B. LES RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Modifier les pratiques d'inscription budgétaire
a) Pour une inscription minimale en loi de finances initiale
Compte tenu de l'ensemble des observations qui viennent d'être formulées, votre rapporteur spécial estime nécessaire de concilier le respect du principe de sincérité budgétaire et l'effet incitatif que peut revêtir, pour le ministère de l'agriculture, l'absence de budgétisation en loi de finances initiale.
Il pourrait ainsi être inscrit, en loi de finances initiale, un montant de crédits correspondant à la moyenne des seules corrections analysées par l'Agence unique de paiement comme résultant d'erreurs d'interprétation ou d'application de la règlementation communautaire, et non de « négligence » ou de « choix délibéré ». Traduisant la part irréductible d'aléa en matière d'application du droit communautaire, une telle inscription ne pourrait être regardée comme une dépense « illégitime » et, sous réserve de la communication par l'AUP des données nécessaires au calcul, son montant ne dépasserait vraisemblablement pas 5 millions d'euros et pourrait être dégagé par le ministère de l'agriculture et de la pêche dans la limite des plafonds prévus pour 2010 et 2011.
Une solution alternative pourrait consister à budgéter en loi de finances initiale un montant correspondant au taux de correction le plus faible constaté dans les Etats membres de taille comparable à la France , soit actuellement l'Allemagne. Cela représenterait, sur la base d'un taux de correction de l'ordre de 0,25 % et pour un montant d'aides évalué à 10 milliards d'euros, à une inscription budgétaire de 25 millions d'euros. Si, comme les représentants du ministère de l'agriculture et de la pêche l'ont laissé entendre au cours de l'audition, une telle inscription ne pouvait être réalisée dans les limites des plafonds fixés pour 2010 et 2011, sa mise en oeuvre pourrait être mise à l'étude dès la prochaine période de programmation pluriannuelle.
b) Rendre le financement en LFR plus incitatif ?
Le solde des refus d'apurement continuerait, dans l'une ou l'autre des hypothèses qui viennent d'être avancées, à faire l'objet d'une inscription de crédits en loi de finances rectificative . Sur ce point, votre rapporteur spécial s'interroge sur la possibilité et l'opportunité de systématiser une règle selon laquelle les ouvertures de crédits en LFR seraient égales à ce solde, minoré d'un abattement forfaitaire ou en pourcentage que le ministère de l'agriculture devrait « auto-financer » par des moyens dégagés en gestion .
Une telle pratique serait de nature à renforcer le caractère responsabilisant du financement des refus d'apurement en loi de finances rectificative, de sorte que cette dernière n'apparaisse pas comme venant effacer annuellement « l'ardoise » des corrections financières. Votre rapporteur spécial s'attachera à approfondir cette question au cours de ses prochains travaux sur le projet de loi de règlement pour 2008 et le projet de loi de finances pour 2010.
2. Les autres améliorations souhaitables
a) Clarifier les règles d'inscription comptable
Ainsi que l'a rappelé le président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes au cours de l'audition, « dans ses travaux de certification des comptes de l'Etat 2007, la Cour des comptes a constaté que le risque pour l'Etat de devoir faire face aux charges de remboursements des crédits communautaires, en raison des refus d'apurement, devait être provisionné dans les comptes ».
Une observation d'audit 35 ( * ) a été transmise au ministère de l'agriculture et de la pêche, fondée sur le constat que près de 93 % des refus d'apurement notifiés par la Commission à la France en 2006 avaient été identifiés avant que la Commission ne rende ses décisions. Selon la Cour, un risque aussi bien identifié devrait normalement être provisionné, et ce en application de la norme comptable n° 12 des provisions pour risques et charges, qui dispose qu'une provision doit être constituée quand il existe une obligation de l'Etat vis-à-vis d'un tiers, qu'il est certain ou probable qu'une sortie de ressources sera nécessaire, et quand le montant de l'obligation peut être estimé de manière fiable.
Selon M. Descheemaeker, « cette dernière condition n'est pas la plus facile à remplir, puisqu'il y a des cas où le risque de refus d'apurement a été décelé mais où le montant exact qui sera mis à la charge de la France n'est pas encore déterminé. Ça n'empêche pas, en application d'une norme, de provisionner - pour un montant dont il faut évidemment discuter, mais de provisionner, afin d'inscrire dans les comptes de l'Etat le risque qu'il a d'être amené à supporter une charge. »
Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, la Cour des comptes et le ministère de l'agriculture de la pêche sont convenus d'approfondir la question du provisionnement comptable des refus d'apurement, lors de la certification des comptes 2008.
b) Refus d'apurement et évaluation de la performance
Sans que ce sujet ait été inclus dans le périmètre de l'enquête demandée à la Cour des comptes, votre rapporteur spécial s'est enfin interrogé sur les liens que pouvait entretenir la problématique des refus d'apurement communautaire avec l'évaluation de la performance dans le cadre de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Actuellement, le projet annuel de performances de la mission intègre au programme 154 « Economie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires » un objectif 6 intitulé « Mettre en oeuvre les politiques nationales et communautaires dans des conditions optimales de coût et de qualité de service » .
Cet objectif est assorti d'un indicateur de performance 6.4, relatif au « Taux de pénalité financière (refus d'apurement) au titre de la politique agricole commune » , et décliné comme suit :
Indicateur 6.4 : « Taux de
pénalité financière (refus d'apurement)
au titre de la
politique agricole commune (PAC) »
Du point de vue du contribuable |
Unité |
2006
|
2007
|
2008
|
2008
|
2009
|
2011
|
Montant des pénalités financières (refus d'apurement) relatives aux aides du 1 er pilier versé au cours de la campagne communautaire N/montant des aides versées au titre du 1 er pilier au cours de la campagne communautaire N |
% |
1,32 |
1,07 |
0,9 |
0,81 |
0,70 |
0,70 |
Montant des pénalités financières (refus d'apurement) relatives aux aides du 2 nd pilier versé au cours de la campagne communautaire N/montant des aides versées au titre du 2 nd pilier au cours de la campagne N |
% |
0,99 |
0,98 |
0,4 |
0,4 |
0,1 |
< 1 |
Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2009.
Les données méthodologiques accompagnant l'indicateur précisent que celui-ci ne saurait être regardé que comme un indicateur indirect de la qualité de la gestion des aides communautaires au cours de l'année N , compte tenu de la durée des procédures d'apurement et, par voie de conséquence, du décalage temporel existant entre l'imputation budgétaire de la sanction financière et les erreurs ou irrégularités qui ont été à son origine 36 ( * ) .
Votre rapporteur spécial considère que l'évaluation de la qualité de gestion des aides communautaires pourrait être enrichie par la création d'un sous-indicateur nouveau à l'indicateur 6.4, renseignant le lecteur sur l'origine des pénalités enregistrées . Sous réserve d'éventuelles adaptations techniques, un tel sous-indicateur pourrait reposer sur une typologie similaire à celle qu'avait mise en oeuvre l'ACOFA (erreur, volonté délibérée ou négligence), typologie dont l'établissement serait confié au futur opérateur unique de paiement des aides de la PAC.
* 35 Observation n° 1.2-10.
* 36 La colonne 2006 de l'indicateur correspond ainsi à des corrections intéressant la campagne communautaire 2002.