3. L'entrée de l'Ukraine et de la Géorgie dans l'OTAN : un « casus belli » pour la Russie
L'adhésion éventuelle à l'OTAN de l'Ukraine et de la Géorgie cristallise tous les états d'âme et ressentiments russes à l'égard de cette recomposition majeure du continent européen. Il s'agit en effet, du point de vue russe, de l'aspect le plus douloureux puisque ces pays étaient incorporés à l'URSS, il y a quinze ans encore, et que la Russie a toujours entretenu des liens étroits avec l'Ukraine, où vit une importante minorité russophone.
L'Ukraine bénéficie, depuis 2007, d'un partenariat distinctif et privilégié avec l'OTAN. Une commission OTAN-Ukraine se réunit deux fois par an au niveau ministériel et une assistance particulière a été mise en place en matière de réformes de défense. L'Ukraine a fourni des troupes pour les opérations de l'Alliance dans les Balkans. En mai 2002, le Président Koutchma annonçait que son pays souhaitait devenir membre de l'Alliance. Lors du Sommet de Prague, en 2002, la vocation de l'Ukraine à rejoindre l'OTAN avait été reconnue, sans toutefois d'engagement sur un calendrier. Une étape supplémentaire a été franchie en avril 2005, quelques mois après la « révolution orange », avec l'établissement d'un « dialogue intensifié », visant à renforcer le dialogue politique et à relancer l'assistance en matière de réformes de défense, notamment pour la restructuration du complexe militaro-industriel. Si l'adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN demeure la priorité de la politique étrangère des autorités de Kiev, l'entrée dans l'OTAN n'est pas soutenue par la majorité de l'opinion publique, contrairement à l'adhésion à l'Union européenne, et elle suscite l'hostilité du parti des régions et de la minorité russophone.
La Géorgie , quant à elle, a déclaré son intention d'adhérer à l'OTAN en 2002 et accorde à sa candidature une priorité renforcée depuis la « révolution des roses » de 2003. En septembre 2006, les ministres des affaires étrangères de l'OTAN ont émis un signal favorable à la démarche géorgienne, en proposant un « dialogue intensifié » avec Tbilissi, à l'image de celui conduit avec l'Ukraine. Cette formule ne préjuge pas de la décision quant à une adhésion future, mais elle permet de nouer des relations plus approfondies sur les questions politiques ou de sécurité liées à une telle adhésion. Le 13 mars 2007, le Parlement géorgien s'est prononcé à l'unanimité en faveur d'une adhésion à l'OTAN, considérée comme une garantie essentielle pour l'intégrité territoriale et la souveraineté du pays.
La question de l'adhésion éventuelle de l'Ukraine et de la Géorgie a été au centre du Sommet de l'OTAN, qui s'est tenu à Bucarest du 2 au 4 avril derniers.
Cet élargissement bénéficie d'un fort soutien politique à Washington. Le 10 mars 2007, le Congrès adoptait le « Nato freedom consolidation Act », loi par laquelle il se prononçait en faveur de l'adhésion « en temps voulu » des trois pays des Balkans (Albanie, Croatie et Macédoine), ainsi que de la Géorgie et de l'Ukraine.
En revanche, les autorités russes formulent des critiques extrêmement vives à l'encontre de l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie.
Au sein de l'Union européenne, l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN suscite un clivage entre les « anciens » Etats membres, comme la France et l'Allemagne, qui sont réticents à accueillir ces Etats au sein de l'Alliance atlantique et qui sont soucieux de ménager la Russie, et les « nouveaux » Etats membres, comme la Pologne, qui sont favorables à cette adhésion.
Lors du Sommet de Bucarest , les chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de l'OTAN ont décidé que l'Ukraine et la Géorgie « deviendraient membres de l'OTAN » , sans toutefois fixer de date pour l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie au plan d'action pour l'adhésion (MAP). Ils ont simplement déclaré soutenir la candidature de ces pays au MAP, qui représente « la prochaine étape sur la voie qui les mènera directement à l'adhésion ».
Dans une conférence de presse conjointe avec la chancelière allemande, tenue à l'issue de ce Sommet, le Président de la République a déclaré : « l'Allemagne et la France partagent la même analyse sur l'élargissement de l'OTAN et nous avons défendu ensemble la position que l'Ukraine et la Géorgie ont vocation à intégrer l'Alliance, que nul n'a de droit de veto à poser, mais qu'il fallait se donner du temps pour que toutes les conditions de l'adhésion soient remplies » .
La question devrait resurgir en décembre 2008, avec la réunion des ministres des affaires étrangères, et lors du prochain Sommet de l'OTAN en 2009.