(2) Les outils de responsabilisation des prescripteurs : l'identification des dépenses non médicalement justifiées
Dans son point de conjoncture du mois de mai 2004, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) avait réalisé une étude riche d'enseignements sur les dépenses non médicalement justifiées en mettant en évidence « le décalage, qui devient de plus en plus visible grâce à différentes études, entre la consommation effective de biens ou services médicaux et celle qui serait possible sur un mode à la fois plus efficace et moins coûteux ».
Dès lors, la CNAMTS dressait un panorama des dépenses d'assurance maladie « qui apparaissent aujourd'hui injustifiées, au regard d'une pratique médicale efficiente », représentant une économie potentielle de l'ordre de 5 à 6 milliards d'euros .
(a) Le cas des « gros prescripteurs » 50 ( * )
Partant d'une approche macroéconomique visant à réfléchir à la dispersion des comportements médicaux et à sa justification, la CNAMTS avait d'abord montré, s'agissant des prescripteurs, que les disparités de prescriptions étaient en fait très faiblement liées aux caractéristiques des patients ainsi qu'aux caractéristiques sociodémographiques des professionnels de santé.
Dès lors, la CNAMTS s'attachait à apprécier les économies qui pourraient être réalisées si les plus gros prescripteurs étaient incités à modifier leurs comportements et si, pour chaque catégorie de clientèles, ceux-ci adoptaient un comportement de prescription moyen.
La CNAMTS précisait que « sous réserve d'un état sanitaire équivalent des clientèles, l'économie que génèreraient ces nouveaux comportements pourrait atteindre ente 2 et 2,5 milliards d'euros (selon que la simulation est faite sur le total des prescriptions ou est conduite séparément sur chaque poste de prescription). Sur les seuls médicaments, cette économie se monterait à 1,2 milliard d'euros ».
Cette simulation ne concernait toutefois pas les prescriptions des médecins spécialistes, dont la clientèle présente, peut-être plus souvent que celle des généralistes, des spécificités qui devraient être prises en compte pour expliquer ces prescriptions.
Quelques expériences intéressantes actuellement menées par les caisses primaires d'assurance maladie La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS) a replacé les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) au coeur du dispositif de régulation des dépenses de soins de ville. Deux expériences particulièrement intéressantes méritent d'être signalées. La première a été conduite dans l'Aude, où la CPAM a mené une action ciblée auprès des plus importants prescripteurs d'antibiotiques du département : sur 770 praticiens, 225 étaient à l'origine de 80 % des montants remboursés. La caisse a ainsi mis en place une visite médicale professionnelle déployée par une équipe de conseillers formés sur le thème des antibiotiques, qui vient contrebalancer la pression commerciale exercée par l'industrie pharmaceutiques. La CPAM de l'Aude rappelle en effet que celle-ci s'appuie sur 23.000 visiteurs médicaux qui peuvent visiter un médecin entre 7 et 77 fois par an pour le même médicament et qu'elle consacre 31 % de son chiffre d'affaires à promouvoir les médicaments. En six mois, l'action de la CPAM s'est révélée particulièrement concluante, puisqu'elle a permis de dégager 427.000 euros d'économies sur ce seul poste de dépenses. Si cette tendance se poursuivait tout au long de l'année, la baisse des dépenses d'antibiotiques dans ce département atteindrait 30 % sur l'année 2006. Sur le seul poste des antibiotiques, l'économie potentielle en généralisant une action de ce type est estimée à plus de 100 millions d'euros par an pour la France entière. La seconde expérience notable, d'après les informations recueillies auprès de la CNAMTS, a été menée dans les Alpes maritimes, où la CPAM a passé un accord avec les pharmaciens afin de conditionner le bénéfice du tiers-payant à l'acceptation de la substitution d'un médicament générique à un médicament princeps. Cette mesure s'est traduite par une progression nettement plus rapide du taux de pénétration des génériques. Ces expériences témoignent de l'intérêt d'actions ciblées, au plus près du terrain, et mettent en évidence la place essentielle occupée par les CPAM dans le dispositif de maîtrise médicalisée des dépenses. |
* 50 Ceux prescrivant en moyenne plus de 80 euros à chaque acte.