C. LES ENTREPRISES FRANÇAISES EN RETRAIT POUR L'EFFORT DE RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT
Les Etats-Unis sont fréquemment donnés en exemple d'un modèle d'innovation performant qui, selon un modèle « schumpétérien », repose sur la prise de risques et la destruction des positions anciennes. Les succès remportés dans les domaines des nouvelles technologies de l'information puis des biotechnologies ont promu des approches dites « interactives », « endogènes » ou encore « évolutionnistes », insistant sur le rôle des entreprises privées et du marché , en opposition à la conception « linéaire » qui prévalait, selon laquelle la recherche est le point de départ de l'innovation.
Il semble en effet qu'à l'approche de la frontière technologique, l'activité de R&D des entreprises devient décisive pour la croissance. Le ratio optimal entre les dépenses de R&D publiques et privées en vue d'obtenir le maximum de brevets correspondrait à une dépense totale constituée à 71 % de R&D privée. C'est encore plus que l'objectif, fixé par la stratégie de Lisbonne, d'atteindre les 2/3 du financement de la R&D...
Ce dernier seuil est atteint par les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne, mais les entreprises françaises ne réalisent que 53 % de l'effort total de recherche. Depuis les années quatre-vingt, l'effort de financement des entreprises françaises, certes grandissant, ne fait que suivre une tendance générale à l'OCDE et demeure en retrait relatif.
Source : Sénat, d'après données OCDE, Principaux indicateurs de la science et de la technologie, octobre 2007
UN FAISCEAU D'EXPLICATIONS POUR LA FAIBLE PARTICIPATION DES ENTREPRISES Dans une approche sectorielle , on observe une moindre spécialisation industrielle de la France dans les secteurs à forte technologie ainsi que, pour certains secteurs (TIC, commerce, services aux entreprises), une moindre intensité de l'innovation. Par ailleurs, la proportion d'entreprises innovantes en France se situe en retrait pour les entreprises moyennes et plus encore pour les petites entreprises :
Ces observations confirment que « l'un des principaux problèmes rencontrés en France réside dans les difficultés de faire croître et mûrir les jeunes entreprises » 226 ( * ) et, malgré les efforts répétés du législateur, le financement de l'innovation y demeure un maillon faible, notamment au regard du modèle américain. Sous un autre angle, les perspectives de croissance, notamment locales, constituent un facteur essentiel pour l'investissement des entreprises en recherche et en développement , particulièrement dans un contexte de mobilité croissante du facteur R&D. Votre Délégation rappelle ici que seul un objectif de forte croissance offre la garantie de débouchés constants à la production, condition première de l'investissement, particulièrement en R&D, qui est elle-même une condition nécessaire à l'élévation du rythme de la croissance potentielle. Par ailleurs, l' absence de commande publique tournée vers l'innovation constitue aujourd'hui une perte de chance pour les PME innovantes . Enfin, si certains des dispositifs territorialisés mis en place s'avèrent ponctuellement favorables à l'innovation des entreprises (pôles de compétitivité, Instituts Carnot, RTRA 227 ( * ) ...), ils entretiennent la complexité plutôt qu'ils ne procurent sans conteste une rationalisation d'ensemble ou l'émergence systématique de masses critiques . |
En France, les politiques publiques de soutien à l'innovation privilégient désormais le renforcement des interactions entre acteurs locaux (création de pôles de compétitivité) et le soutien financier et logistique pour les PME innovantes. Mais la récente « absorption » de l'Agence pour l'innovation industrielle (AII) par OSEO ne doit pas enterrer l e débat sur l'opportunité des interventions industrielles ciblées qu'avait relancé le rapport « Beffa ». On mentionnera, à l'actif du volontarisme des Etats, la domination du Japon dans l'électronique grand public, l'essor des nouveaux pays industriels asiatiques, les acquis des programmes nucléaires ou spatiaux français, sans oublier Internet, issu des recherches d'une agence fédérale travaillant pour le Pentagone. En réalité, le rôle des grandes entreprises dans l'innovation, avec une capacité de prise de risque importante et des effets de diffusion sur le reste de l'économie, n'est pas ignoré : la montée en puissance du crédit d'impôt recherche leur profite largement.
* 226 Centre d'analyse stratégique, Séminaire n° 2 « Stratégie de Lisbonne » du 20 novembre 2006.
* 227 Réseaux thématiques de recherche avancée.