B. L'OBTENTION DU BACCALAURÉAT RESTE UN MARQUEUR SOCIAL

1. Un accès au baccalauréat qui varie fortement selon l'origine sociale des élèves

L'obtention du baccalauréat est donc loin d'être aussi généralisée qu'on ne le croit parfois. En conséquence, il y a lieu de s'interroger sur les caractéristiques que partagent les jeunes qui sortent du système scolaire avant l'obtention du baccalauréat : ces sorties sont-elles seulement le fruit d'une histoire personnelle singulière ou obéissent-elles à des déterminants sociaux ?

L'analyse des données statistiques existantes permet de répondre sans ambiguïté à cette question : si l'histoire et les dispositions de chaque élève jouent sans doute un rôle dans l'accession au baccalauréat, l'origine sociale des jeunes y contribue également sans aucun doute possible.

Pour en mesurer l'influence, il suffit en effet de se référer aux études que suivent tout au long de leur scolarité des élèves regroupés dans un panel d'élèves représentatif. C'est en particulier le cas du « panel 1989 » suivi par la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale. Les conclusions des enquêtes menées dans ce cadre sont particulièrement nettes : selon la catégorie socio-professionnelle à laquelle appartiennent les parents d'un élève, ses chances de quitter le système scolaire en ayant au moins obtenu le baccalauréat varient extrêmement fortement.

Ainsi, seuls 12,8 % des enfants d'enseignants et 15,9 % des enfants de cadres supérieurs achèvent leurs études sans avoir obtenu le baccalauréat. Cette proportion s'élève à 45,7 % parmi les fils et filles d'ouvriers qualifiés et culmine à 58,9 % parmi les élèves dont les parents étaient ouvriers non qualifiés ou inactifs.

D'une catégorie sociale à l'autre, les jeunes bacheliers peuvent être minoritaires dans leur génération ou très largement majoritaires, ce qui explique donc l'inégale valeur que peuvent attribuer au baccalauréat les différents groupes sociaux : pour les enfants des milieux aisés, des professions intermédiaires ou des agriculteurs, le baccalauréat n'est à l'évidence qu'une étape et l'obtenir n'a rien de particulièrement surprenant. Parmi les élèves issus de milieux plus modestes, la réussite à l'examen revêt un tout autre lustre et semble à juste titre un succès notable.

Ces représentations différentes doivent être soulignées, car elles nourrissent pour une part l'ambiguïté qui règne autour du baccalauréat : pour les uns, il serait plus facile qu'auparavant et pourtant, pour une large partie de la population, il conserve une véritable valeur sociale et symbolique. Cette apparente contradiction se résout donc sans difficulté une fois éclairée par une analyse de l'origine sociale des bacheliers. Dans une famille où les parents ne sont pas tous les deux bacheliers et dans un milieu où une minorité de jeunes obtient le baccalauréat, la réussite à l'examen est bien un petit événement.

Ces déterminants sociaux sont encore plus nets si l'on restreint l'analyse à l'accès au seul baccalauréat général, qui sert encore largement de point de référence à notre inconscient collectif : 74,8 % des enfants d'enseignants et 69,2 % des fils et filles de cadres supérieurs obtiennent un baccalauréat général, contre 22,9 % des élèves dont les parents sont ouvriers qualifiés et 15,8 % de ceux dont le père et la mère sont ouvriers qualifiés ou inactifs.

Ces différences ne trouvent sans doute pas leur origine dans des taux de réussite à l'examen très variable selon l'origine sociale. En effet, l'immense majorité des élèves entrés en première générale ou technologique obtiendra son baccalauréat à la première, à la deuxième ou à la troisième tentative.

Les inégalités sociales dans l'accès au diplôme se construisent donc en amont, les élèves n'accédant pas au baccalauréat parce qu'ils ont quitté le système scolaire après la 3e ou parce qu'ils ont été orientés vers une des filières professionnelles, le plus souvent sans l'avoir choisi, ce qui se traduit par des abandons massifs tout au long des quatre années de la scolarité secondaire professionnelle.

L'inégal accès d'une génération au baccalauréat traduit donc un net dysfonctionnement du système d'orientation et une certaine incapacité à surmonter les inégalités scolaires. Sans doute n'y a-t-il là aucune surprise, ces constats étant très largement partagés. Ils trouvent toutefois une illustration particulièrement flagrante une fois considérés au travers du prisme du baccalauréat et appellent une véritable réflexion, qui peine pour l'instant à s'esquisser.

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