E. L'UNION EUROPÉENNE ET LA SÉCURITÉ DANS L'EUROPE DU SUD-EST
Dans le cadre du débat sur cette question, l'Assemblée a entendu les observations présentées par M. Tim Judah, journaliste spécialiste de la région des Balkans pour The Economist et d'autre publications en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
M. Tim Judah s'est ainsi demandé si l'Assemblée n'aurait pas préféré entendre M. Ahtisaari, encore qu'il lui semble que celui-ci n'est plus une étoile au firmament mais plutôt une étoile filante...
Au cours de l'année écoulée, il y a eu plusieurs plans diplomatiques pour le Kosovo, en fonction de diverses hypothèses, dont l'une était que les Russes entreraient dans le processus.
Mais il semble que c'était une erreur. Même si les Russes voulaient s'impliquer maintenant dans le processus, ils ne le pourraient pas : s'ils ne s'opposent pas à une proposition d'indépendance du Kosovo, ils passeront auprès de leurs alliés pour des « tigres de papier » ou des partenaires non fiables. Compte tenu du regain actuel des tensions avec la Russie, il paraît donc peu probable que la question du Kosovo puisse être réglée au Sommet du G8. Toutes sortes de rumeurs ont circulé sur un nouveau projet de résolution, des rencontres au plus haut niveau, etc. La seule certitude est que M. Poutine rencontrera M. Kostuniæa et on peut imaginer qu'il lui proposera une sorte de marché donnant-donnant - l'appui des Russes à la position serbe concernant le Kosovo en échange de l'achat de l'aéroport de Belgrade par Aeroflot et d'autres investissements russes dans les entreprises serbes en cours de privatisation.
Des événements importants se sont passés au cours des dernières semaines, notamment le veto russe au Conseil de sécurité contre la proposition américaine. Mais la menace brandie par les États-Unis de reconnaître unilatéralement le Kosovo ne paraît pas sérieuse. Le gouvernement américain espérait être rejoint par d'autres pays européens, or ceux-ci n'ont pas encore pris leur décision. Certes le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne affirment qu'une position unie et claire en matière de PESD est leur objectif prioritaire, mais ces pays sont beaucoup moins loquaces quand il est question d'envoyer à nouveau des troupes au Kosovo.
Il ne faut pas oublier, par ailleurs, qu'au cas où le Kosovo déclarerait unilatéralement son indépendance, le Secrétaire général des Nations unies serait obligé de la déclarer illégale car non conforme au texte de la résolution de l'ONU actuellement en vigueur. Et si l'indépendance ne repose pas sur une résolution de l'ONU, il n'y aura pas de base légale pour l'envoi d'une mission militaire internationale. Tout ceci confirme que la menace de reconnaissance unilatérale du Kosovo par les États-Unis relève plus du bluff que d'une intention sérieuse.
Cela dit, il sera encore plus difficile de trouver un règlement si on le repousse à septembre, du fait de la proximité des élections en Russie.
Qu'ont fait les Russes depuis qu'ils ont retiré leurs troupes du Kosovo en 2004 ? Ils essaient de recoller les morceaux, de bricoler un statut moins ambitieux que celui proposé par M Ahtisaari, mais l'Union européenne ne peut pas prendre le risque d'un nouvel échec dans cette région.
L'orateur s'attend donc à un regain d'agitation vaine sur le thème de l'indépendance au Kosovo, avec le risque de violences car plus de 60 000 Serbes y vivent encore dans des enclaves, ce qui est une véritable bombe à retardement.
En Bosnie-Herzégovine, l'arrestation récente d'un criminel de guerre est une nouveauté intéressante. Elle a été opérée de manière assez habile : les Serbes peuvent continuer à faire valoir qu'ils ont les mains propres puisqu'ils ont refoulé cette personne à la frontière ; de son côté, le Président de la Republika Srpska en tire aussi avantage car c'est une réponse au Tribunal pénal international, qui se plaignait de son manque de collaboration.
En conclusion, il y a un blocage institutionnel mais, selon la célèbre formule : « l'opération a échoué mais le patient est toujours vivant » .
Puis, le débat s'est engagé sur le Rapport n° 1970 et l'Assemblée a adopté la Recommandation n° 798 .