2. Le renforcement de l'influence russe dans l'espace post-soviétique
La faiblesse des structures de la CEI n'est en rien un obstacle au renforcement de l'influence russe dans l'ancien espace soviétique. Celle-ci résulte en effet beaucoup plus de la politique pragmatique de la Russie qu'au recours à des mécanismes d'intégration régionale.
Si la Biélorussie, l'Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan ou le Tadjikistan ont toujours entretenu des liens très étroits avec Moscou, d'autres pays où s'exprimait une volonté d'indépendance ont réorienté ou rééquilibré leur politique. La Russie en a retiré de nombreux avantages sur le plan de ses relations économiques avec ses voisins, en particulier en matière énergétique.
C'est particulièrement le cas de l' Ouzbékistan , qui s'était largement tourné vers les Etats-Unis lors de la guerre d'Afghanistan, mais qui a renforcé son partenariat avec la Russie dans le cadre de la lutte antiterroriste, à la suite des attentats perpétrés par des islamistes radicaux. L'Ouzbékistan a dès lors manifesté son soutien à la politique de Moscou dans le conflit tchétchène et a développé une coopération militaire avec la Russie et les partenaires de cette dernière au sein du traité de Tachkent.
Alors que la Russie a pour allié traditionnel l'Arménie, la Russie est parvenue à améliorer ses relations avec l' Azerbaïdjan . Dans le domaine énergétique, où s'exerçait une forte rivalité, notamment en raison du projet d'oléoduc Bakou-Ceyhan, soutenu par les Etats-Unis et reliant l'Azerbaïdjan et la Turquie, via la Géorgie, des accords ont pu être conclus par la compagnie russe Loukoil. Des coopérations ont également été conduites en matière militaire, avec une aide russe à la défense antiaérienne azérie et l'obtention par Moscou du maintien de sa station de surveillance radar de Gabalin, à laquelle elle attachait une grande importance.
Le succès communistes aux élections de 2001 en Moldavie a réorienté la politique de ce pays envers la Russie, bien qu'il n'ait pas accéléré le règlement du contentieux de la Transnistrie, l'évacuation des munitions russes situées dans les anciens dépôts de la 14 ème armée soviétique n'étant toujours pas achevée.
En revanche, les relations avec l'Ukraine et surtout la Géorgie demeurent tendues, notamment en raison de la volonté de ces pays d'adhérer à l'OTAN.
L' Ukraine présente une importance particulière pour la Russie. Historiquement, l'Ukraine est, en effet, le berceau de la Russie, avec la principauté de Kiev, et de l'orthodoxie russe. Ce pays de 48 millions d'habitants compte également plus de 8 millions de russes sur son territoire, principalement dans la partie orientale et en Crimée. L'Ukraine occupe aussi une place géostratégique centrale, entre l'Union européenne et la Russie, elle est le principal pays de transit des gazoducs et des oléoducs en provenance de Russie vers l'Union européenne et la base de la flotte russe de Sébastopol, louée jusqu'en 2017 à l'Ukraine, présente une importance stratégique pour la Russie. Comme l'a souligné Zbigniew Brzezinski 3 ( * ) , la Russie sans l'Ukraine cesse d'être un empire.
Depuis l'arrivée au pouvoir de Viktor Iouchtchenko, à la suite de la « révolution orange » en novembre 2004, la volonté de rapprochement de Kiev avec l'Union européenne et surtout avec l'OTAN suscite donc une forte inquiétude à Moscou. La Russie dispose toutefois d'un important moyen de pression, qui tient à l'arme énergétique, l'Ukraine étant dépendante du gaz en provenance de Russie. Ainsi, peu après la « révolution orange », la Russie n'a pas hésité à fermer le gazoduc à destination de l'Ukraine à l'hiver 2005, et à relever fortement le prix du gaz. Peu après le Sommet de l'OTAN de Bucarest, d'avril dernier, où l'Ukraine a posé sa candidature au MAP, la Russie a annoncé le doublement du tarif du gaz à partir de janvier 2009.
Enfin, les relations avec la Géorgie demeurent extrêmement tendues. La Russie a longtemps reproché à Tbilissi l'utilisation de son territoire, dans les gorges de Pankissi, comme base de repli pour les rebelles tchétchènes. Tbilissi reproche, pour sa part, à Moscou de soutenir les autorités séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud et d'avoir accordé la citoyenneté russe aux habitants de ces deux régions.
L'arrivée au pouvoir de Mikhail Saakachvili en Géorgie, à la suite de la « révolution des roses » fin 2003, n'a pas contribué à améliorer les relations avec Moscou, le président géorgien ayant fait du maintien de l'intégrité territoriale et de la réintégration des régions séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, ainsi que du rapprochement avec l'occident les priorités de son mandat. En 2006, la Russie a décrété un embargo sur les importations de vin et d'eau minérale géorgiens, qui s'est ajouté à l'interdiction d'importation des fruits et légumes. La même année, l'arrestation par les autorités géorgiennes de quatre officiers russes accusés d'espionnage a entraîné l'expulsion de ressortissants géorgiens par la Russie.
Quelques jours après le Sommet de l'OTAN à Bucarest, où la Géorgie a reçu des assurances sur son adhésion à l'Alliance atlantique, la Russie a renforcé sa présence militaire en Abkhazie, en envoyant 300 militaires du génie, sous prétexte de protéger la voie ferrée qui relie la capitale de cette région Soukhoumi à Moscou et a décidé de renforcer ses relations avec l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud, sans pour autant reconnaître leur indépendance. Ces mesures ont entraîné une vive protestation des autorités géorgiennes, et une condamnation de l'Union européenne, faisant craindre une escalade militaire entre la Russie et la Géorgie.
* 3 Zbigniew Brzezinski, « Le grand échiquier : l'Amérique et le reste du monde », Bayard, 1997.