2. La contribution des transferts sociaux nets à la réduction des inégalités des revenus marchands varie aussi beaucoup
Les données disponibles séparément pour la distribution des revenus marchands et des revenus disponibles sont représentées dans le graphique ci-dessous. Elles permettent de mesurer l' impact sur les inégalités d'une fraction de l'intervention publique 94 ( * ) , celle qui transite par le versement des transferts sociaux en espèces, nets des prélèvements obligatoires supportés par les ménages.
- Les transferts sociaux nets réduisent partout les inégalités des revenus marchands .
COEFFICIENTS GINI POUR REVENUS MARCHANDS (VERT) ET DISPONIBLES (ROUGE), POUR LA POPULATION EN ÂGE DE TRAVAILLER, EN 2000
Source : OCDE
Le graphique (qui ne concerne que les personnes en âge de travailler) montre que, au sein de chaque pays, la dispersion des revenus marchands (salaires, revenus de patrimoine,...) est toujours plus forte que celle des revenus disponibles.
L'inégalité spontanée (celle des revenus marchands) est, en moyenne, supérieure de l'ordre de 40 % par rapport à l'inégalité après les transferts sociaux publics nets recensés ici.
- Mais, la contribution des transferts sociaux nets à la réduction des inégalités est plus ou moins forte selon les pays .
Selon le graphique ci-dessus de l'OCDE, l'inégalité des revenus marchands diffère sensiblement selon les pays .
Plusieurs pays sont au-dessus de la moyenne de l'OCDE : la Belgique, l'Allemagne, la France, l'Australie, le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Italie. Beaucoup de ces pays appartiennent à l'espace européen et les quatre grands pays de l'Union européenne figurent dans ce groupe .
A l'inverse, dans les pays nordiques et en Suisse , la répartition des revenus marchands serait nettement moins inégalitaire que pour la moyenne de l'OCDE.
Enfin, les pays d'Amérique du Nord (Canada, États-Unis) et l'Irlande sont un peu moins inégalitaires que la moyenne sous l'angle de la répartition des revenus marchands, même si dans ces pays les inégalités salariales sont plus fortes qu'en moyenne, du moins quand on observe les salariés à temps plein 95 ( * ) .
LES INÉGALITÉS SALARIALES DANS LES PAYS
DE L'OCDE
ACCROISSEMENT MODÉRÉ DE L'INÉGALITÉ
SALARIALE DANS LA MOITIÉ SUPÉRIEURE DE LA DISTRIBUTION,
STABILITÉ À LA MOITIE INFÉRIEURE
Écarts interdéciles, gains bruts des salariés à plein-temps
Source : Base de données de l'OCDE sur les revenus. EQ2. Inégalités de salaire.
- A partir de ces revenus marchands, on constate que la prise en compte des transferts sociaux nets (qui permet de passer des revenus marchands aux « revenus disponibles »), si elle diminue partout les inégalités, exerce cet effet de façon très inégale .
On remarque que les différences entre pays en termes d' inégalités de revenus disponibles ressortent comme plus fortes que pour les inégalités des revenus marchands . Autrement dit, les transferts sociaux nets diminuent les inégalités dans chaque pays, mais quand on compare les pays entre eux, ils apparaissent plus différents sous l'angle de l'égalité des revenus disponibles que sous celui des revenus marchands, ce qui dénote que l'intervention publique a des propriétés redistributives très différenciées selon le pays considéré .
CONTRIBUTION DES TRANSFERTS SOCIAUX NETS
À
LA DIMINUTION DU COEFFICIENT DE GINI (EN POINTS)
Danemark |
- 13 |
Suède |
- 13 |
Pays-Bas |
- 9 |
Finlande |
- 11 |
Norvège |
- 10 |
Belgique |
- 17 |
Allemagne |
- 14 |
France |
- 14 |
Suisse |
- 6 |
Australie |
- 14 |
Irlande |
- 10 |
Royaume-Uni |
- 11 |
Canada |
- 6 |
États-Unis |
- 6 |
Nouvelle-Zélande |
- 9 |
Italie |
- 10 |
Moyenne |
- 10,8 |
Pour les pays où les inégalités de revenus marchands sont relativement faibles, les transferts sociaux nets réduisent fortement ces inégalités, sauf en Suisse . Après transferts sociaux, tous ces pays (sauf la Suisse) sont très en deçà de l'indicateur moyen d'inégalité des revenus disponibles.
Pour les pays dans lesquels les revenus marchands sont distribués de façon très inégalitaires, les transferts sociaux nets diminuent aussi fortement cette inégalité .
Mais, au terme de ce processus, si pour certains d'entre eux (Belgique, France, Allemagne), les revenus disponibles sont alors moins inégalitairement distribués qu'en moyenne, ce n'est pas le cas pour d'autres (Australie, Royaume-Uni, Nouvelle-Zélande, Italie). Même sensiblement atténuée, l'inégalité des revenus disponibles excède pour ces derniers pays la moyenne.
Enfin, pour les pays d'Amérique du Nord et l'Irlande, les transferts sociaux nets réduisent des inégalités qui, au départ, sont au-dessus de la moyenne (mais moins que dans le groupe de pays précédent), mais ils débouchent sur une inégalité des revenus disponibles supérieure à la moyenne des inégalités de ces revenus .
- On observe que la portée égalisatrice des transferts sociaux nets est particulièrement forte dans les pays où les revenus marchands sont déjà relativement égaux et dans certains pays où, à l'inverse, ils sont très inégalement distribués . Ces derniers pays sont des pays d'Europe continentale (Allemagne, France et Belgique) dans laquelle l'Italie fait exception. Dans plusieurs pays aux inégalités primaires élevées (Australie, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Italie), l'impact égalisateur, quoique fort, ne suffit pas pour rejoindre la situation de ces pays d'Europe continentale. Enfin, aux États-Unis, au Canada et en Suisse, les transferts sociaux nets ont un effet égalisateur moins prononcé qu'en moyenne .
*
* *
On a voulu donner ici un aperçu global des inégalités de revenu dans ces pays de l'OCDE et de la contribution des transferts sociaux nets à la réduction des inégalités. Mais, ces données ne permettent pas de mesurer avec précision la portée redistributive des dépenses publiques .
Les transferts sociaux nets pris en compte pour passer du revenu marchand au revenu disponible des ménages, même dans le champ limité qui est ici celui des personnes d'âge actif (les retraités ne sont pas inclus), comportent l'effet des prélèvements obligatoires sur la distribution des revenus (en plus de celui des seules dépenses publiques), et ne recensent pas la totalité des dépenses publiques. Sont notamment exclues les dépenses sociales en nature et les dépenses publiques non sociales (les dépenses de production de services publics et les transferts non sociaux).
Dans la suite du présent chapitre, on s'efforce de mesurer l'impact propre aux dépenses publiques de protection sociale (hors effet des prélèvements obligatoires). Le chapitre suivant est consacré, quant à lui, aux dépenses publiques de production de services publics individualisables.
* 94 En effet, on doit se souvenir que le revenu disponible brut ne prend pas en compte la totalité des contreparties de la dépense publique. En sont exclus les services publics (ce qu'il est convenu d'appeler les transferts en nature).
* 95 La coexistence du constat d'inégalités salariales plus élevées pour les salariés à temps plein et d'inégalités de revenus marchands plus faibles dans les mêmes pays peut paraître étonnante. Elle pourrait s'expliquer par plusieurs considérations. Les champs de mesure des inégalités sont différents : les revenus marchands incluent d'autres revenus que les salaires (en particulier, ceux du patrimoine) dont la distribution peut compenser la dispersion observée sur les salaires ; l'importance prise par le temps partiel peut varier si bien que les inégalités de salaires à temps plein peuvent être plus élevées sans que les inégalités salariales totales le soient pour autant.