V. LA GARANTIE DES CHANGES : ETAT DES LIEUX ET ÉVOLUTIONS POSSIBLES
La sous-direction DMT 6 est en charge des garanties spécifiques, c'est-à-dire en premier lieu de la garantie des changes (mais également de l'assurance-caution et de la garantie des préfinancements).
• UNE PLUS-VALUE THÉORIQUE PAR RAPPORT AUX COUVERTURES PROPOSÉES PAR LE MARCHÉ
Le principe de la garantie des changes
Lorsqu'un exportateur émet une proposition commerciale en devises, il ne connaît pas le cours de change qui sera en vigueur à la date de signature, s'il remporte le contrat. Il est donc soumis à un double aléa : le succès de sa proposition pour le marché et le risque de changes entre le moment de la proposition et celui du paiement.
Les banques proposent des produits financiers adaptés : les options de change. L'exportateur peut acheter une option de vente de devises qu'il n'exercera que s'il remporte le marché. L'exportateur devrait acheter des options couvrant le montant total de tous les appels d'offre auxquels il candidate pour être parfaitement couvert, tout en sachant qu'il n'emportera qu'une partie d'entre eux. Il s'agit d'une solution coûteuse mais individuellement, l'exportateur n'a pas de moyens d'estimer un pourcentage d'échec.
Si les risques de change individuels des exportateurs sont mutualisés, il est possible, grâce au raisonnement statistique, d'estimer le taux de conclusion et donc de ne couvrir qu'une partie du risque de change potentiel total.
La Coface a développé une logique assurantielle pour proposer aux exportateurs la garantie des changes. La part couverte étant plus faible, cette solution est pour l'exportateur moins onéreuse qu'une option de change. La Coface pallie de fait une défaillance de marché puisque ni les banques, ni les assureurs n'ont pu ou voulu isoler ce type de risque pour développer un produit assurantiel moins cher qu'une couverture optionnelle. S'agissant d'une assurance et non d'un produit financier, elle ne peut pas se revendre, ce qui constitue une différence majeure par rapport à une couverture en option.
Dans leur réponse aux observations provisoires de la Cour, les services de la Coface relèvent qu'« une option de change est pour l'entreprise un instrument financier de couverture parfait mais très onéreux, puisqu'il ne sert à rien pour tous les contrats perdus. Les produits Coface permettent de limiter fortement ce coût, en échange du renoncement par l'entreprise au gain qu'elle aurait sur une couverture gagnante dans le cas où son contrat est perdu. »
Dans sa réponse aux observations provisoires de la Cour, la DGTPE indique : « certes, ces options sont utiles, mais elles ne sont pas sans risque pour l'exportateur : elles l'exposent à une perte équivalente à la valeur de l'option dans le cas où il ne remporte pas le marché et, par conséquent, ne les exerce pas. »
La DGTPE fait enfin remarquer que « dans les faits, les banques ne proposent aucun mécanisme de type assurantiel qui couvre complètement le risque associé à la variation des cours pendant la période de remise d'offres. La garantie de change proposée par la Coface avec la garantie de l'Etat n'a pas d'équivalent sur le marché pour soutenir nos entreprises dans un contexte d'euro fort; notamment dans des secteurs fortement exposés, comme l'aéronautique. Elle est par ailleurs beaucoup moins coûteuse que les options du marché. Les équipementiers aéronautiques sont particulièrement attachés à ce dispositif, qui contribue directement à la compétitivité de la filière aéronautique française (et plus largement européenne). »
Les caractéristiques de la garantie des changes
Le produit
La garantie des changes existe en deux versions 29 ( * ) :
- l'assurance change négociation sans intéressement, dite « NEGO », qui indemnise 100% de la perte de change en cas de dépréciation de la devise jusqu'aux échéances de paiement mais ne permet pas à l'assuré de bénéficier de son appréciation ;
- l'assurance change négociation avec intéressement, dite « OPA », qui indemnise 100% de la perte de change en cas de dépréciation de la devise jusqu'aux échéances de paiement et permet à l'assuré de bénéficier de 50 ou 70% de l'appréciation de la devise pendant la période de négociation commerciale uniquement.
Dans les deux cas, le montant de prise en garantie par entreprise et par contrat est plafonné 30 ( * ) . Il n'existe pas de quotité non garantie pour la garantie des changes comme c'est le cas pour les autres procédures publiques. La procédure de la garantie des changes est scindée en deux périodes : la période de négociation (impérative) et la période de réalisation (facultative). La période de négociation peut être comprise entre trois et vingt-quatre mois. Si le contrat est obtenu par l'entreprise, et si cette dernière en fait la demande, la police peut garantir un cours de change jusqu'au règlement des factures. La durée de cette période dite de réalisation est variable selon les devises. Dans trois cas de figure, il est mis fin à la garantie :
la période de couverture expire ;
l'assuré perd l'appel d'offre (la Coface déboucle alors ses positions) ;
l'assuré gagne l'appel d'offre (la couverture est complétée à 100%).
La prime
La prime perçue par la Coface sur ce produit se décompose en deux éléments : une prime perçue lors du dépôt de la signature de la police (partiellement remboursable en cas de fin prématurée des négociations) et un complément perçu en cas de signature effective du contrat avec l'acheteur : la prime OPA avec intéressement est plus chère que la prime NEGO ; plus la devise est volatile, plus la prime est élevée. Plus la durée de négociation (et non d'exécution du contrat 31 ( * ) ) est longue, plus la prime est élevée.
La gestion de la garantie des changes
La gestion commerciale et administrative de la garantie des changes est assurée par la DMT 6. La « cellule marchés » de la direction financière se charge de la gestion technique du produit et des opérations de couverture. Une commission des garanties spécifique au produit « changes » 32 ( * ) se réunit tous les mercredis pour analyser le résultat hebdomadaire et décider la prise en garantie des dossiers hors délégation, c'est-à-dire les affaires militaires et celles dont l'encours dépasse 15 millions d'euros.
Pour les affaires en délégation comme pour celles qui font l'objet d'un passage en commission des garanties, un des critères utilisés pour décider d'accorder ou non la garantie est l'existence d'un aléa sur la conclusion du contrat, c'est-à-dire l'existence d'une concurrence réelle. L'objectif est de ne pas parasiter le modèle économétrique qui repose justement sur l'existence d'un aléa.
* 29 Il existe également aussi une « garantie contrat » accordée à un exportateur sur le point de signer un contrat en devise. Cette garantie, plus chère, tient compte du risque résiduel que le contrat signé ne soit pas exécuté.
* 30 60 millions de dollars en début de période puis 80 millions de dollars depuis le 30 janvier 2002 puis 120 millions d'euros depuis le 11 octobre 2006.
* 31 Dès lors que le contrat est signé, il est possible de faire une vente à terme et l'aléa disparaît. C'est le cours garanti qui varie en fonction de la durée d'exécution du contrat et non la prime.
* 32 La Commission des garanties de change est composée de la direction du Budget, de la DGTPE, du responsable de la salle des marchés et du sous-directeur DMT 6.