AUDITION PRÉALABLE AU DÉBAT D'ORIENTATION BUDGÉTAIRE DE M. THIERRY BRETON, MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, ET DE M. JEAN-FRANÇOIS COPÉ, MINISTRE DÉLÉGUÉ AU BUDGET ET À LA RÉFORME DE L'ETAT.
La commission a ensuite procédé à l'audition préalable au débat d'orientation budgétaire de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie , et de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat .
M. Jean Arthuis, président , a indiqué que cette audition se déroulait dans la perspective du débat d'orientation budgétaire fixé au jeudi 29 juin 2006, et qui serait, cette année, étendu à l'ensemble des finances publiques.
M. Jean-François Copé a rappelé le contexte du projet de budget qui serait proposé à l'automne 2006 au Parlement. Il a souligné que ce projet de budget tenait compte d'un objectif de désendettement, conformément à la feuille de route arrêtée par le Premier ministre, ainsi que de la possibilité de tirer partie de la mise en oeuvre de la LOLF et de la constitution d'un ministère du budget incluant la réforme de l'Etat.
Il a observé qu'au terme des lettres plafonds adressées aux ministres, pour la première fois, dans le prochain budget, les dépenses, de 268,3 milliards d'euros, baissaient en volume, et que leur progression était donc de 0,8 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2006, soit un point de moins que l'inflation. Il a ajouté que, selon les mêmes lettres plafonds, les effectifs diminuaient, par ailleurs, de façon importante, 15.000 emplois étant supprimés. Il a précisé que ces suppressions résultaient de la combinaison de 19.000 départs en retraite non remplacés et de la création de 4.000 emplois, et qu'elles n'entraînaient donc aucune dégradation de la qualité des services publics offerts aux Français.
Il a indiqué que les orientations budgétaires présentées reprenaient les grandes priorités du quinquennat : application de la loi de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI), augmentation du budget de la justice, mise en oeuvre de la loi de programmation militaire, aide publique au développement.
Il a affirmé que ce budget poursuivrait l'effort en matière de dépenses d'avenir, 1.500 emplois étant créés dans les universités et les établissements publics de recherche.
Il a relevé que de nouveaux outils, inspirés des meilleurs exemples étrangers, avaient permis d'aboutir à un budget permettant de concilier la baisse des dépenses, le financement des priorités et le soutien à l'investissement, tout en baissant les impôts.
Il a précisé que 2,2 milliards d'euros de marge de manoeuvre étaient initialement disponibles pour les dépenses supplémentaires, et que les priorités dégagées établissaient un équilibre entre les ministères, afin de faire en sorte qu'il n'y ait ni perdant, ni gagnant. Il a cité, notamment, l'exemple du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, qui a su tirer profit de deux chantiers transversaux : un audit transversal sur les achats de l'Etat, permettant d'économiser 1,3 milliard d'euros, dont un tiers dès 2007, et la réduction des effectifs, permettant un gain de 500 à 600 millions d'euros sur la masse salariale de l'Etat.
Il a décrit les nouveaux outils à la disposition du gestionnaire pour mener à bien la réforme en cours. D'une part, il a observé que les contrats de performance, signés en général pour trois ans, contribuaient fortement à la modernisation de l'administration, le ministère des affaires étrangères ayant, par exemple, réussi à économiser 141 emplois temps plein travaillés (ETPT) grâce à de tels contrats. D'autre part, il a souligné l'utilité des audits de modernisation, dont le nombre devrait s'élever à 100 d'ici à la fin de l'été, et qui devraient couvrir 100 milliards d'euros de dépenses de l'Etat. Il a indiqué, ainsi, que l'audit sur la télédéclaration de l'impôt sur le revenu concluait qu'il était possible d'économiser 750 ETPT.
Il a insisté, par ailleurs, sur les conséquences des évolutions démographiques, en prenant l'exemple de l'éducation nationale, où 600 postes seront créés dans le primaire, pour faire face à l'augmentation des effectifs des élèves, et où 2.400 postes seront supprimés dans le secondaire, du fait de la diminution du nombre d'élèves.
Il a rappelé que le budget en cours de préparation était centré autour de la satisfaction de l'usager, du contribuable et des fonctionnaires, et qu'il s'inscrivait dans l'effort de désendettement du pays.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Jean Arthuis, président , a déclaré souscrire aux grandes orientations de ce budget, et a souligné que les audits de modernisation, lancés par le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, auxquels la commission avait accordé une très grande attention, mettaient en évidence des gisements d'emplois.
Il est revenu sur l'intervention de son collègue, M. Michel Charasse, lors d'une précédente séance tenue sur le projet de loi de règlement définitif du budget de 2005, concernant un projet de revalorisation des personnels de catégorie C et son impact sur l'évolution des finances des collectivités territoriales. Il a interrogé le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat sur le degré de maturité de ce projet, dont la charge serait supportée, en premier lieu, et de façon exclusive, par les collectivités territoriales.
M. Aymeri de Montesquiou a fait part de son étonnement de constater que le désendettement était considéré par l'actuel gouvernement comme un objectif neuf. Il a, en effet, rappelé que le précédent Premier ministre avait déjà préconisé qu'un départ à la retraite sur deux, au sein de la fonction publique, ne donne pas lieu à remplacement. Il a ajouté qu'en tant que rapporteur spécial des crédits de la mission « Sécurité », il ne pouvait que déplorer la création nette de 2.000 emplois, annoncée dans le projet de loi de finances pour 2007, alors que le ratio du nombre de fonctionnaires affectés aux tâches de sécurité rapporté au nombre d'habitants, en ce domaine, était en France l'un des plus forts parmi les pays développés.
M. Marc Massion a observé que la préparation du budget 2007 était un exercice rendu difficile par la dégradation de la situation économique du pays. Il a regretté que le gouvernement n'insiste que sur les baisses de dépenses, en omettant de parler des baisses de recettes induites par les mesures qu'il a prises au cours des derniers mois, que ce soit la réforme de l'impôt sur le revenu, celle de la taxe professionnelle ou la mise en place du « bouclier fiscal » au seul profit des contribuables les plus aisés. Il a évoqué la possibilité de réduire la dette publique en empruntant une autre voie, sans porter atteinte à l'emploi public et sans augmenter l'impôt.
Il a critiqué le choix du gouvernement de supprimer 15.000 ETPT, dont la moitié concerne des emplois au sein de l'éducation nationale et, notamment, dans les collèges. Il a souligné que le collège, considéré comme le maillon faible du système éducatif dans notre pays, requérait, au contraire, une présence forte en personnels enseignants.
M. Paul Girod s'est interrogé sur les hypothèses retenues pour préparer le budget et, en particulier, sur les prévisions en matière d'évolution des taux d'intérêt.
M. Alain Lambert a tenu à souligner les qualités de pédagogue du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat. Il a évoqué le non-remplacement des personnels partant à la retraite et la stabilisation éventuelle, en valeur, de la masse salariale, au cours des prochaines années. Il a indiqué souscrire aux orientations budgétaires proposées par le gouvernement, et a rappelé son attachement à une gestion fondée sur les objectifs et la performance, conformément à la logique de la LOLF, plutôt que sur la recherche systématique de moyens supplémentaires.
M. Michel Mercier s'est interrogé, dans le cadre de la préparation du budget pour 2007, sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales. Il a remarqué que certaines règles budgétaires et comptables poussaient à la dépense publique, comme, par exemple, l'actuelle réglementation s'appliquant aux sapeurs-pompiers professionnels.
M. Henri de Raincourt a rappelé que, hier matin, s'était tenu un conseil d'orientation des finances publiques. Il a souhaité connaître le contenu des échanges ayant eu lieu au cours de ce conseil, et a insisté sur la diversité des relations entretenues par l'Etat avec les collectivités territoriales.
M. Serge Dassault a regretté que les grandes orientations du budget ici présentées ne se montrent pas suffisamment volontaristes en matière de réduction de la dépense. Il a critiqué la législation relative aux 35 heures, ainsi que le financement, par l'Etat, de charges de fonctionnement, en ayant recours à l'emprunt, ce dont attestait le niveau élevé du déficit de fonctionnement. Il a considéré que les contrats aidés et les allègements sur les bas salaires étaient néfastes à la croissance et à la création d'emplois. Il a ajouté que les prévisions de croissance ne lui semblaient pas très réalistes, eu égard aux contextes national et international.
M. Philippe Dallier s'est interrogé sur les économies attendues de la mise en place de guichets uniques destinés aux entreprises, puis aux particuliers.
M. Philippe Adnot s'est inquiété des conséquences du changement des règles comptables « International accounting standards/international financial reporting standards » (IAS/IFRS), notamment en matière d'amortissement pour les entreprises, sur les recettes des collectivités territoriales. Il a ainsi estimé que la réforme, à partir de 2008, des bases de la taxe professionnelle aurait un coût important sur les finances publiques de l'Etat et des collectivités territoriales.
M. Yves Fréville s'est interrogé sur les bases de recettes retenues pour la préparation du budget 2007.
En réponse aux différents intervenants, M. Jean-François Copé a indiqué que le récent conseil d'orientation des finances publiques avait été l'occasion de proposer un « New deal » aux collectivités territoriales. Il a annoncé que M. Pierre Richard, président du conseil de surveillance de DEXIA, s'était, dans cette perspective, vu confier une mission relative à la maîtrise de la dépense publique territoriale.
Il a considéré qu'en matière de revalorisation catégorielle, comme de transferts de compétences nouvelles, de contrats de croissance, de dégrèvements, ou d'exonérations, les collectivités territoriales devaient être étroitement associées à la réflexion.
Il a estimé que les réductions d'effectifs devraient trouver un juste point d'équilibre, et a rappelé que, désormais, toutes les décisions en la matière étaient clairement exposées dans les documents budgétaires.
Il a souligné les progrès réalisés, en matière de déficit public, par la France, depuis 2003, ainsi que le respect, en 2006, de la règle du déficit inférieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB).
Il a assuré que, dans les collèges, aucune suppression de poste n'aboutirait à la fermeture de classe ou à l'augmentation du nombre d'élèves par professeur, et que de telles décisions s'appuyaient uniquement sur une plus juste appréciation des évolutions démographiques et du poids des « décharges ».
M. Jean Arthuis, président , a rappelé, sur ce point, les propos tenus le matin même, lors de son audition sur le projet de loi de règlement définitif du budget 2005, par M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, sur le caractère obsolète des « décharges pour vaisselle », dont bénéficient les professeurs de physique-chimie.
M. Marc Massion a regretté que, dans son département, toutes les classes d'insertion ferment.
M. Jean-François Copé a expliqué que, si deux fonctionnaires sur trois partant à la retraite n'étaient pas remplacés à l'Education nationale, cette décision résultait des efforts de modernisation déployés dans ce ministère.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie , a tenu à rappeler le contexte macroéconomique d'ensemble dans lequel se tenait le débat d'orientation budgétaire. Il a insisté sur le plan quinquennal de désendettement, élaboré par le gouvernement conformément à l'engagement pris par le Premier ministre. Il a indiqué que l'objectif poursuivi était de revenir à l'équilibre budgétaire et de ramener la dette publique à moins de 60 % du PIB d'ici à 2010. Il a ajouté que ce plan reposait sur deux scénarios, l'un ambitieux, avec un taux de croissance de 3 %, et l'autre, fondé sur des prévisions plus conformes à la croissance moyenne enregistrée au cours des derniers trimestres, avec un taux de croissance de 2,25 %.
Revenant sur le contexte macroéconomique, il a annoncé un taux de croissance de 0,54 % pour le premier trimestre 2006, avec une progression de la consommation et des exportations de, respectivement, 0,5 % et 1,5 %, tandis que les investissements des entreprises ont connu, au cours de la même période, un recul de 0,7 %. Il a estimé que cette tendance devrait se poursuivre dans les mois à venir, et a souligné la très bonne tenue de la consommation des ménages au mois de mai 2006.
Il a rappelé les engagements pris pour 2007 et pour les années à venir : un déficit inférieur à 3 % du PIB, et un désendettement à hauteur de 2 points de PIB par an. Il a souligné que les efforts, d'ores et déjà engagés par la France, en matière d'assainissement budgétaire, commençaient à être reconnus par la Commission européenne, et qu'ils reposaient, notamment, sur une anticipation collective de l'endettement, pour renouer avec une dynamique vertueuse.
M. Philippe Marini, rapporteur général , a considéré que le cadrage pour la loi de finances initiale pour 2007 correspondait à une saine discipline de la norme de dépenses, et à une volonté de maîtriser le déficit public, passant, en particulier, par le non-remplacement des personnels partant en retraite. Il a considéré que, dans ces conditions, le débat national serait empreint de plus de sincérité et de plus de sérénité.
Evoquant le plan quinquennal de désendettement, il a souligné que la commission des finances adhérait au caractère pluriannuel de cette démarche. Il est revenu sur le scénario qu'il avait proposé, dans son rapport préalable audit débat d'orientation budgétaire, et qui reposait sur une économie structurelle de dépenses pour parvenir à un excédent budgétaire d'1 point de PIB, en 2011, soit une amélioration du solde de 40 milliards d'euros, dont 10 milliards d'euros provenaient des effets des réformes accomplies en matière de retraite et d'assurance maladie, au cours de la période 2003-2004, et 30 milliards d'euros devaient résulter d'une meilleure maîtrise des dépenses de l'Etat, des régimes sociaux et d'une amélioration des ressources.
Il a observé que le plan proposé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, était ambitieux et supposait une réforme en profondeur du fonctionnement et de l'organisation de l'Etat, ainsi qu'une véritable politique de gestion des ressources humaines, fondée sur des critères quantitatifs et qualitatifs. A propos du mode de financement des régimes sociaux, il a rappelé la préférence de la commission des finances du Sénat pour une hausse du taux de la taxe à la valeur ajoutée (TVA), en contrepartie d'une baisse à due concurrence des cotisations sociales et les dégrèvements sur les bas salaires.
M. Marc Massion a précisé qu'un consensus pouvait s'établir sur l'objectif de désendettement national, mais que les avis divergeaient sur les moyens d'y parvenir.
M. Jean Arthuis, président , a souligné que la LOLF contraignait l'Etat à dresser l'état de sa situation patrimoniale, au 1 er janvier 2006, sous la forme d'un bilan d'ouverture. Dans cette perspective, il a rappelé la nécessité de ne pas sous-estimer la dette, au risque de pénaliser les résultats positifs à venir.
M. Thierry Breton a remercié la commission des finances du Sénat pour ses encouragements à poursuivre l'effort d'assainissement des finances publiques. Il a relevé que cet objectif était unanimement partagé. Il a insisté sur la nécessité de gager toute baisse d'impôt par des économies et sur l'importance, dans cette perspective, des audits de modernisation, lancés depuis 2005 et assortis de plans d'action.
Il a rappelé, enfin, que même si le suivi de la dette était difficile, la transparence en la matière était le préalable de l'action.