3. Des interférences inévitables avec d'autres acteurs importants de la formation
Les régions doivent compter également avec deux acteurs incontournables au plan local que sont les services de l'AFPA et, de manière croissante, les autres collectivités territoriales au premier rang desquelles figurent les départements.
a) Avec l'AFPA : des crédits régionalisés mais un organe qui reste national
La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales prévoit un transfert aux régions des crédits consacrés aux stages AFPA avant le 1 er janvier 2009.
Les régions deviendront les donneurs d'ordre exclusifs de l'AFPA au titre de la commande publique . Les crédits transférés concomitamment se rapportent à la formation, à la rémunération des stagiaires et aux prestations associées à la formation des demandeurs de l'emploi qui est « le coeur de métier » de l'AFPA (accompagnement, hébergement et restauration). Cette décentralisation se traduira par le passage d'un interlocuteur unique à vingt-deux interlocuteurs régionaux. Ceci suppose que l'AFPA tienne compte désormais des priorités des régions et de leur harmonisation.
Cette évolution mettra fin au monopole de l'AFPA , préalablement attributaire des subventions de l'État, les régions étant à même de mettre l'association en concurrence avec d'autres opérateurs. Dans ce contexte, l'AFPA pourra chercher à investir de nouveaux secteurs, tels que la formation des salariés.
L'AFPA comme les régions ont adopté une attitude active face à la perspective de ces bouleversements. Cette démarche leur a déjà permis notamment de conclure dix-huit conventions tripartites avec l'État afin d'expérimenter sans délai la décentralisation de la formation professionnelle.
L'attention de la mission a été appelée sur les défis d'une telle réforme, notamment par Mme Elisabeth Kahn de la mission emploi et formation professionnelle du ministère de l'économie.
En premier lieu, en raison de ce transfert de compétences et de financement, l'AFPA va se trouver dans une réelle incertitude face à la demande qui lui est adressée. En effet, l'AFPA doit à la fois se situer, sur son « coeur de métier », dans une perspective de concurrence avec d'autres opérateurs, mais aussi, se mettre à la recherche de métiers alternatifs, notamment en direction des salariés, et non plus des seuls demandeurs d'emploi. Elle se trouvera donc en état de concurrence , non seulement sur son « coeur de métier », mais aussi sur le « métier » d'autres opérateurs de la formation professionnelle. « Ce changement représente un véritable bouleversement pour l'opérateur » , comme l'a souligné Mme Elisabeth Khan.
D'où l'importance des conventions avec les régions . Dans la mesure où l'AFPA passe une convention avec les régions, les priorités de son offre bénéficient d'une orientation claire en fonction des demandes des régions.
Mais si elle ne parvient pas à maintenir ce dialogue, elle se trouvera dans une situation de flou stratégique. Le fait de conclure des conventions constitue une étape avant la mise en concurrence avec d'autres opérateurs dans laquelle l'AFPA sera à terme placée, d'où l'importance de la qualité du dialogue qui sera instauré avec les régions et de la coordination avec les politiques régionales.
Il est actuellement prématuré d'établir un bilan de l'articulation des schémas régionaux de l'AFPA avec les programmes régionaux de développement de la formation professionnelle dans la mesure où, d'une part, ces programmes ne sont pas tous adoptés, d'autre part, les négociations entre l'AFPA et les collectivités régionales sur les schémas régionaux de formation sont pendantes dans certaines régions.
Mais plusieurs collectivités régionales envisagent, par exemple, la mise en place d'un service public régional de formation professionnelle en confiant, notamment à l'AFPA, un rôle structurant. Ainsi, les articulations des schémas régionaux de l'AFPA avec les politiques des collectivités régionales devront s'organiser, sans exclure, dans chaque territoire concerné, une nécessaire complémentarité des offres de formation venant des autres organismes de formation que l'AFPA.
Par ailleurs, le fonctionnement de l'AFPA est appelé à évoluer dans le sens d'une plus grande efficience .
Il faut rappeler que l'AFPA est un instrument « bicéphale » qui intervient aussi dans le cadre du service public de l'emploi, piloté par l'État.
La position de l'État vis-à-vis de l'AFPA a été rappelée par Mme Elisabeth Khan : l'AFPA, en tant qu'organisme, n'a pas vocation à être décentralisée. Si les négociations avec les régions pour la mise en oeuvre de formations auront bien lieu avec les représentations locales, seules les instances nationales de l'AFPA, qui doit optimiser son dispositif sur l'ensemble du territoire, contracteront avec les régions.
Le rapport de Pierre Cahuc et André Zylberberg avait porté un jugement sévère sur le second contrat de progrès État-AFPA. C'est la raison pour laquelle dans les nouvelles conventions figure systématiquement un article prévoyant une réflexion conjointe sur l'offre de formation de l'AFPA et que cette dernière s'est engagée dans un programme de révision de toutes les fonctions support de l'organisme, avec l'objectif de diminuer les coûts de 20 % à l'horizon 2009. Ce rapport critiquait aussi le nombre excessif des indicateurs d'activité mentionnés dans le contrat, ainsi que l'absence de recours à une méthode d'évaluation fondée sur des comparaisons entre « groupe test » et « groupe témoin ».
Le troisième contrat de progrès (2004-2008) entre l'État et l'AFPA précise ainsi mieux l'articulation de l'AFPA avec les partenaires que sont l'ANPE, les maisons de l'emploi et l'UNEDIC. Il est particulièrement demandé à l'AFPA de se positionner sur les métiers en tension, d'anticiper les évolutions du contenu des emplois et de cibler son action sur les jeunes sans qualification. Ce troisième contrat comprend de nombreux indicateurs dont, en particulier, un indicateur mesurant le taux de placement dans l'emploi six mois après la sortie du stage.
Enfin, comme l'ont rappelé M. Pierre Boissier, directeur général de l'AFPA, et M. Jean-Paul Denanot, président de la commission formation professionnelle de l'ARF, le cadre juridique de l'achat des prestations de formation est un facteur d'incertitude pour les régions .
Normalement, les relations qu'elles entretiendront avec l'AFPA pour satisfaire leurs besoins exprimés par leurs programmes régionaux de développement de la formation professionnelle, devraient avoir lieu selon les procédures de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics, mais les régions sont encore dans l'attente de clarifications juridiques.
La question du respect, par cet organisme, du principe de vérité des coûts dans le cadre des appels d'offre est notamment soulevée.
L'incidence de la décentralisation de la formation professionnelle sur l'AFPA doit également être analysée dans le cadre évolutif du droit communautaire applicable à la formation professionnelle, notamment des demandeurs d'emploi, dont la qualification au regard des travaux sur les services sociaux d'intérêt général (SSIG) est encore imprécise et source d'incertitudes juridiques tant au niveau national qu'européen ou local.
L'élaboration à venir au niveau communautaire d'un cadre juridique spécifique pour les SSIG devrait réduire l'insécurité juridique et éclairer les choix à venir en matière d'organisation et de mode de financement du domaine transféré aux régions.
Toutes ces interrogations pèseront lourdement dans la gestion régionale de la formation professionnelle des prochains mois.