b) Une nouvelle stratégie de pilotage de la masse salariale : le refus d'une gestion « au fil de l'eau »
Dans une perspective de maîtrise des dépenses de personnel (masse salariale + pensions), compte tenu de la forte augmentation des pensions, une action incontournable consiste à chercher des réductions d'effectifs. Celles-ci sont facilitées, du moins en théorie, par un contexte où les départs à la retraite sont importants. Il y a des possibilités, dans ce cadre, pour réduire « en douceur » les effectifs. Pour y inciter, il paraît souhaitable de fixer une double norme de progression des dépenses de l'Etat : une norme globale de progression des dépenses nettes et une autre relative à la masse salariale.
Le choc démographique actuel, s'il n'était pas mis à profit pour réduire les effectifs publics, conduirait à une grave dérive de la masse salariale, en raison de la progression des dépenses de pension . Leur évolution est alarmante. Pour les fonctionnaires civils, le rapport est de 1,6 actif pour un pensionné en 2006 ; le ratio passera à 1,3 actif pour un pensionné en 2010.
(1) 190.000 fonctionnaires de moins d'ici 2011
Le « pic » de départs à la retraite des agents civils et militaires est constaté dans le diagramme suivant en 2008.
Départs des personnels civils et militaires d'ici 2011
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Par rapport à ces départs, un scénario médian, à la fois réaliste et raisonnable, moins brutal que le scénario implicite inclus dans la stratégie nationale de désendettement du gouvernement, consiste à ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux, soit une diminution de l'ordre de 190.000 fonctionnaires d'ici 2011 : il conduit à des marges de manoeuvre budgétaires de 5,3 milliards d'euros en 2011. Il est possible de prévoir un scénario associant des départs volontaires avec des non-remplacements des départs à la retraite.
Le montant des économies qui seraient ainsi dégagées souligne la difficulté d'engranger des marges de manoeuvre budgétaires, a fortiori lorsque l'on refuse de faire porter l'effort sur les effectifs, et que l'on ne maîtrise pas la progression inéluctable de la charge de la dette.
La méthode pour calculer la marge de manoeuvre issue du non-remplacement d'un départ à la retraite ou d'un départ volontaire est simple : il s'agit du gain marginal 42 ( * ) par rapport au coût de l'emploi qui aurait été créé.
385.267 départs non remplacés - 10,7 milliards d'euros de marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires
100 % des départs non remplacés |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
Nombre de départs non remplacés |
81.450 |
82.115 |
77.388 |
74.307 |
70.007 |
Impact sur l'année |
2.166 |
2.184 |
2.058 |
1.976 |
1.862 |
Economies brutes cumulées |
2.166 |
4.394 |
6.540 |
8.647 |
10.682 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
288.950 départs non remplacés - 8 milliards d'euros de marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires
75 % des départs non remplacés |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
Nombre de départs non remplacés |
61.087 |
61.586 |
58.041 |
55.730 |
52.505 |
Impact sur l'année |
1.625 |
1.638 |
1.544 |
1.482 |
1.397 |
Economies brutes cumulées |
1.625 |
3.295 |
4.905 |
6.485 |
8.012 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
192.633 départs non remplacés - 5,3 milliards d'euros de marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires
50 % des départs non remplacés |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
Nombre de départs non remplacés |
40.725 |
41.058 |
38.694 |
37.154 |
35.004 |
Impact sur l'année |
1.083 |
1.092 |
1.029 |
988 |
931 |
Economies brutes cumulées |
1.083 |
2.197 |
3.270 |
4.324 |
5.341 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
96.316 départs non remplacés - 2,6 milliards d'euros de marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires
25 % des départs non remplacés |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
Nombre de départs non remplacés |
20.362 |
20.529 |
19.347 |
18.577 |
17.502 |
Impact sur l'année |
542 |
546 |
515 |
494 |
466 |
Economies brutes cumulées |
542 |
1.098 |
1.635 |
2.162 |
2.671 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Une manière complémentaire d'apprécier les gains résultant du non-remplacement des départs à la retraite consisterait à raisonner en engagements de long terme de l'Etat. Ce raisonnement, s'il ne permet pas de calculer le gain budgétaire de court terme issu de la suppression d'un emploi laissé vacant par son titulaire parti à la retraite, souligne toutefois combien l'effort sur les effectifs constitue une nécessité dans une optique de long terme.
L'action sur les effectifs permet en effet de réduire très significativement les engagements de l'Etat, en créant une économie de masse salariale sur quarante années d'activité ainsi qu'une économie sur le versement de la pension . La réduction des engagements de long terme de l'Etat, exprimée en valeur actuelle, serait de l'ordre de 1 million d'euros par emploi supprimé. Renoncer par exemple à 30.000 recrutements permet ainsi de réduire de 30 milliards d'euros les engagements implicites de l'Etat 43 ( * ) .
Il ne s'agit pas ici de vouloir supprimer des postes de fonctionnaires pour le simple plaisir de supprimer des postes, mais de mettre en perspective les bénéfices du service public avec les engagements de long terme contractés par l'Etat auprès de ses fonctionnaires.
Flux futurs de rémunérations et de pensions de cinq corps de fonctionnaires d'État 44 ( * )
(en millions d'euros 2006)
Coût actuel |
|
Professeur des écoles (A) |
1,2 |
Attaché d'administration centrale (A) |
1,5 |
Contrôleur des impôts (B) |
1,0 |
Policier, gardien de la paix (B) |
1,0 |
Adjoint administratif (C) |
0,7 |
Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
* 42 Il ne prend donc en compte ni les dates des départs et ni celles des recrutements. Les coûts unitaires ont été calculés hors évolution du point fonction publique et hors mesures catégorielles. En revanche, le coût engendré par le recrutement des agents est revalorisée chaque année du GVT positif. On a considéré que les primes variaient proportionnellement aux rémunérations principales. Enfin, les coûts tiennent compte des charges de l'Etat employeur.
* 43 On fait ici l'hypothèse que l'emploi privé se substitue à l'emploi public pour que l'effet soit neutre à l'égard de la consommation, des recettes sociales ou fiscales des administrations publiques.
* 44 L'estimation de la valeur actuelle du non-remplacement d'un fonctionnaire s'est appuyée sur les grilles de grands corps représentatifs de la fonction publique d'Etat. La prévision de la carrière d'un agent recruté aujourd'hui postule qu'il franchira tous les échelons et grades aussi vite que le permettent sa grille et les statuts. La valeur du point fonction publique est considérée indexée sur l'inflation. Le coût actuel tient compte à la fois de l'espérance de vie de l'agent et du taux d'actualisation, normé à 2,5 %, des flux futurs de dépenses comme dans de nombreux travaux sur le long terme, notamment ceux du conseil d'orientation des retraites.