2. Réduire le fossé entre l'école et le monde professionnel
a) Un système en décalage avec la demande de formation : réconcilier l'école avec sa mission d'insertion
Il ressort clairement des travaux de la mission, notamment du questionnaire adressé aux maires 68 ( * ) , que le défi de l'insertion professionnelle des jeunes est mal assumé par notre système de formation.
Or, les handicaps dans l'accès à l'emploi sont lourds : d'une part, 40 % des jeunes en ZUS sortent du système éducatif sans bagage (contre 17,7 % pour la moyenne nationale) 69 ( * ) ; d'autre part, leur « employabilité », notamment celle des garçons, se heurte à des problèmes de « savoir être » : or, les emplois du tertiaire, notamment, requièrent désormais « des « qualités relationnelles » opposées à leur manière d'être. Ils en viennent progressivement à refuser le travail qui les refuse. » 70 ( * )
Par ailleurs, si 40 % des jeunes non qualifiés sont au chômage après trois ans de vie active, la possession d'un diplôme ou d'une qualification ne garantit pas forcément l'accès à un travail qui corresponde à sa formation et à ses attentes. Or, dans des quartiers touchés par un chômage massif, aussi bien les jeunes que les milieux professionnels aspirent, en priorité, à ce que les formations soient en adéquation avec les besoins du marché de l'emploi.
C'est pourquoi la mission considère que notre système de formation ne peut pas s'accorder le luxe d'orienter massivement des jeunes vers des filières dont on sait qu'elles n'offrent aucun débouché , parce qu'elles sont désuètes ou engorgées. La décote que subissent les jeunes diplômés en se présentant sur le marché du travail est ressentie brutalement : elle crée un sentiment de double relégation qui discrédite l'institution scolaire.
Ce paradoxe a des conséquences lourdes : en effet, les témoignages des entrepreneurs de zones franches urbaines (ZFU) recueillis par la mission à Marseille ou en Seine-Saint-Denis, confirmés par les statistiques du marché du travail 71 ( * ) , font état de très fortes difficultés de recrutement dans un grand nombre de métiers, dans les secteurs du bâtiment, de l'hôtellerie-restauration, de l'animation et de l'aide sociale..., désertés par les jeunes en formation 72 ( * ) .
Aussi, la mission suggère de développer, en lien avec les services de l'emploi et les régions, des parcours de formation permettant à des jeunes d'acquérir, notamment par la voie de l'alternance, et en priorité dans les secteurs confrontés à un déficit de compétences, une qualification diplômante avec insertion à la clé.
De façon plus générale, le monde professionnel est demandeur d'une meilleure collaboration avec l'Éducation nationale sur l'identification des besoins : ce travail de veille permettrait d'être plus réactif dans l'adaptation des formations et la régulation des flux d'entrée.
* 68 De nombreux maires insistent sur la nécessité de mieux adapter les formations et de revaloriser le travail manuel : l'un d'eux suggère de mettre en place des « formations diplômantes effectives en adéquation avec les besoins économiques », de limiter les « diplômes dont le monde du travail n'a pas besoin (en tout cas dans les proportions actuelles) » et de « travailler sur les représentations jeunes/entreprises ».
* 69 Source : « Les oubliés de l'égalité des chances », Institut Montaigne, janvier 2004.
* 70 Entretien avec Gérard Mauger, La Lettre de la DIV, n° 92, mai 2004.
* 71 Voir annexe n° 9, Partie IV.
* 72 Voir par exemple annexe n°8 (Partie III : « La situation scolaire en Seine-Saint-Denis ») : on constate dans l'académie de Créteil une forte sous-utilisation -de l'ordre de 15 %- des capacités d'accueil dans les lycées professionnels, notamment dans le bâtiment et la construction (35 %).