2. L'entretien avec le préfet de La Réunion
Mme Gisèle Gautier a ensuite rencontré M. Pierre-Henry Maccioni, préfet de La Réunion , au cours d'un entretien à la préfecture.
Le préfet a souligné que les violences intrafamiliales constituaient le sujet le plus préoccupant en matière de délinquance à La Réunion. L' indice global de violence conjugale , établi à la suite de l'enquête ENVEFF sur les violences envers les femmes réalisée en 2003, y est en effet presque deux fois plus élevé qu'en métropole (15 % contre 9 %).
M. Pierre-Henry Maccioni a indiqué qu'un groupe de travail réunissant des représentants des associations et des services de police et de gendarmerie avait été constitué et qu'une convention avait été conclue avec le conseil général sur ce sujet.
Il a présenté les différentes actions menées pour lutter contre les violences familiales : mise en place d'un numéro unique d'appel d'urgence, formation des personnels chargés d'accueillir les victimes, expérimentation de l'accueil familial temporaire d'urgence.
Il a cependant fait observer que le problème des violences conjugales était aggravé par l'insularité ; en effet, il est très difficile pour les victimes de se mettre définitivement à l'abri des menaces de leur ancien compagnon, sauf à partir en métropole.
Le préfet a marqué sa volonté de faire appliquer avec fermeté les textes législatifs et réglementaires existants pour sanctionner les violences, tout en insistant sur l'importance des actions de prévention et d'éducation, dès l'école. Sur ce point, la déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité a indiqué que l'association Chancégal menait des actions d'éducation au respect mutuel entre les sexes dans les établissements scolaires, tout en regrettant que de telles actions demeurent sporadiques.
Enfin, le préfet a évoqué la lutte contre l'illettrisme, constatant que 20 % des jeunes réunionnais quittaient l'école sans avoir la maîtrise du français.
D'une manière générale, il a insisté sur la nécessité d'évaluer régulièrement les activités menées par les associations, avant de renouveler les subventions qui leur sont allouées.
3. La réunion avec les représentants de diverses associations de défense des droits des femmes
Le vendredi 19 octobre 2007, dans la matinée, une réunion de travail organisée par la délégation régionale aux droits des femmes, dans les locaux de l'association Réunisaf, a permis à Mme Gisèle Gautier de rencontrer des représentants de diverses associations réunionnaises de défense des droits des femmes, qui ont successivement présenté leurs activités.
- L'association EFOIR (Entreprendre au Féminin Océan Indien Réunion) , née en 2002, a pour vocation d'encourager l'accès des femmes à la création d'entreprise, ainsi que d'augmenter leur place dans l'activité économique, aujourd'hui encore insuffisante. En effet, à La Réunion, peu de femmes sont chefs d'entreprise : leur part n'est que de 22 % dans le secteur commercial et 17 % dans le secteur artisanal.
L'association regroupe 70 adhérentes chefs d'entreprise, représentant 12 secteurs d'activités, essentiellement dans le commerce et les services.
Son action s'oriente autour de trois axes :
- la constitution d'un réseau d'entreprises, par la mise en place de réunions mensuelles, d'un site Internet et d'un annuaire de l'entreprenariat féminin à La Réunion ;
- le développement de compétences entrepreneuriales, à travers l'organisation de tables rondes semestrielles, avec le soutien de différents partenaires ;
- la promotion de l'esprit d'entreprendre et l' accueil de femmes porteuses de projets pour les aider à créer leur entreprise , notamment grâce à l'organisation d'ateliers « coup de pouce pour entreprendre au féminin » .
Par exemple, l'association peut les aider à obtenir le bénéfice du Fonds de garantie pour l'initiative des femmes (FGIF), dispositif dont l'application semble poser des problèmes à La Réunion. Sur ce point, la déléguée régionale aux droits des femmes et à l'égalité a reconnu que les femmes bénéficiaires du FGIF n'arrivaient pas toujours à obtenir un crédit auprès d'une banque et que la garantie « SOFARIS » était mieux connue des banques que le FGIF.
L'association EFOIR a également créé le « prix Julie Mas » , concours de projets au féminin ouvert à toutes les femmes ayant un projet de création d'entreprise.
Enfin, elle développe une action de coopération régionale dans l'Océan Indien sous la forme du « réseau EFOI » .
- L'association AMAFAR-EPE (Association des Maisons de la Famille de La Réunion - École des Parents et des Éducateurs) mène différentes activités d'accompagnement de proximité en faveur des familles : accueil de personnes en difficulté, et notamment de femmes victimes de violences, mise en place d'un « Point Info Famille » , animation de groupes de parole dans les quartiers et de groupes de parole de parents d'élèves dans les établissements scolaires, création de « cafés des parents » , médiation familiale et médiation pénale, interventions dans des établissements scolaires pour des actions d'éducation et de prévention, accompagnement et suivi scolaire, alphabétisation ...
Près de 550 femmes en situation de détresse ont été accueillies par l'association en 2006.
La médiation familiale a pour objet de résoudre les conflits familiaux par un accord amiable ; l'association est habilitée par le Procureur de la République pour intervenir à cet effet dans les Maisons de justice et du droit. La médiation pénale s'adresse aux auteurs de violences conjugales et a pour objet d'éviter la réitération des actes violents ; elle fait l'objet d'une convention avec le tribunal de grande instance de Saint-Denis. 21 médiations familiales et 23 médiations pénales ont été effectuées en 2006.
À l'occasion de la journée du 8 mars 2006, l'association a distingué huit femmes pour leur courage et leur accession aux postes de responsabilité, en leur attribuant un « Huit d'Or » .
- Animarun est une petite association de quartier ayant pour objet l'accompagnement de la famille dans son ensemble à travers les femmes et l'amélioration de leur environnement par le biais de programmes de sensibilisation, d'éducation, de communication, de médiation et d'entraide. Elle développe notamment des activités de lutte contre l'illettrisme (alphabétisation, bibliothèque de quartier), d' information sur les métiers et d' aide à l'orientation (découverte de nouveaux métiers, par exemple).
- L'association Femmes Solid'Air est née en 2004 de la rencontre de femmes ayant connu des difficultés personnelles et a pour objet d'apporter une aide aux femmes victimes de violences conjugales en leur offrant une écoute, en les informant sur leurs droits et en les accompagnant dans leurs démarches administratives et judiciaires. Elle projette la création d'un « Café femmes » , structure qui permettrait aux femmes en difficulté de se retrouver autour d'activités variées. Elle mène également des actions de prévention dans les collèges et les lycées, à titre bénévole comme le reste de ses activités.
- L'association Chancégal (Agence pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes) a été créée en 2001 dans le but de promouvoir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes à La Réunion.
Son action se fonde sur deux constats :
- la mixité conduit à une amélioration de la qualité et de l'efficacité du travail ;
- le niveau de développement économique est corrélé avec le niveau d'égalité entre hommes et femmes.
Elle est essentiellement axée sur le développement de l'égalité à travers la complémentarité et la mixité professionnelle , à travers l'exercice de trois missions :
- une mission d'information sur les principes et pratiques en matière d'égalité entre les femmes et les hommes (mise à disposition de documents d'information) ;
- une mission de communication (réalisation de campagnes publicitaires, organisation de réunions thématiques et d'événements) ;
- une mission de formation à l'intégration des principes d'égalité dans les pratiques professionnelles et de sensibilisation à la persistance des inégalités.
L'association travaille en partenariat au niveau local (notamment avec la délégation régionale aux droits des femmes et le rectorat), au niveau de la zone Océan Indien (dans le cadre d'un projet de coopération régionale) et au niveau européen (mise en oeuvre d'un projet européen « Equal » intitulé « Femmes plus » pour l'orientation et l'insertion des jeunes femmes dans des métiers traditionnellement masculins , porté par la Chambre des métiers de La Réunion).
Elle intervient dans les collèges et les lycées en vue de diversifier les filières d'orientation, mais aussi de prévenir les violences sexistes. Par ailleurs, elle agit auprès des entreprises pour promouvoir le « label égalité » .
Enfin, elle a créé un concours de la publicité antisexiste à La Réunion : le prix « Faham » récompense la publicité la moins sexiste et le prix « Infâme » sanctionne la publicité la plus sexiste.
- L'association AMARE (Accueil de la Mère et de l'Enfant à La Réunion) , créée en 1983, se consacre à l' accompagnement des jeunes mères en difficultés .
Elle gère trois établissements d'hébergement qui accueillent, pour une durée maximum d'un an, des mineures ou des jeunes majeures enceintes et des jeunes mères isolées accompagnées d'enfants de moins de trois ans, sans ressources et sans soutien familial et en situation de détresse ou d'exclusion. Environ 50 mères sont prises en charge chaque année et accompagnées en vue de la construction d'un projet de vie autonome. Le problème posé par les mères adolescentes est particulièrement aigu, car les grossesses précoces sont très fréquentes et les mineures enceintes sont souvent confrontées à un rejet violent de la part de leur famille.
- Enfin, l'association Réunisaf (Réseau de prévention de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation foetale) , née en 2001, a pour objet de lutter contre les effets de l'alcool sur le foetus.
La toxicité de l'alcool sur le foetus se traduit dans sa forme grave par le syndrome d'alcoolisation foetale (SAF) , comportant un retard de croissance, des malformations, et surtout une atteinte cérébrale qui entraîne des troubles cognitifs majeurs et des troubles comportementaux. Sous des formes moins sévères, les effets de l'alcool sur le foetus peuvent avoir pour conséquences des altérations de développement, des difficultés dans les apprentissages scolaires, des troubles du caractère et du comportement générateurs de conduites d'exclusion sociale.
Il est aujourd'hui reconnu que l'exposition prénatale à l'alcool représente un facteur de risque pour le bébé à naître à tous les stades de la grossesse et notamment à son début, même en cas de consommation ponctuelle et quelle que soit la nature de la boisson alcoolique absorbée.
À La Réunion, le SAF, première cause de retard mental non génétique, touche 10 % des enfants accueillis en institutions spécialisées. Ce phénomène est toutefois aujourd'hui en régression, grâce à l'action menée par Réunisaf.
L'association agit sous la forme d'un « coeur de réseau » , afin de coordonner l'action pluridisciplinaire des différents professionnels (médecins, travailleurs sociaux...) amenés à accompagner des femmes enceintes ou des mères en difficulté avec l'alcool.
Elle mène également des actions de prévention dans les écoles , notamment grâce à des témoignages de mères d'enfants atteints par le SAF, ainsi que des actions de formation de personnels paramédicaux , de recherche médicale et de coopération régionale, nationale et internationale. Elle est malheureusement confrontée à une diminution de ses ressources financières, qui l'a conduite à annuler le colloque projeté en octobre 2007 et risque de compromettre la poursuite d'une partie de ses activités l'année prochaine.
Un livre réunissant des témoignages d'une dizaine de femmes qui se sont alcoolisées pendant leur grossesse, à La Réunion et dans le Nord-Pas-de Calais, est en préparation ; il a pour objet d'adresser un message d'espoir aux autres femmes concernées, un message d'information à l'intention des professionnels de santé et un message de sensibilisation envers l'ensemble de la société.