de l'Union européenne, principalement situées dans les nouveaux Etats membres , apparaît donc bien comme l'axe principal de la nouvelle politique de cohésion et permet de répondre au défi que constitue leur rattrapage économique.
C'est ce que confirme l'article 4 du projet de règlement général qui indique que « l'objectif « convergence » constitue la priorité des Fonds ».
2. Dans l'objectif « compétitivité régionale et emploi », l'accent mis sur la compétitivité fait passer au second plan la préoccupation de réduction des disparités territoriales
Comme l'ont souligné de nombreux interlocuteurs rencontrés par vos rapporteurs, le maintien d'un objectif 2 au sein de la politique de cohésion est, en soi, un motif de satisfaction puisque, sous l'influence de certains Etats membres, sa suppression avait été un temps très sérieusement demandée.
Néanmoins, force est d'admettre que les priorités de cet objectif seront désormais tout autres. La logique de cohésion territoriale, qui caractérisait jusqu'à présent la politique régionale mise en oeuvre dans le cadre de l'objectif 2, tend à s'effacer sous le double effet :
- de la disparition du zonage , qui permettait un ciblage des aides au profit des espaces les moins favorisés (zones rurales en déclin, zones industrielles en reconversion notamment) ;
Désormais, toutes les régions non éligibles à l'objectif « convergence » peuvent prétendre à des soutiens au titre de l'objectif « compétitivité régionale et emploi ». En particulier, toutes les zones urbaines pourront bénéficier de cofinancements ce qui, compte tenu de la diminution de l'enveloppe allouée à l'objectif 2, risque de se traduire par une baisse considérable des crédits destinés aux espaces ruraux ;
- de l'exigence de concentration des crédits sur des thématiques pour lesquelles les territoires les moins développés présentent peu d'atouts .
L'intégration de la stratégie de Lisbonne dans la politique de cohésion, confortée par le « fléchage Lisbonne » 25 ( * ) instauré par le compromis du 16 décembre 2005 sur les perspectives financières, met en avant des préoccupations générales de croissance, de compétitivité et d'emploi, qui pourraient apparaître comme concernant d'abord les territoires les plus dynamiques . Parce qu'ils disposent le plus souvent de projets pour l'avenir et des ressources nécessaires pour les élaborer et les cofinancer, ceux-ci capteront plus facilement les crédits européens que les zones dont le développement est moins avancé et qui disposent de moins de moyens.
C'est particulièrement vrai s'agissant du thème de l'innovation et de l'économie de la connaissance . Il sera bien évidemment plus difficile de concevoir des projets innovants dans des espaces ruraux en difficulté que dans des pôles urbains dotés de centres de recherche, d'universités et d'entreprises en croissance.
Cette volonté de stimuler la croissance par l'innovation et la recherche pourrait conduire les régions à favoriser les pôles de développement situés en milieu urbain, au détriment du développement rural . Le risque serait alors d'aggraver les disparités à l'intérieur des régions.
Vos rapporteurs considèrent, quant à eux, que la politique régionale a vocation à corriger les disparités régionales et locales et non à soutenir prioritairement les territoires les plus compétitifs et regrettent cette nouvelle orientation de l'objectif 2.
D'autant que, comme le soulignait le Comité des régions dans son avis sur les « orientations stratégiques communautaires » rendu le 16 novembre 2005, le risque existe que, dans un contexte budgétaire difficile, les Etats membres soient tentés d'utiliser les crédits des fonds structurels pour financer les politiques nationales prioritaires au regard des objectifs de la stratégie de Lisbonne (en France, par exemple, au profit des pôles de compétitivité, du plan de cohésion sociale...).
* 25 Recommandation d'affecter 75 % des crédits de l'objectif « compétitivité régionale et emploi » à des actions contribuant à la réalisation des objectifs de la stratégie de Lisbonne.