III. L'ASSURANCE-PROSPECTION : UN DISPOSITIF SOUPLE QUI REPOND BIEN AUX OBJECTIFS FIXÉS PAR LES POUVOIRS PUBLICS
• UN PRODUIT VISANT À COUVRIR LES ENTREPRISES FRANÇAISES CONTRE UN RISQUE D'ÉCHEC DE LEUR DÉMARCHE DE PROSPECTION
Un objectif d'accompagnement dans la phase de prospection des marchés
Une première exportation est généralement précédée d'une démarche qui suppose des frais de prospection, sans garantie de succès. L'assurance-prospection consiste à couvrir l'entreprise française contre le risque d'échec de la démarche d'exportation. La demande d'une entreprise comporte un projet de dépenses et, en parallèle, de développement de son chiffre d'affaires. Si son dossier est accepté, le mécanisme de l'assurance-prospection distingue deux périodes :
- la période de garantie : si le chiffre d'affaires (en réalité seulement un pourcentage des ventes) réalisé sur le marché visé est inférieur aux dépenses au cours de cette période, la Coface verse à l'entreprise des indemnités. En revanche, si le chiffre d'affaires est supérieur aux dépenses, l'entreprise rembourse la Coface dans la limite des indemnités déjà perçues.
- la période d'amortissement : au cours de cette seconde période, la Coface cesse de verser des indemnités et se contente de récupérer les indemnités si l'évolution du chiffre d'affaires le permet (toujours dans la limite des indemnités perçues).
Ce mécanisme est le seul à être structurellement déséquilibré. Le déficit est continu depuis 1995. En comptabilité de caisse, son coût est égal à la somme des indemnités versées, une fois retranchées les primes touchées et les récupérations. A la fin 2006, le stock de créances non récupérées sur contrats en cours, s'élevait à 174 882 000 euros. Les engagements pris au cours de 2006 ont été de 75 571 000 euros (budgets garantis annuels X quotité garantie).
Un instrument qui a connu des évolutions régulières depuis sa création
Rappel
La garantie d'assurance-prospection a été instituée par la loi du 21 juillet 1950 et est devenue opérationnelle en 1951. Jusqu'à 1960, les contrats étaient signés et notifiés aux bénéficiaires par l'administration, la Coface étant alors régisseur d'avances et de recettes. Après avis de la commission des garanties en date du 10 juin 1960, le ministre de l'Economie et des Finances de l'époque a décidé de classer les garanties d'assurance-prospection parmi les risques commerciaux extraordinaires visés à article 16, paragraphe 1, de la loi du 5 juillet 1949. Une première convention relative à la gestion par la Coface de cette garantie a été signée avec l'État le 2 juillet 1960, et dès 1961, les polices ont été ainsi délivrées directement par la compagnie, après approbation des projets par la commission des garanties.
Les évolutions et les adaptations du produit dans la période examinée
Depuis le 1 er janvier 2001, les trois produits « assurance foire » (AF), « assurance prospection simplifiée » (APS) et « assurance prospection normale » (APN) ont été fusionnés en assurance-prospection (AP).
Depuis 2002, seules les entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 150 millions d'euros sont éligibles à la garantie ; les filiales majoritaires de grands groupes inéligibles peuvent bénéficier de ces garanties si leur chiffre d'affaires est inférieur ou égal à ce seuil.
Depuis la décision de la commission des garanties du 26 août 2005, toutes les demandes déposées par des sociétés dont l'actionnaire majoritaire est un grand groupe (chiffre d'affaires consolidé > 150 millions d'euros) lui sont soumises systématiquement.
Des modalités d'instruction différenciées selon la nature des dossiers
Le processus accéléré (délai à respecter 10 jours ouvrés)
Celui-ci concerne les demandes portant sur une durée de garantie d'un an avec un budget de dépenses inférieur ou égal à 100 000 euros émanant d'entreprises de plus de trois ans, non filiale de grands groupes, et n'ayant pas besoin d'agrément de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (présidée par le Secrétaire général de la Défense nationale), la CIEEMG.
Le processus normal (délai à respecter 40 jours)
Ce processus concerne toutes les demandes qui ne relèvent ni du processus accéléré ni du processus commission. Dès réception de la demande complète, celle-ci est transmise par chargement journalier dans « Athena » et par courriel, pour avis, aux missions économiques concernées, aux directions régionales du commerce extérieur (DRCE), aux DRIRE et autres ministères techniques concernés qui ont 30 jours pour formuler celui-ci. Passé ce délai, l'absence de réponse équivaut à un avis favorable.
Le processus commission des garanties (délai à respecter 50 jours)
Actuellement, d'après les informations recueillies, environ 97% des décisions sont déléguées à Coface et 3% relèvent d'une décision de la commission des garanties. Les délégations de pouvoir de décision sont définies par des questions de principe. On peut citer, en dehors des seuils de délégation, les questions de principe portant sur la réforme de l'assurance-prospection (commission du 13 novembre 2000), les entreprises de moins de 3 ans ne relevant pas des NTIC (commission du 27 juillet 2001), les filiales de grands groupes (commission du 26 août 2005).
Sont examinés en commission des garanties :
- les dossiers militaires ;
- les affaires représentant un montant supérieur à 300 000 euros ;
- les dossiers présentés par des entreprises de moins de trois ans d'existence ;
- les affaires pour lesquelles il existe un désaccord entre la Coface et la DRCE ;
- les entreprises innovantes de moins de trois ans d'existence (à partir du 1 er avril 2008).
Une affaire relevant du processus normal peut néanmoins passer en commission des garanties :
- en cas de désaccord entre le responsable de plate-forme et le directeur régional ;
- en cas d'avis contraires émanant d'agents de l'État amenés à se prononcer sur le dossier (mission économique, DRCE, DRIRE) ;
- en cas de contestation du client : la commission des garanties joue alors le rôle d' « organe d'appel ».
Outre l'instruction qui est similaire à celle du processus normal, l'instructeur rédige une fiche commission selon un modèle établi. Selon la typologie du demandeur (Start-up, filiale de grands groupes), des rubriques sont approfondies (détail sur l'actionnariat, l'analyse du produit, le business plan, le CV des dirigeants, la politique de distribution des dividendes, l'autonomie commerciale et financière, etc.).
Ces procédures apparaissent relativement simples et efficaces ; elles permettent une gestion fluide des dossiers. Les délais d'instruction ont été bien respectés au cours de la période examinée ; les résultats obtenus en la matière sont d'ailleurs en progression année après année.
Tableau n° 4 : Les délais d'instruction des dossiers
Affaires nouvelles |
Objectifs question de principe |
Réalisé 2002 |
réalisé 2003 |
réalisé 2004 |
réalisé 2005 |
Réalisé 2006 |
|
Processus accéléré (10 jours ouvrés) |
80% |
95% |
97% |
97% |
98% |
97% |
|
Processus normal (40 jours) |
90% |
90% |
95% |
94% |
97% |
97% |
|
Processus commission (50 jours) |
80% |
64% |
67% |
56% |
61% |
82% |
|
Renouvellements |
|||||||
Automatique (10 jours ouvrés) |
100% |
78% |
94% |
94% |
95% |
94% |
|
Non automatique Coface (25 jours) |
90% |
74% |
86% |
90% |
94% |
94% |
|
commission (35 jours) |
80% |
64% |
77% |
85% |
73% |
100% |
Source : La Coface
Les caractéristiques du contrat d'assurance-prospection
Quotité garantie et couverture géographique
Le taux normal de la quotité garantie est de 65%.
Un contrat d'assurance prospection couvre généralement une zone géographique. Pour certains contrats, lorsque la prospection est par définition mondiale, la police peut prévoir une couverture pour tous les pays. L'assiette sur laquelle s'applique cette quotité garantie est constituée de l'ensemble des dépenses éligibles.
La frontière entre dépenses éligibles et dépenses non éligibles a longtemps fait l'objet de contestations. Depuis juillet 2007, un « glossaire » définissant précisément les opérations pouvant bénéficier de l'assurance-prospection a été formalisé et mis à disposition des assurés.
Les clauses particulières pour éviter les financements croisés
Une entreprise peut dans certains cas être liée à la Coface par plusieurs polices. Par exemple, une entreprise lance la commercialisation du produit A sur un marché. Elle couvre sa démarche avec une première police d'assurance-prospection. Devant des signes encourageants, elle décide de poursuivre son développement en commercialisant le produit B sur ce même marché et contracte une nouvelle police auprès de la Coface. Dans ce cas, si cette nouvelle police est contractée moins de six mois après la première, la Coface insère dans le contrat une « clause de compensation des soldes » qui permet de lier les deux opérations. Ainsi, si l'un des deux contrats est bénéficiaire et l'autre déficitaire, la Coface peut procéder à des récupérations portant sur l'ensemble des indemnités versées au titre des deux polices. L'objectif de cette clause est d'éviter le financement croisé. En l'absence d'une telle disposition, une entreprise pourrait être tentée d'affecter les dépenses de prospection majoritairement à l'un des deux marchés pour ne pas avoir à rembourser les indemnités perçues.
Le versement de l'indemnité et les récupérations
Le calcul et le versement des indemnités dans le cadre de l'assurance-prospection interviennent normalement un an après la signature de la police, puis tous les douze mois. A titre dérogatoire, pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1,5 million d'euros (environ 50% des entreprises couvertes), les indemnités peuvent être versées sous forme d'avance dés la signature du contrat dans la limite de 50% de l'indemnité maximale. Cette avance n'est pas automatique et intervient à la demande de l'entreprise concernée. L'objectif de ce mécanisme est de soutenir ces petites entreprises qui n'ont que très peu accès au financement bancaire et qui ne pourraient pas assumer le décalage de trésorerie entre les dépenses et le versement de l'indemnité annuelle.
Le mécanisme de l'assurance-prospection implique le versement d'une indemnité provisionnelle pour un sinistre potentiel. Sur le plan comptable, cela ne peut en aucun cas constituer des fonds propres. La Coface indique explicitement à l'entreprise que les indemnités doivent apparaître au bilan dans le poste comptable « autres dettes ». Ce n'est qu'une fois la période d'amortissement échue que, s'il reste des indemnités, elles peuvent être passées en bénéfice exceptionnel car elles sont désormais définitivement acquises pour l'entreprise.
Calcul de l'indemnité pendant la période de garantie
Le calcul de l'indemnité est déterminé par la différence entre les dépenses de prospection et une marge estimée, sur laquelle s'applique le pourcentage de quotité garantie. Ce calcul peut se résumer à la formule suivante :
Indemnité = (Dépenses garanties - % recettes) × quotité garantie
Avec
Dépenses garanties = les dépenses engagées au cours de l'exercice dans la limite du budget défini pour l'année.
% recettes = un pourcentage des recettes réalisées sur les pays couverts correspondant à un taux de marge moyen : 7 % pour les biens, 14 % pour les services, 30 % pour les licences, redevances et autres droits.
La quotité garantie = un pourcentage (65% ou 80%) qui varie en fonction du pays cible de la prospection.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui a conclu le 1 er janvier 2008 un contrat d'assurance-prospection pour couvrir une démarche d'exportation vers les États-Unis. La police prévoit une période de garantie de trois ans. Au cours de l'année 2008, elle engage 100 000 euros de dépenses mais ne perçoit aucune recette. L'indemnité versée par la Coface au titre de l'année 2008 sera en prenant en compte un taux de marge de 7 % et une quotité garantie de 80 %, de : (100 000 - 0) × 0,8 = 80 000 €. Au cours de l'année 2009, elle engage encore 100 000 € de dépenses éligibles mais dégage 300 000 € grâce à des ventes de biens sur ce marché. L'indemnité versée par la Coface au titre de l'année 2009 sera alors de : (100 000 - 300 000 × 0,07) × 0,80 = 63200 €.
D'une manière générale, la Cour note qu'au cours de la période examinée, le montant des indemnités versées a eu tendance à baisser, passant de 58,1 millions d'euros en 2002 à 41,3 millions en 2006.
Tableau n° 5 : Montants des indemnités versées par la Coface au titre de l'assurance-prospection
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
||
Indemnités payées (M€) |
58,1 |
49,6 |
44,4 |
41,5 |
41,3 |
Source : La Coface
Les récupérations
La durée de la période d'amortissement est normalement égale à celle de la période de garantie plus un an. Ainsi, dans l'exemple précédent, pour une période de garantie de trois ans, la période d'amortissement s'étalera sur quatre ans. Au cours de cette phase, seules les recettes sont intégrées dans le compte d'amortissement. La récupération est alors égale à un pourcentage des recettes liées aux exportations de l'année (7 % pour les biens, 14 % pour les services, 30 % pour les licences, redevances et autres droits) dans la limite du total des indemnités perçues au cours de la période de garantie.
Le renouvellement du contrat
Le contrat d'assurance-prospection prévoit que la Coface n'est liée que si l'entreprise respecte, au moins dans une certaine mesure, les objectifs qu'elle s'est fixée. Si elle dépasse ces « seuils de résiliation », le renouvellement de la police n'est pas automatique et le contrat peut faire l'objet d'une rediscussion. C'est ce qui se produit dans la majorité des cas. La Coface peut dans ce cas résilier la police et cesser de verser des indemnités ; mais les indemnités déjà versées restent acquises à l'entreprise.
Les mécanismes de contrôle des assurés
La DAP s'est dotée d'un service spécialisé dans le contrôle des assurés. Ce service compte trois personnes qui ont la charge de vérifier que les dépenses déclarées ne sont pas surévaluées, respectent bien les critères prédéfinis et que les recettes perçues ne sont pas sous-évaluées. Le contrôle peut intervenir sur demande de la commission des garanties ou par sélection aléatoire (en général avant liquidation). D'après les informations recueillies, le service a constaté qu'au cours des années récentes, environ 30% des entreprises contrôlées avaient, de bonne ou de mauvaise foi, mal calculé leurs recettes ou leurs dépenses. Ce pourcentage semble élevé ; les erreurs portent parfois sur des montants faibles et sont, dans de nombreux cas, plus la manifestation d'une méconnaissance des règles applicables par les entreprises qu'une volonté de détourner sciemment les procédures.