M. Jean-Luc Thomas, professeur titulaire de la chaire d'électrotechnique au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) - 21 mars
M. Bruno Sido, président - Notre mission commune d'information a été chargée de réfléchir en profondeur aux questions de sécurité d'approvisionnement de la France en électricité. Elle rassemble des élus de différentes tendances politiques et la rédaction de son rapport doit être bouclée dans le courant du mois de juin. Dans cette optique, nous procédons à l'audition de très nombreux acteurs du domaine de l'énergie et sommes amenés à effectuer plusieurs déplacements à l'étranger. Nous nous sommes ainsi récemment rendus à Bruxelles et nous avons pour projet de nous déplacer dans plusieurs pays européens, afin, notamment, de mieux comprendre l'incident du 4 novembre 2006. Nous espérons ainsi entrevoir les moyens qui permettront à un tel incident de ne pas se reproduire. Aujourd'hui, nous procédons à trois auditions. Jean-Luc Thomas sera le premier à intervenir. Dans un premier temps, nous écouterons son exposé, avant de lui poser quelques questions.
M. Jean-Luc Thomas, professeur titulaire de la chaire électrotechnique au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM ) - Mon exposé sera bref car je veux croire que les échanges qui s'ensuivront seront plus importants pour vous que cet exposé. Avant toute chose, je souhaitais vous remercier de m'avoir invité ce matin. Je tenterai d'apporter un éclairage sur l'incident du 4 novembre 2006 et, de manière plus générale, sur les problèmes d'approvisionnement en électricité de la France. Je suis titulaire de la chaire d'électrotechnique au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) depuis un an. Avant cela et pendant près de vingt-cinq ans, j'ai effectué une longue carrière industrielle auprès, notamment, de grands groupes électriques tels que Schneider, Alstom, Alcatel-Alsthom et Areva T&D. Parallèlement, j'ai approché le monde universitaire au travers d'un poste de professeur associé, que j'ai occupé pendant dix ans. Au-delà, les différents postes que j'ai été amené à occuper m'ont donné l'occasion de conduire des missions dans le domaine de la recherche et du développement pour le compte de fournisseurs de matériel électrique. J'ai été plus récemment confronté à la problématique des réseaux, par le biais de mes activités pour Areva.
Ma présentation, qui s'appuiera sur un document Powerpoint, se concentrera sur quelques aspects généraux concernant l'énergie électrique en France. Elle devrait alimenter par la suite notre discussion sur les scénarios imaginables pour le futur.
J'ai contribué à la rédaction des rapports d'enquête de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et de l'European Regulators' Group for Electricity and Gas (ERGEG) sur la panne du 4 novembre dernier. J'ai ainsi été amené à réfléchir sur les solutions possibles pour éviter qu'un tel incident ne se reproduise. Les solutions à court terme sont détaillées dans les rapports de l'Union for the Co-ordination of Transmission of Electricity (UCTE), de l'ERGEG et de la CRE. Au-delà, nous devons prendre conscience du fait que cette problématique s'inscrit dans un cadre européen et non uniquement franco-français. Nous devons prendre en compte toutes les données dans un cadre plus large.
La première liaison de transport électrique a été réalisée au XIX ème siècle, à partir du CNAM, sur une modeste distance de 57 kM. Quelques années plus tard, un réseau électrique avait été installé pour l'exposition universelle de Munich. Il était alimenté par une cascade d'eau de 2,5 mètres et produisait une puissance de 400 W à travers des fils télégraphiques de 4,5 mm de diamètre. Ces chiffres peuvent prêter à sourire. Pour autant, les problèmes identifiés alors sont toujours d'actualité : même en 2007, les lois de la physique restent inflexibles !
Les historiens ont narré le combat qui a opposé à l'époque Edison et Tesla sur la nature du réseau électrique. L'un prônait le courant continu, tandis que l'autre défendait le courant alternatif. A l'époque, ces questions pouvaient paraître surréalistes. Aujourd'hui, toutefois, nous nous posons à nouveau des questions sur le choix des réseaux. Lors de la panne du 4 novembre 2006, les systèmes d'interconnexion en continu ont montré certaines vertus. L'alternatif domine aujourd'hui largement en Europe, grâce à l'invention du transformateur par Lucien Gaulard.
Bien entendu, les lois de la physique ne changent pas au cours des siècles. De même, pour certains objets, les fonctions n'évoluent pas. Ainsi, un pont a aujourd'hui la même utilité qu'autrefois. Pour autant, personne ne saurait nier les avancées technologiques majeures qui séparent le Pont Neuf du Viaduc de Millau. Il en va de même pour les réseaux et les transformateurs.
J'ai souhaité illustrer la différence entre production et distribution au travers d'un document de Réseau de Transport d'Electricité (RTE) publié sur internet. Ce sujet est fondamental dans la mesure où les principes, les technologies et les règles diffèrent entre l'une et l'autre. Cette divergence s'est d'ailleurs accrue au travers du mouvement de libéralisation du marché de l'électricité. Avant la dérégulation, le réseau électrique s'appuyait sur des règles strictes concernant les standards et la sécurité. Un seul acteur prenait en charge la génération, la production, la transmission, le transport, la distribution et l'alimentation locale. La dérégulation a bien sûr multiplié le nombre d'acteurs. Les aspects financiers et la compétition ont fait leur entrée dans ce domaine. Dans le même temps, la production s'est décentralisée, par le biais de l'éolien, du photovoltaïque ainsi que d'autres sources. Le nouveau schéma sépare de façon nette les différentes fonctions (production, transmission et distribution).
Trois facteurs permettent d'évaluer la qualité de l'électricité, à savoir la qualité de la tension, la continuité de service et le coût associé à cette énergie. Les électrons obéissent aux lois de la physique mais ignoreront toujours les lois du marché. Cette boutade nous rappelle que l'on ne négocie pas les lois de Kirchhoff. Malheureusement, certains acteurs semblent l'avoir oublié. De nombreux standards et normes ont été édictés. Les variations lentes et rapides de tension sont aujourd'hui bien codifiées et réglementées, tout comme les fluctuations et la fréquence. Ceci doit nous rappeler que l'électricité n'est pas un produit de consommation comme les autres.
L'intégration des éoliennes dans les réseaux pose question, aussi bien au niveau de la distribution que du transport. La production éolienne est aléatoire et difficilement prévisible. Le réglage de fréquence et de puissance est inexistant, tandis que le réglage de tension est limité. Cette production demeure donc très sensible aux creux de tension. Lors de l'incident du 4 novembre 2006, l'Espagne s'est ainsi trouvée délestée pour cette raison. Les éoliennes se comportent de fait comme des générateurs passifs, ce qui rend leur intégration sur le réseau problématique.
L'électricité est un produit frais qui doit être consommé tout de suite. Nous ne disposons d'aucun moyen de stocker cette énergie. Les batteries ne peuvent en effet stocker que du courant continu. Les stockages de supraconductivité sont aujourd'hui trop chers pour être généralisés. Le coût du stockage par le biais de l'hydrogène est de même prohibitif. Notre système de production, de consommation et de transport d'énergie électrique s'appuie sur le principe de l'équilibre instantané entre la production et la consommation. L'interconnexion des réseaux permet d'assurer un soutien mutuel. Sur le plan technique cependant, le déséquilibre brusque entre la production et la consommation peut engendrer d'importantes difficultés. C'est ce qui s'est produit le 4 novembre 2006.
La règle du N-1 joue un rôle fondamental dans le phénomène de black-out. Cette règle évalue la capacité à résister à une rupture de ligne. J'ai présenté schématiquement le cas de deux réseaux simples. Le premier est capable d'absorber un défaut, en réorientant la puissance sur d'autres lignes. En revanche, le second n'est pas capable de soutenir le courant absorbé. C'est ainsi que se produit une réaction en cascade, car la règle du N-1 n'a pas été respectée. C'est ce second schéma qui s'est vérifié le 4 novembre 2006.
En août 2003, les Etats-Unis ont connu une série de black-out. Les satellites de la NASA ont ainsi pu prendre d'impressionnants clichés montrant toute l'Amérique du Nord dans le noir. Il est important d'effectuer la distinction entre un black-out et une grande panne. Le black-out constitue l'étape ultime des difficultés ; l'ensemble du réseau s'écroule alors. La panne du 4 novembre n'entre pas dans cette catégorie et cet incident de grande ampleur doit en fait être qualifié de perturbation sévère. Les Etats-Unis et l'Italie ont en revanche déjà connu de tels phénomènes de black-out ces dernières années : en Italie, c'est la foudre tombée sur un arbre qui a provoqué le déséquilibre et un phénomène de cascade, le pays entier s'étant ainsi retrouvé isolé.
La panne du 4 novembre débute avec le passage d'un bateau sur la rivière Ems. Pour des raisons de sécurité, il a été nécessaire à cette occasion de couper la ligne Diele-Conneforde. Cette action a provoqué un phénomène en cascade. Des alarmes se déclenchent alors sur des lignes au sud, notamment sur la ligne Landesbergen-Wehrendorf. C'est cette dernière rupture qui est en réalité à l'origine de la panne. Un opérateur a essayé de réagir face à cette difficulté mais, ne disposant pas de tous les outils de simulation nécessaires, il n'a pas pris la bonne décision. Il a procédé à une manoeuvre de topologie, c'est-à-dire de reconfiguration du circuit, qui a provoqué une détection de surcharge et un déclenchement de cette ligne, relançant le phénomène en cascade. Trois zones de fréquence se sont alors formées. RTE a mis en évidence des problèmes d'équilibre de puissance. La zone sud-ouest n'a été que faiblement touchée, alors que les deux autres subissent un déséquilibre de l'ordre de 10 000 MW en positif et en négatif, provoquant ainsi une séparation nette.
La panne du 4 novembre se caractérise notamment par une rupture brusque de l'équilibre et, de fait, par une baisse brutale de fréquence. Ce dernier phénomène engendre l'activation de systèmes automatiques sur lesquels l'homme n'a pas prise. Un tel incident met en évidence l'importance d'une plus grande coordination entre les gestionnaires de réseau européens. Elle me paraît fondamentale.
Un document réalisé dans le cadre du rapport de la CRE illustre schématiquement le principe du réseau de transport interconnecté. Il comporte plusieurs ensembles de production (représentés par un alternateur et une turbine) et deux étages de régulation. L'étage primaire permet en transitoire d'asservir la fréquence par un rééquilibrage entre la consommation et la production. Ce réglage localisé ne permet cependant pas d'assurer un réglage précis de la fréquence, puisqu'il ne vaut que pour une région donnée. Le réglage secondaire prend en revanche en compte l'ensemble des productions et des consommations sur un territoire donné et au-delà de ses frontières. Il s'appuie sur une information plus globale. Au niveau n, l'ajustement de la puissance s'effectue par le biais de communications directes. C'est ainsi que le 4 novembre, certains groupes de production ont pu être relancés. A cette occasion, le gestionnaire suisse ETRANS a demandé un mode de gestion qui n'est pas encore inscrit dans l'Operation handbook, qui régit le fonctionnement de l'Union pour la coordination des transmissions électriques (UCTE).
J'ai pu remarquer que les intervenants qui m'ont précédé devant votre mission n'ont pas mis l'accent sur l'électronique de puissance. Aujourd'hui, cette dernière nous permet de prendre en charge des problématiques d'amélioration de la qualité du réseau électrique, au travers de la conversion de l'énergie. Des composants de puissance (de l'ordre maintenant de plusieurs centaines de mégawatts) permettent de passer d'un système alternatif (AC) à un système continu (DC), dans les quatre configurations possibles (AC/DC, DC/AC, AC/AC et DC/DC). Cette technologie permet d'introduire des réseaux continus. Ces éléments, nommés FACTS (flexible alternative current transmission systems), peuvent être agencés pour répondre à des besoins particuliers. La liaison entre la France et la Grande-Bretagne (IFA 2000) met ainsi en jeu des systèmes de ce type. Ces dernières années, ces composants se sont ensuite multipliés et diversifiés pour répondre aux normes toujours plus sévères de connexion des éoliennes sur le réseau et régler les problèmes de puissance active/réactive sur les éoliennes.
Lorsque deux réseaux sont interconnectés par une ligne d'impédance X, il est nécessaire de tenir compte de la puissance active, utilisée en tant que puissance utile, ainsi que de la puissance réactive, qui permet de maintenir la tension sans être nécessaire à la transmission de puissance. Le fait d'omettre ce second paramètre peut engendrer de nombreux dysfonctionnements. Un FACTS peut jouer sur les tensions au bord des réseaux, sur les impédances X de la ligne ainsi que sur les déphasages. La multiplication de tels systèmes d'électronique de puissance doit permettre d'améliorer de manière notable la fiabilité des réseaux électriques. Ils peuvent notamment être intégrés à des réseaux de transport ou de distribution à proximité de charges très variables (comme une industrie sidérurgique). Schématiquement, le FACTS agit comme un piquet supplémentaire sur une ligne qui doit supporter une charge de plus en plus lourde. Ainsi, dans le cas d'une ligne caractérisée par une génération donnée et une charge variable, l'absence de charge engendre une remontée de tension notable, alors que la pleine charge provoque une chute de tension. Le SVC, qui est un FACTS particulier, permet de maintenir constante la tension sur l'ensemble de la ligne.
Le coût de tels équipements varie en fonction de la puissance. Ils peuvent coûter jusqu'à plusieurs millions d'euros. Il en existe déjà sur le réseau français. Ils restent cependant en nombre insuffisant et, pour certains, n'ont pas été positionnés au bon endroit.
M. Bruno Sido, président - Pourrez-vous nous communiquer la formule qui lie puissance, tension et fréquence ?
M. Jean-Luc Thomas - Je vous transmettrai des informations à ce sujet. Le FACTS est aujourd'hui intégré généralement dans une cabine. Il est ainsi placé à un endroit déterminé de manière transitoire pour répondre à des besoins ponctuels. Les coûts s'en trouvent nettement réduits. Plutôt que d'acquérir de tels systèmes et de les mettre à demeure en un lieu précis, il devient possible de les louer pour une durée déterminée en modifiant régulièrement leur implantation.
Le choix entre courant continu et courant alternatif peut être examiné sous l'angle du coût. Le coût d'une liaison en courant alternatif augmente de manière proportionnelle en fonction de sa longueur. L'installation d'une ligne en courant continu possède un coût non négligeable pour une courte distance. Cela tient au fait que pour être raccordé au réseau général, une telle ligne doit être dotée d'équipements de puissance, dont le coût est incompressible. En revanche, nous constatons que, sur une longue distance, ces lignes deviennent moins coûteuses que les lignes en alternatif. C'est bien souvent autour de 800 km ou de 1 000 km que se trouve le point d'équilibre des coûts des deux systèmes. En deçà, la liaison en courant alternatif est plus rentable. Au-delà, c'est la liaison en courant continu qui s'avère la moins coûteuse. Pour les liaisons sous-marines, notamment IFA 2000, il est préférable de ne passer que deux câbles sous-marins, plutôt que trois. Ces équipements permettent aussi d'augmenter la puissance transmise par une ligne. Ces FACTS déphaseurs équipent notamment la liaison entre la France et l'Espagne à travers les Pyrénées.
Dans le cas des liaisons sous-marines, entre deux îles par exemple, ces équipements sont aujourd'hui devenus relativement communs. La liaison IFA 2000 (2 000 MW) qui relie la France à l'Angleterre est assez ancienne. Les FACTS existants peuvent être modernisés par le biais de nouvelles technologies. Les convertisseurs de tension (VSC) permettent par exemple d'améliorer la qualité des harmoniques et d'éviter de polluer le réseau. Ce phénomène est assez largement ignoré. S'il est de moindre importance que celui qui est à l'origine de la panne du 4 novembre, il ne saurait pourtant être négligé, car il peut engendrer de sérieux dysfonctionnements. Les filtres actifs permettent pour leur part de réduire la taille des filtres.
Pour leur raccordement au réseau, les fermes éoliennes utilisent de plus en plus des FACTS particuliers dénommés SATCOM. Ceux-ci assurent une protection contre les courts-circuits et les déséquilibres. La CRE a ainsi publié récemment un document portant sur les normes de raccordement des fermes éoliennes au réseau. En Espagne, c'est un décret royal qui règle ces questions et, notamment, les situations de creux de tension, de variation lente de tension ou des courts-circuits. Les éoliennes d'ancienne génération n'utilisent pas ces systèmes et sont, de fait, beaucoup plus sensibles à ces difficultés. Les nouvelles technologies nous permettent ainsi en réalité de mieux réagir en cas de désynchronisation ou de perturbation sur le réseau.
La distribution s'enrichira certainement au cours des années à venir de productions décentralisées voire très localisées. Cette problématique nous éloigne de celle de l'incident du 4 novembre, mais doit tout de même être intégrée à notre réflexion. Les questions concernant l'interaction entre les différentes sources et le raccordement à la production doivent être posées. La CRE et l'UCTE ont souligné le fait que, lors d'un déclenchement sur le réseau de transport, nous ne connaissons pas a priori les puissances associées à la distribution. EDF et RTE sont par conséquent contraints de communiquer de manière régulière ces informations, car nous ne disposons plus d'une connaissance globale du système.
De manière plus générale, nous nous apercevons que les modèles économiques restent par trop anthropiques. Ils doivent intégrer les contraintes imposées par les lois de la physique. N'oublions pas que les flux financiers et physiques ne s'équilibrent pas toujours. Lorsque la France exporte vers l'Allemagne une puissance donnée, il est impossible de déterminer le trajet effectif de cette puissance. Physiquement, nous ne savons pas comment l'enchère est réalisée. Elle peut en effet transiter par l'Italie, l'Autriche ou la Suisse. En cas de difficulté dans l'un de ces pays, il est impossible d'honorer le contrat. C'est ce que nous apprend la loi de Kirchhoff. Cette loi, dite loi des mailles, loi des noeuds, précise qu'il existe un équilibre au niveau d'un noeud de réseau. La puissance entrante est égale à la puissance sortante, si l'on excepte les pertes. Au terme de cette loi, il devient clair qu'il est impossible de stocker de l'énergie.
C'est en cela que l'électricité constitue un domaine particulier. Sur un réseau autoroutier, il est toujours possible de stocker les véhicules sur un parking. Il en va de même pour un réseau ferré. En revanche, un tel principe est impensable dans le domaine de l'électricité. Si la consommation et la production ne sont pas équilibrées, une variation de fréquence apparaît. Aujourd'hui, les prédictions nous permettent de gérer les fluctuations normales, en l'absence de défaut. Nous ne sommes cependant pas à l'abri d'une erreur humaine ou d'un problème lié à l'élagage. De tels défauts ne peuvent être anticipés. Les lois de la physique ne sauraient être violées, même s'il existe un système préventif et un système curatif.
Il apparaît aujourd'hui impératif de mettre sur pied un centre européen pour les réseaux énergétiques. Dans ce cadre, il serait intéressant de créer une fondation pour la recherche en systèmes électriques. Elle serait ouverte aux acteurs du marché comme au monde académique. La France pourrait y faire figure de leader, dans la mesure où elle occupe une position centrale dans le réseau.
Je conduis aujourd'hui, pour le compte d'Areva, une mission qui a pour but de prédire les black-out en fonction de la topologie du réseau, des pannes passées et de diverses statistiques. Ces travaux ressemblent quelque peu à ceux menés par les sismologues pour prévoir les prochains séismes. Nous ne sommes pas en mesure de prévoir les défauts à quelques jours, mais nous devrions bientôt être en position d'identifier les défauts. L'aspect diagnostic ou curatif permet de minimiser les congestions au travers de protocoles très particuliers.
Le modèle du tas de sable s'applique particulièrement bien dans le domaine de l'électricité. Lorsque l'on lâche de nouveaux grains de sable sur un tas, il grossit peu à peu, avant de s'écrouler brutalement. C'est le même principe qui est à l'oeuvre dans le cas d'un black-out. Aux Etats-Unis, le National electronic research council a dénombré 427 black-out sur les quinze dernières années. Il a ainsi été mis en évidence que la survenue des black-out répondait à une loi linéaire : les petits événements sont plus probables que les grands. Un événement du type de celui qui est survenu en Europe le 4 novembre est de fait plutôt rare. La notion de sévérité est liée à divers paramètres tels que le nombre de consommateurs touchés ou encore le coût total de la panne. Cette constatation a donné naissance à des programmes de recherche majeurs sur le sujet.
Nous ne pouvons que déplorer aujourd'hui un manque de compétences techniques, pourtant indispensables. Les filières « Systèmes électriques » des universités et écoles d'ingénieurs sont peu à peu désertées. Les jeunes se détournent du domaine des sciences et techniques de l'ingénieur (STI) et plus particulièrement de celui de l'électrotechnique. En effet, cette dernière s'appuie sur une technologie mature, apparue au XIXème siècle. Nous perdons ainsi beaucoup d'expertise. Aujourd'hui, seules quelques écoles, telles que Supélec ou l'ENSIEG de Grenoble, enseignent les réseaux électriques. En prenant cette chaire au CNAM, il m'a été donné pour mission de développer l'enseignement sur les réseaux électriques. Nous sommes aujourd'hui équipés de réseaux âgés de 20 à 25 ans. A l'époque, les problématiques autour des besoins énergétiques étaient plus réduites qu'aujourd'hui : les énergies renouvelables n'existaient pas encore et notre capacité de production était alors nettement supérieure aux besoins. Face à cela, nous nous sommes quelque peu assoupis et il est temps de sonner le réveil, par le biais notamment de campagnes de communication dans les mondes industriel, académique et politique.
Il est assez curieux de constater que l'Operation handbook de l'UCTE, qui régit la coordination des réseaux électriques dans l'Union européenne, n'est toujours pas complet. Le Policy 8 (Operational training) n'a toujours pas été publié. Il devrait préciser des notions importantes telles que l'entraînement des dispatchers ou encore la formation. C'est ainsi que perdurent des écarts de compétence entre les gestionnaires de réseau. Un Français et un Polonais ne disposent pas des mêmes connaissances, n'ont pas suivi les mêmes formations et ne maîtrisent pas les mêmes techniques. Aujourd'hui, RTE dispose d'un simulateur de conduite qui lui offre une vision assez approfondie des couronnes chez ses voisins européens. Malgré cela, le 4 novembre, RTE ne disposait d'aucun moyen lui permettant de détecter l'ouverture de la ligne allemande. En fait, certains pays ne disposent même pas d'outils aussi performants que RTE. Il serait important de créer des standards européens en la matière. Faut-il aujourd'hui mettre en place une certification des opérateurs de centre de conduite ? Un tel label permettrait de garantir la qualité du travail effectué.
M. Bruno Sido, président - De tels outils ont été mis en place dans le domaine du trafic aérien.
M. Jean-Luc Thomas - C'est exact. J'espère ne pas avoir été trop long dans mon exposé.
M. Bruno Sido, président - Il était tout simplement passionnant. Je dois cependant vous poser une série de questions techniques. En matière d'exportations, le comptage est-il réellement possible ?
M. Jean-Luc Thomas - Oui, ces techniques sont aujourd'hui bien maîtrisées.
M. Bruno Sido, président - Je souhaite par ailleurs que vous reveniez sur les problèmes relatifs aux interconnexions en alternatif, en matière de fréquence et surtout de puissance. Par ailleurs, vous soulignez que la production était il y a une vingtaine d'années largement surdimensionnée par rapport aux besoins. L'augmentation de la capacité de production pourrait-elle résoudre les difficultés actuelles ?
M. Jean-Luc Thomas - Elle ne saurait être considérée comme une réponse unique. Quoi qu'il en soit, la France occupe une position assez confortable en la matière.
M. Bruno Sido, président - Malgré tout, il nous a fallu délester.
M. Jean-Luc Thomas - Je dois préciser, même si cela n'a pas véritablement été mis en lumière dans les rapports qui ont suivi la panne du 4 novembre, que le réseau anglais n'a pas été touché par cet incident. C'est la liaison à courant continu qui a protégé la Grande-Bretagne. En effet, elle n'a pas été sensible à la baisse de fréquence. Le rapport de la CRE reprend à ce sujet un graphique qui détaille les différents seuils de délestage. Le délestage survient en fonction de la fréquence constatée et des équipements dont dispose chaque pays. En cas de dysfonctionnement important entraînant un déséquilibre fort entre production et consommation, seuls les systèmes automatiques réagissent. Nous constatons une très grande disparité dans les détections et, par conséquent, dans les délestages. Une telle disparité peut aggraver les problèmes, car le délestage n'est pas réalisé de manière coordonnée.
Les liaisons en continu ne sont pas sensibles à ces variations de fréquence. Ceci n'est d'ailleurs pas sans avantage. Ces équipements permettent de continuer à honorer les contrats, même en cas de difficulté technique sur le reste du réseau. J'ai cependant été quelque peu choqué par le fait que les Anglais ont bénéficié tout au long du problème d'une alimentation de 2 000 MW, alors que la France souffrait d'un déficit important. La législation européenne devrait imposer une certaine solidarité entre les Etats-membres en la matière.
M. Bruno Sido, président - Si toutes nos interconnexions utilisaient le courant continu, la France aurait-elle été préservée le 4 novembre dernier ?
M. Jean-Luc Thomas - Il est difficile de répondre à cette question. Tout dépend du nombre d'interconnexions en courant continu et de l'ampleur du déséquilibre. Si toutes utilisaient le courant continu, la France aurait été assurément préservée. Toutefois, le coût d'un tel réseau serait véritablement exorbitant. Un tel système aurait de plus pour inconvénient de nous désynchroniser du reste de l'Europe. Ainsi, la France ne bénéficierait plus de la solidarité entre pays voisins. Aujourd'hui, en cas de sous-production en France, cette dernière peut compter sur l'étranger.
La stabilité du réseau s'accroît avec le nombre d'interconnexions. Plus le maillage est serré, plus le réseau est stable. Il serait peut-être bon d'augmenter le nombre de liaisons à courant continu, mais il serait vain de considérer cette solution comme apte à résoudre toutes les difficultés.
M. Bruno Sido, président - De manière très égoïste, quel est l'intérêt pour la France de participer à la stabilité du réseau en Europe et même au-delà ?
M. Jean-Luc Thomas - L'interconnexion assure une meilleure qualité de la fréquence. En cas de défaillance d'une centrale nucléaire ou d'une région toute entière, nous pouvons faire appel à nos voisins pour rétablir la situation. Nous ne sommes pas isolés. Par ailleurs, je répète que plus le nombre de connexions est important et plus le réseau est stable. Ceci réduit d'autant les risques de décrochage. Il serait difficile d'en expliquer ici la raison. Cependant, un système interconnecté a pour inconvénient que, lorsqu'un défaut important surgit, comme ce fut le cas le 4 novembre, une réaction en chaîne se produit. Des blocs entiers se détachent.
M. Bruno Sido, président - Cet effet est-il lié à un déficit d'interconnexions ?
M. Jean-Luc Thomas - Oui et non. En fait, cette question est très complexe. Le rapport n'est pas linéaire.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur - Sur un tel sujet, nous ne pouvons bien entendu nous permettre de contourner les aspects techniques. Les rapports ont mis en évidence a posteriori plusieurs erreurs au moment de la resynchronisation des réseaux le 4 novembre, notamment entre le bloc est et le bloc ouest. La reconnexion des réseaux secondaires de production ne s'est pas effectuée comme cela était prévu. Pouvez-vous revenir sur ces erreurs et nous indiquer des pistes permettant d'éviter qu'elles ne se reproduisent ? Par ailleurs, nous avons pu constater que les gestionnaires allemands et polonais disposaient d'outils d'analyse de sécurité différents de ceux qu'utilise RTE. Vous soulignez à juste titre qu'un maillage plus serré renforce la sécurité du système. Encore faut-il que les outils techniques, particulièrement dans le domaine du contrôle de sécurité, soient standardisés. Comment pouvons-nous progresser dans ce domaine, afin de faire avancer la sécurité en Europe et, par conséquent, en France ?
M. Jean-Luc Thomas - Je vous remercie pour cette question fort intéressante. Nous avons en effet pu constater une série de dysfonctionnements dans le processus de resynchronisation. Aujourd'hui, les opérateurs ne disposent pas d'une vue globale sur ce qui se passe autour d'eux. Le 4 novembre, les Autrichiens ont ainsi réenclenché, avant que le problème ne soit résolu. Bien entendu, le système a déclenché à nouveau immédiatement. Les Autrichiens ont procédé de la sorte car ils n'avaient aucune connaissance du phénomène en cours. Ils ne savaient absolument pas qu'ils se situaient à la frontière entre les deux blocs. Ils ont dès lors réenclenché à un moment inopportun.
RTE possède des simulateurs, appelés « power flows », qui vérifient la loi de Kirchhoff et, par ce biais, les échanges de puissance. Cette surveillance est réalisée toutes les 15 minutes, en fonction de la topologie du réseau. Elle s'effectue de manière automatique de façon cyclique, mais peut également être répétée de manière plus fréquente sur demande humaine ou par le biais d'un déclenchement d'alarme. En analysant les données, l'outil simule la règle du N-1. Il anticipe ainsi le risque d'un défaut de sécurité. L'Espagne et la Belgique disposent de tels systèmes. RWE en Allemagne affirme aussi posséder un outil comparable. Je n'en ai pas la preuve. L'Europe peut souffrir d'un déficit de cohérence parce que tous les opérateurs ne disposent pas tous des mêmes outils.
Le 4 novembre, la resynchronisation fut également problématique pour les systèmes de distribution intégrant des éoliennes. En effet, les écarts de technologies au sein du parc éolien sont importants. Les technologies diffèrent en fonction du pays, du constructeur et de l'époque à laquelle ont été conçus les équipements. Le 4 novembre, nous avons été confrontés à un problème de fréquence. Ce type de difficulté reste extrêmement rare. Habituellement, nous constatons un problème de tension. Nous délestons, mais nous ne mettons pas en péril tout l'équilibre du réseau. En France, les systèmes de détection de sous-fréquence ne permettent pas de déceler des variations en deçà d'un certain seuil. Nous subissons ainsi une incertitude qui conduit à des imprécisions dans le déclenchement. Les risques pour le réseau s'en trouvent accrus. Il est donc très important que l'Europe se dote d'un outil de coordination de la simulation.
La resynchronisation doit s'effectuer au travers d'un dialogue direct entre opérateurs européens. C'est ainsi que chacun pourra disposer d'une vue globale sur l'état du réseau et savoir à l'avance si les manoeuvres entreprises s'avéreront efficaces. L'incident du 4 novembre illustre un manque cruel de dialogue. Ainsi, nous avons constaté que l'Espagne n'a été informée du dysfonctionnement par la France qu'une heure après son déclenchement. La concertation doit être considérée comme une priorité. Elle passe d'une part par des échanges directs, par le téléphone, tout simplement, mais aussi par le biais d'outils informatiques échangeant des informations. A l'heure actuelle, l'Allemagne maintient secrets certains flux de données auxquels RTE ou d'autres opérateurs ne peuvent avoir accès. Ceci s'explique par l'histoire des réseaux nationaux. Chaque pays avait institué un monopole sur la gestion et la production d'électricité. Aujourd'hui, il apparaît fondamental de partager l'ensemble des données techniques.
Les questions que vous soulevez nous renvoient pour partie à une série de difficultés d'ordre technique. Pour d'autres, elles relèvent de la coordination, des technologies ou encore des outils.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur - Par ailleurs, il n'existe que peu de similitudes entre les structures montées par les opérateurs privés et publics.
M. Jean-Luc Thomas - Vous avez raison. Aujourd'hui, les producteurs ne disposent toujours pas des données des distributeurs.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur - La création d'un régulateur européen vous semble-t-elle souhaitable ? Ce dernier serait en effet en mesure d'assurer la coordination et la régulation à un niveau plus large.
M. Jean-Luc Thomas - Cela me semble évident. Nous avons discuté de ce sujet avec des collègues de la CRE. Nous ne voyons pas d'autre issue. Le 4 novembre, au moment du relestage, nous avons pu constater une remontée immédiate du niveau de production. A 22 heures 32, le gestionnaire suisse ETRANS demande un passage en mode fréquence pure. Cette technique implique une remontée de puissance, indépendamment de l'équilibre entre les puissances de nos voisins. Elle permet, dans une situation d'urgence, de faire remonter rapidement la fréquence. ETRANS a demandé à plusieurs pays, parmi lesquels la France, de basculer sur ce mode, qui implique notamment l'annulation de quelques coefficients. Cette opération a réduit le temps de recouvrement. Elle n'est toutefois ni définie, ni décrite, ni validée dans l'Operation handbook. Plusieurs pays de l'Est de l'Europe ont basculé sur ce même mode, mais de manière totalement désynchronisée avec la consigne suisse.
Dans ce cas de figure, les opérateurs ont donc jugé nécessaire de recourir à un mode d'urgence, qui n'est même pas défini et codifié dans la règle de gestion de l'UCTE. Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que la Suisse ait décidé de contourner les procédures habituelles. En effet, leur décision a permis de sauvegarder le système. Toutefois, ce dysfonctionnement devrait nous alarmer. RTE n'a pas pris cette initiative par lui-même. C'est le gestionnaire suisse qui a dû lui demander, en vertu des règles de priorité définies en cas de dysfonctionnement. Cette opération n'a été mise en oeuvre qu'après un certain temps de latence et en contradiction avec les consignes de l'UCTE. Au-delà, il apparaît surréaliste que la formation n'ait pas été standardisée. En cas d'urgence, il apparaît pourtant primordial que chaque opérateur européen dispose du même niveau de formation.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur - Pour cela, il faudrait que l'Europe prenne conscience de l'enjeu. Tous les parlements nationaux européens se posent-ils aujourd'hui les questions que nous nous posons ? Il faudrait une impulsion politique forte au niveau européen pour faire émerger un régulateur à ce niveau.
Mme Nicole Bricq - Y a-t-il une perte d'énergie entre le volume produit et le volume consommé ?
M. Jean-Luc Thomas - Nous constatons effectivement une perte d'énergie. Aucun système n'est parfaitement étanche. Cette perte reste faible et se limite à quelques dixièmes de pourcent en système alternatif dans les câbles ou les raccordements. En revanche, elle est nettement plus importante dans une liaison à courant continu et représente plusieurs pourcents de l'énergie entrante, du fait du rendement des convertisseurs. Le coût de ces pertes est loin d'être négligeable.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur - Ces pertes sont-elles inévitables ?
M. Jean-Luc Thomas - Il est impossible de négocier les lois de la physique. Ce phénomène est notamment lié à l'effet Joule.
M. Jackie Pierre - L'écart entre la production et la consommation est-il important ? Les pertes liées au transport font partie intégrante du principe du réseau. Dans le cas de l'eau, nous savons pertinemment que l'habitant ne peut jamais disposer de toute l'eau puisée dans la source.
M. Jean-Luc Thomas - RTE évalue et prédit la consommation énergétique tous les jours en fonction du passé et du climat. Il n'est pas compliqué d'ajuster la production à ces prévisions. Les ajustements se font de manière progressive et sur un temps assez long. C'est ainsi que l'on modifie la consigne de puissance, sans grande difficulté. En régime transitoire ou de pointe ou encore face à un défaut, nous ne disposons pas du temps nécessaire pour faire redémarrer des unités. Les centrales thermiques et hydrauliques ne produisent pas de l'énergie de manière instantanée. Il leur faut un délai de plusieurs minutes qui n'est pas acceptable en cas d'urgence. Les problèmes de sécurité électrique intègrent des échelles de temps très différentes. Les actions menées diffèrent par conséquent fortement en fonction de l'échelle considérée.
M. Bruno Sido, président - Vous souligniez que personne ne saurait transgresser les lois de la physique. Un pays a tenté de contourner le modèle existant et les résultats se sont avérés catastrophiques. Comment pouvons-nous, en fonction de ces lois incontournables, organiser le marché de l'électricité, les échanges et les bourses ?
M. Jean-Luc Thomas - Les bourses électriques en place actuellement ne posent pas problème. Il faudrait cependant qu'elles intègrent les règles d'ajustement des flux physiques. Aujourd'hui, aucun acteur n'assume réellement cette mission. Seule la recherche semble intégrer cette donnée. Les chercheurs ont ainsi construit des simulateurs de flux financiers et de flux physiques. Sur un marché, la sortie demande un ajustement de la puissance. Il serait important de coupler ces systèmes avec des systèmes de simulation physique. Ces derniers permettraient de définir si le contrat peut être ou non respecté ou s'il est risqué. Les économistes doivent s'entendre avec les ingénieurs.
M. Bruno Sido, président - Peut-être serait-il intéressant que les politiques soient associés à une telle démarche et prennent conscience des réalités physiques. Je vous remercie pour vos explications. Il serait à mon avis bon de vous solliciter à nouveau pour vous entendre de manière plus approfondie sur ces questions techniques.
M. Jean-Luc Thomas - Je reste à votre entière disposition.