2. Les risques de la démarche
a) Une anticipation ou un « détricotage » du traité constitutionnel ?
Le débat sur la « clause passerelle » de l'article 42 du TUE est étroitement lié à la question de l'avenir du traité constitutionnel. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ce débat intervient au moment où l'on doute davantage de l'avenir du traité constitutionnel. On peut d'ailleurs relever que c'est le gouvernement français qui, le premier, a suggéré de recourir à la « clause passerelle » dans sa contribution en date du 24 avril 2006 sur les améliorations institutionnelles à partir du cadre des traités existants. Et la principale raison de l'opposition de l'Allemagne à l'utilisation de la « clause passerelle » tient également à la crainte d'anticiper sur l'avenir du traité constitutionnel.
Cette crainte est-elle réellement fondée ? La réponse à cette question n'est pas évidente.
Par certains aspects, le recours à la « clause passerelle » de l'article 42 du TUE est indépendant de la question de l'avenir du traité constitutionnel. En effet, l'article 42 du TUE existe depuis le traité d'Amsterdam. Rien n'empêche les États membres d'utiliser cette clause indépendamment de leurs positions sur l'avenir de la Constitution européenne. En outre, la « clause passerelle » de l'article 42 du TUE se distingue sur de nombreux aspects des dispositions du traité constitutionnel. En particulier, elle ne permet pas le transfert de nouvelles compétences à l'Union européenne ou à la Communauté, contrairement à ce que prévoyait le traité constitutionnel.
Mais on peut aussi objecter que le recours à la « clause passerelle » de l'article 42 du TUE pourrait paradoxalement aboutir à une « communautarisation » du « troisième pilier » qui irait au-delà de ce qui était prévu dans le traité constitutionnel, avec notamment la perte du droit d'initiative étatique, remettant ainsi en cause l'équilibre qui avait été difficilement atteint par les rédacteurs du traité constitutionnel. Ainsi, pour ne prendre qu'un seul exemple, le traité constitutionnel prévoyait de renforcer le rôle des parlements nationaux pour compenser en quelque sorte la « communautarisation » partielle du « troisième pilier ». Or, dans l'hypothèse de la « clause passerelle », les parlements nationaux se verraient privés de leurs prérogatives (comme le droit d'autoriser la ratification des conventions du « troisième pilier » ou des accords internationaux), sans pour autant acquérir les nouvelles compétences qui leur étaient reconnues par la Constitution européenne (comme, par exemple, le droit d'être associés au Parlement européen en ce qui concerne le contrôle d'Europol et l'évaluation d'Eurojust).