D. DES AVANCÉES PROTECTRICES
Le projet de loi comporte, en outre, plusieurs séries de dispositions qui rapprochent le droit français des dispositions des directives européennes, apportant des améliorations ponctuelles à la lutte contre les discriminations et, notamment, à la lutte contre les discriminations fondées sur le sexe.
Ces dispositions ne présentant pas, cependant, une portée spécifique pour la promotion de l'égalité entre les sexes, votre délégation se contentera de les signaler ici pour mémoire, renvoyant au rapport de la commission des Affaires sociales le soin de procéder à leur examen détaillé.
Ainsi, l'article 3 complète le dispositif français de protection contre les rétorsions pour les personnes ayant témoigné ou relaté des agissements qui constituent des discriminations.
L'article 4 étend les règles d'aménagement de la charge de la preuve aux actes de discrimination qui pourront être qualifiés comme tels du fait de l'adoption du projet de loi.
Enfin, l'article 5 du projet de loi étend l'application des dispositions de lutte contre les discriminations aux activités professionnelles indépendantes. Même si cette disposition nouvelle ne modifie sans soute pas fondamentalement le droit positif actuel, elle permettra du moins d'éviter que le recours à des procédés tels que les rétrocessions d'honoraires, qui ne sont pas couvertes par le code du travail et qui sont souvent des formes de salariat déguisé, ne permette de contourner le principe de non-discrimination.
Compte tenu de l'importance numérique des femmes exerçant des professions indépendantes, par exemple dans les cabinets d'avocats ou les services médicaux, cette disposition est susceptible de constituer, elle aussi, un levier appréciable dans la lutte pour l'égalité entre les hommes et les femmes.
E. DEUX DISPOSITIONS SUJETTES À CONTROVERSE
Même si votre délégation a pu parfois déplorer la complexité des constructions juridiques sur lesquelles débouche le projet de loi, elle n'en porte pas moins une appréciation globalement positive sur la contribution que celui-ci peut apporter à la promotion d'une égalité plus réelle entre les hommes et les femmes.
Deux dispositions inscrites à la fin de l'article 2 appellent cependant de sa part des réserves, voire des objections.
Celles-ci ont pour objet d'autoriser deux types de dérogations à l'interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe en matière d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services, instituée par le 7 e alinéa (4°) de l'article 2. Ces deux dérogations portent respectivement sur l'enseignement d'une part, et sur le contenu des médias et de la publicité, d'autre part.
1. Les regroupements d'élèves par sexe : éviter toute remise en question de l'objectif de mixité
Le projet de loi précise que le principe de l'égalité d'accès aux biens et services n'interdit pas d'organiser des enseignements en regroupant les élèves en fonction de leur sexe.
Certes, une application trop absolue du principe d'égalité d'accès entre les sexes au « service » que constitue l'enseignement aurait présenté de nombreux effets non souhaités comme, par exemple, l'interdiction des établissements privés non mixtes ou, à une autre échelle, la constitution d'équipes masculines ou féminines dans les compétitions sportives en milieu scolaire ou universitaire.
Il convenait donc d'introduire dans la loi une exception au principe, et votre délégation ne le conteste pas.
Elle tient cependant à rappeler que même si la mixité ne constitue pas un principe absolu de notre droit de l'éducation, elle n'en constitue pas moins l'un des objectifs assignés aux écoles, collèges, lycées et établissements d'enseignement supérieur, par l'article L.121-1 du code de l'éducation qui dispose qu'ils « contribuent à favoriser la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes » .
Même si la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale améliore le dispositif, votre délégation tient à rappeler son attachement à cet objectif, et souhaite que la portée de l'exception prévue par le présent projet de loi soit bien circonscrite. Celle-ci ne doit en effet pas pouvoir être instrumentalisée et remettre en question, pour des motifs culturels et religieux, la bonne intégration des jeunes filles dans la vie des établissements d'enseignement, et leur participation à l'ensemble des activités, notamment sportives, qu'ils proposent. Elle élève également une mise en garde contre l'organisation d'enseignements distincts qui reproduiraient des stéréotypes sexués contre lesquels il convient au contraire de lutter, et qui proposeraient, par exemple, des cours de couture réservés aux filles, et des ateliers de mécanique pour les garçons.
2. Le contenu des médias et de la publicité : une régression inacceptable
Votre délégation s'interroge sur le sens et la portée du dernier alinéa de l'article 2, qui dispose que « le contenu des médias et de la publicité n'est pas considéré comme un accès aux biens et services ni comme une fourniture de biens et services » au sens de la présente loi.
Cette perplexité est partagée par la HALDE dont le président a indiqué à votre délégation, au cours de son audition du 25 mars 2008, que le sens de cette disposition lui restait obscur, ainsi qu'aux hauts magistrats présents au collège de la HALDE, tout comme à ceux de son service juridique. Votre délégation juge cette perplexité générale peu rassurante au regard de l'exigence de clarté de la loi pour les justiciables.
Elle craint plus particulièrement que, comme certains propos le laissent penser, cette disposition n'ait pour objet plus ou moins avoué, car pas nécessairement avouable, d'autoriser des représentations de la femme discriminatoires dans les médias et la publicité.
Elle souhaite le retrait d'une disposition qui n'est pas demandée par la Commission européenne, et qui semble aller au rebours de toutes les recommandations qu'elle a formulées, récemment encore, pour lutter contre certaines représentations de la femme dans les médias 8 ( * ) , et des objectifs assignés récemment par le Gouvernement à la commission de réflexion sur l'image de la femme présidée par Mme Michèle Reiser.
* 8 Cf. le rapport d'activité 2006-2007 de la délégation, présenté par sa présidente, Mme Gisèle Gautier, et intitulé « Quelle place pour les femmes dans les médias ? » (n° 375, 2006-2007)