3. Une ambition de grandeur
Cette volonté de préserver ce qui peut l'être de la puissance passée se heurte à un certain nombre de réalités et de faiblesses.
L' outil militaire russe , élément essentiel de sa puissance, reste fortement dégradé , tant en ce qui concerne les équipements que les personnels.
Ses déficiences ont été mises en lumière à l'occasion du conflit tchétchène ou encore lors de manoeuvres des forces nucléaires au cours desquelles, en la présence de Chef de l'Etat, le lancement d'un missile stratégique a échoué. En dépit de la priorité accordée par le président Vladimir Poutine aux forces nucléaires, élément essentiel pour le statut international de la Russie, celles-ci connaissent de graves difficultés. Elles sont révélatrices, sur un plan plus général, du vieillissement des équipements, des lacunes de leur entretien et des difficultés financières pesant sur les programmes de renouvellement.
Au sein des armées, le climat s'est détérioré. La situation matérielle des militaires, en termes de soldes et de logement, n'est plus suffisamment attractive, ce qui entraîne un flux de départ important vers le secteur civil et des difficultés de recrutement.
Lors de leur entretien avec la délégation, les présidents et les membres des commissions de la Défense de la Douma et du Conseil de la Fédération ont beaucoup insisté sur la nécessité d'améliorer la condition des militaires, en revalorisant leur solde et en lançant un ambitieux programme de construction de nouveaux logements.
L'insoumission atteint des proportions très significatives, alors qu'un Comité des mères de soldats tente de sensibiliser l'opinion publique sur les mauvais traitements subis par les appelés, dans le cadre d'un « bizutage » qui provoquerait, selon elles, plusieurs centaines de morts par an.
La déflation des effectifs, qui constitue depuis des années l'un des fondements de la réforme des armées, s'est opéré à un rythme beaucoup plus lent que prévu, le nombre de personnels en uniforme étant néanmoins passé de 4,5 millions à un million.
La restauration d'un appareil de défense crédible a constitué l'une des priorités du président Vladimir Poutine. Le budget de la défense a été revu à la hausse. Les dépenses militaires ont connu une augmentation substantielle, passant de 12 à 64 milliards de dollars entre 2000 et 2007, soit 14 % du budget de l'Etat. Toutefois, le budget militaire russe ne représente que l'équivalent du budget français pour des effectifs trois fois plus nombreux et les dépenses de défense des Etats-Unis sont de l'ordre de 540 milliards de dollars.
Une professionnalisation partielle de l'armée a été mise en oeuvre depuis le début des années 2000. L'objectif est de transformer l'armée russe pour disposer de forces plus réduites mais mieux entraînées et plus mobiles, avec une forte composante professionnelle, de l'ordre de la moitié des effectifs, et des équipements de haute technologie. Le service militaire a été réduit de 2 à 1 an à partir du 1 er janvier 2008. La création d'un corps de sous-officiers, dont l'absence constitue l'une des faiblesses de l'armée russe, est également prévue. La priorité va à la création d'une composante professionnelle projetable et bien équipée, de l'ordre de 145 000-150 000 hommes, qui aurait vocation à agir sur le théâtre intérieur ou dans les proches pays voisins.
Vladimir Poutine a également érigé en priorité la revalorisation des crédits d'investissement du budget de la défense. Quelque onze milliards de dollars devaient y être affectés en 2007, dont près de la moitié à l'achat de nouveaux équipements. L'objectif est de faire en sorte que le parc de l'armée soit composé à 45 % de matériels modernes à l'horizon 2015. Le complexe militaro-industriel a fait l'objet d'une reprise en main par l'Etat, notamment sous la pression de l'agence en charge des exportations d'armement.
La modernisation des forces stratégiques -missiles Topol-M et Boulava, nouveaux sous-marins stratégiques, etc.- bénéficie d'un investissement constant.
Ces orientations, voisines de celles retenues par les armées occidentales, suscitent toutefois des résistances de la hiérarchie militaire. Le chef d'Etat-major général des forces armées russes, le général Youri Balouievski, vient ainsi d'être remplacé par le général Nikolai Makarov, qui a été chargé par le président Dmitri Medvedev d'appliquer le programme de réforme.