c) Une extension jurisprudentielle de l'effet interruptif de l'acte
L'interruption a pour effet d'effacer le temps écoulé et de faire courir un nouveau délai.
Aux termes de l' article 7, alinéa 2, du code de procédure pénale , la prescription est interrompue vis-à-vis de tous les auteurs, coauteurs et complices de l'infraction, connus ou inconnus. La jurisprudence a cependant étendu la portée de l'interruption par trois voies.
D'abord, la Cour de cassation a admis que l'acte interruptif accompli dans le délai de prescription interrompait la prescription des actions publique et civile, non seulement à l'égard de tous les participants à l'action, mais aussi à l'égard de toutes les victimes de celle-ci 50 ( * ) .
Ensuite, bien que l'effet interruptif soit, en principe, limité au fait délictueux précis, visé par les actes de poursuite ou d'instruction, la jurisprudence, utilisant la notion d' infractions indivisibles ou connexes , étend l'effet interruptif de l'acte à d'autres infractions. Par exemple, une plainte avec constitution de partie civile visant, en termes généraux, les agissements frauduleux des gérants ou des administrateurs, interrompt la prescription à l'égard de tous les actes délictueux commis, qu'il s'agisse des infractions de droit commun (abus de confiance, escroquerie) ou des infractions spéciales au droit des sociétés 51 ( * ) .
Enfin, la jurisprudence prévoit qu'en l'absence de texte, la durée du nouveau délai est celle de droit commun -en revanche, s'agissant du droit de la presse, la loi a explicitement prévu 52 ( * ) que les délits se prescrivent par trois mois à compter du jour où ils ont été commis ou, s'il y a eu interruption, à partir du dernier acte de poursuite (le législateur a prévu des règles identiques pour les délits d'atteinte à l'autorité de la justice - article 434-25 du code pénal ).
d) Des motifs de suspension qui suscitent moins de difficultés
Selon les commentaires recueillis par vos rapporteurs, les motifs de suspension de la prescription -qui, à la différence de l'interruption, ne fait qu'arrêter momentanément le cours de la prescription- suscitent moins de difficulté.
Ils dérivent du principe traditionnel selon lequel la prescription ne court pas contre celui qui ne peut valablement agir ( contra non valentem agere non currit praescriptio ). Le législateur a consacré ce principe dans plusieurs cas particuliers 53 ( * ) .
La Cour de cassation a par ailleurs dégagé plusieurs obstacles de droit ou de fait suspendant la prescription 54 ( * ) .
L'allongement de la durée des délais de prescription ne constitue pas la seule manifestation des résistances rencontrées par la prescription de l'action publique. Le principe de l'applicabilité immédiate, désormais renforcé par le législateur, des nouvelles durées de prescription aux prescriptions en cours est un autre signe de cette tendance.
* 50 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 17 février 1986.
* 51 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 12 mars 1936.
* 52 Article 65 de la loi du 29 juillet 1881.
* 53 La prescription est suspendue :
- jusqu'à la date de cessation des hostilités (article premier de la loi du 29 mars 1942) ;
- depuis le jour où une décision judiciaire a déclaré l'action publique éteinte jusqu'au moment où il apparaît que cette décision résulte d'un faux (article 6, alinéa 2, du code de procédure pénale) ;
- entre la date de saisine de la commission des infractions fiscales et la date de son avis (article 1741-A du code général des impôts) ;
- pendant la période de consultation par les juridictions du Conseil de la concurrence (articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1 er décembre 1986) ;
- pendant la minorité de la victime d'infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale (articles 7 et 8 du code de procédure pénale) ;
- pendant la mise en oeuvre par le procureur de la République d'une alternative à la poursuite (article 41-1, alinéa 2, du code de procédure pénale) ;
- pendant le mandat du Président de la République (loi constitutionnelle du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution).
* 54 Parmi les obstacles de droit, il convient de mentionner notamment la question préjudicielle, le pourvoi en cassation, l'instance en règlement des juges, le recours en révision, la demande de mainlevée de l'immunité d'un parlementaire, la mise en délibéré d'un jugement ou arrêt, l'exécution à l'étranger d'une peine infligée à un ressortissant français poursuivi en France, etc.