B. LES DÉFIS DE LA PESD
Le défi capacitaire et organisationnel : les chaînes de commandement des opérations de l'Union européenne
La session de juin 2008 avait déjà examiné un rapport sur cette question fondamentale, mais aucun projet de recommandation n'avait été proposé. Cette fois-ci, le rapporteur a pu évaluer les différentes options qui se présentent à l'Union au regard du commandement de ses opérations, et a donc présenté un projet de recommandation, qui s'efforce de tenir compte des avis divergents sur le sujet.
Le rapporteur de la commission de la défense, M. Doug Henderson, a rappelé les fondements de la PESD, à savoir la déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement à Helsinki en 1999. Le Conseil européen y a en effet souligné « sa détermination de développer une capacité autonome de décider et, là où l'OTAN en tant que telle n'est pas engagée, de lancer et de conduire des opérations militaires sous la direction de l'Union européenne en réponse à des crises internationales ». Mais, pour disposer de cette capacité de décider, de lancer et de conduire des opérations militaires, il est indispensable que l'Union européenne mette en place une chaîne complète de planification et de conduite des opérations militaires. C'est tout l'enjeu de ce rapport, qui expose les différentes options qui se présentent à l'Union européenne. Ainsi, à l'heure actuelle, l'Union européenne dispose de trois possibilités d'État-major d'opérations pour planifier et conduire une opération de gestion de crise :
1. Le recours au SHAPE de l'OTAN en vertu des accords dits « Berlin plus ».
2. Le concept de la « nation-cadre » , selon lequel l'un des cinq pays volontaires (l'Allemagne, la France, la Grèce, l'Italie ou le Royaume-Uni) fournit un État-major d'opérations non permanent.
3. L'activation du Centre d'opérations récemment créé à Bruxelles, en utilisant des officiers de l'État-major de l'Union européenne (EMUE).
Les inconvénients de la non-existence d'un État-major d'opérations permanent sont notoires : ne disposant d'aucune capacité permanente de planification et de conduite à un niveau stratégique, l'Union européenne doit négocier la mise en place d'une chaîne de commandement ad hoc au cas par cas avec l'OTAN ou avec les cinq États membres qui se sont proposés pour être « nation cadre » d'une opération de l'Union, ou activer le Centre d'opérations. Ceci est forcément long, pour des raisons politiques évidentes, comme l'ont montré les premières opérations de l'Union européenne. Le rapporteur a souligné qu'un État-major permanent n'engendrerait pas de doublons car les nations cadres conserveraient vraisemblablement leur capacité à titre complémentaire, mais il aurait besoin de personnels expérimentés de haut niveau, qui coûteraient certainement trop cher aux yeux d'une opinion publique qui préfèrerait que l'argent public serve en priorité à la santé et à l'éducation.
Selon M. Henderson, il est difficile d'opter pour une solution unique, chacune présentant des avantages et des inconvénients, eux-mêmes tributaires du type de missions. Ainsi, l'analyse des retours d'expérience des opérations EUFOR RD Congo et EUFOR Tchad/RCA a révélé des difficultés dues à l'application du concept de nation-cadre, notamment en introduisant de longs délais pour le choix et la montée en puissance de l'État-major d'opérations.
M. Henderson a insisté auprès de ses collègues sur le fait que l'enquête conduite pour savoir comment améliorer les performances de la chaîne de commandement a montré que les experts répondent de façon très différente et qu'il n'y a pas de consensus . En effet, certains sont partisans du statu quo, prônant malgré tout une amélioration du Centre d'opérations en le rendant permanent, tandis que d'autres préconisent la mise en place d'un État-major d'opérations à Bruxelles autour d'un noyau permanent de 45/50 officiers, renforcé au cas par cas par du personnel supplémentaire, comme ce qui est actuellement prévu pour les États-majors des cinq États membres volontaires pour être « nation-cadre ».
Au terme de sa présentation, M. Henderson a souligné la nécessité de renforcer la planification stratégique aux trois stades de la chaîne de commandement : le Conseil des Ministres, l'État-major d'opérations et l'État-major des forces sur le terrain. Les Européens doivent aussi définir quel type d'État-major militaire stratégique de planification ils veulent. A cet égard, tentant de concilier les avis divergents des experts, le rapporteur estime qu'il faut renforcer le Centre d'opérations de Bruxelles en tant qu'État-major militaire de l'ensemble des forces européennes, à travers une augmentation du nombre d'officier de 45 à 50. M. Henderson recommande également que les Accords « Berlin Plus » soient renforcés et que le concept de nation-cadre demeure. Enfin, il a conclu que dans un monde en mutation rapide, frappé par la crise et le terrorisme, il est essentiel que l'Union européenne se dote de chaînes de commandement des opérations fortes et réactives.
Le projet de recommandation de M. Henderson a fait l'objet de cinq amendements, pour la plupart présentés par MM. Masseret et Rouquet.
Le but de l'amendement 2, examiné en premier, était de remplacer l'un des considérants du projet de recommandation par les deux considérants suivants :
(ix) « Constatant des difficultés dans les appréciations de situation dues à l'influence de la nation-cadre » ;
(x) « Constatant la multiplication par cinq des matériels, systèmes informatiques et locaux au lieu d'avoir un quartier général unique équipé à Bruxelles ».
Le but de l'amendement 1, déposé par M. Henderson est d'ajouter un nouveau paragraphe :
Après le paragraphe 1 du projet de recommandation proprement dit, ajouter un nouveau paragraphe ainsi rédigé :
« De prier instamment les États membres de renforcer les liens entre la planification opérationnelle stratégique et la planification des forces en vue non seulement de renforcer les dispositions en la matière, mais aussi d'assurer une meilleure coordination ».
L'amendement n°3 (révisé), déposé par MM. Masseret, Rouquet, Kucheida et Henderson consistait à :
Après le paragraphe 3 du projet de recommandation proprement dit, ajouter le nouveau paragraphe suivant ainsi rédigé :
« De renforcer le Centre d'opérations de l'Union européenne à Bruxelles de façon à ce qu'il dispose d'un noyau de 45 à 50 officiers permanents, prêts à être renforcé à l'émergence d'une crise, ce qui pourrait permettre, dans le futur, de revoir le système des nations cadres ».
Le but de l'amendement n°4, déposé par MM. Masseret et Rouquet, était de :
Après le paragraphe 3 du projet de recommandation proprement dit, ajouter le nouveau paragraphe suivant ainsi rédigé :
« D'améliorer le processus de planification en mettant en place une structure à Bruxelles permettant d'assurer, d'une part, une meilleure synergie entre les fonctions civiles et militaires, d'autre part une continuité entre les niveaux stratégique et opérationnel en prévoyant un transfert de personnel vers l'État-major d'opérations pour le temps nécessaire afin de réagir suffisamment rapidement en cas de déploiement d'une force de réaction rapide ».
Enfin, l'amendement n°5, déposé par MM. Masseret et Rouquet, tendait à :
Après le paragraphe 3 du projet de recommandation proprement dit, ajouter le nouveau paragraphe suivant ainsi rédigé :
« De renforcer la relation UE/OTAN, surtout en cas d'engagement des deux organisations simultanément sur le même théâtre ».
Les cinq amendements ont été adoptés, tout comme le projet de recommandation tel que modifié.
On peut regretter que ce rapport très important n'ait pas fait l'objet d'une discussion distincte, puisqu'il a été examiné conjointement avec les rapports de M. Gerd Höfer sur les opérations de l'Union européenne et de M. John Greenway sur l'opinion publique face aux opérations militaires internationales. Cette situation a eu pour conséquence de réduire la discussion en séance. De fait, les débats les plus intéressants ont eu lieu en commission. Il faut dire que ce rapport est également très technique, ce qui n'a pas favorisé non plus la tenue d'un long débat en séance plénière.
Le défi industriel : les initiatives de la Commission européenne concernant le marché européen des équipements de défense
Le rapport de M. Edward O'Hara (commission technique et aérospatiale) analyse le « paquet défense » de la Commission européenne présenté en décembre 2007. Ce paquet législatif se compose d'une communication et de deux directives, l'une portant sur les transferts intracommunautaires des produits de défense, l'autre sur les marchés publics de défense.
M. O'Hara a expliqué à ses collègues que le but du « paquet défense » est de répondre aux dysfonctionnements actuels du marché européen des équipements de défense (MEED), caractérisé par sa fragmentation, sa dispersion, ainsi que par le blocage de la coopération intergouvernementale. Par ailleurs, le rapporteur estime que le volet sécuritaire devrait également être concerné par le « paquet défense ». Il est en effet plus exhaustif de parler d'un marché européen des équipements de sécurité et de défense (MEE S D).
M. O'Hara s'est ensuite focalisé sur les enjeux juridiques de ce dossier. Si les deux directives sont adoptées et entrent en vigueur à la fin de cette année ou en 2009, elles auront des incidences non seulement sur la défense européenne, mais aussi sur les choix nationaux. En effet, pour être mises en oeuvre, les directives doivent être transposées dans le droit national de chaque Etat membre, ce qui leur donne alors le même statut que les lois nationales. Cependant, étant donné que les directives émanent du cadre normatif communautaire, le suivi de leur application incombe à la Commission européenne, et le règlement des litiges auxquelles elles peuvent donner lieu revient à la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). Par conséquent, la règle du caractère intergouvernemental des politiques de défense européennes (nationales, de l'Union et transatlantiques) n'est plus absolue.
Actuellement, l'exportation des équipements de défense est de la compétence exclusive des États. Un code de conduite des exportations d'armements a été adopté au niveau européen, mais il n'a pas de caractère contraignant. Les programmes de coopération entre États déjà menés sont à l'origine du succès de l'industrie aérospatiale européenne. Des accords de transfert technologique ont aussi été conclus entre le Royaume-Uni et les États-Unis, mais ils ne s'appliquent pas aux autres États membres de l'Union. La réglementation américaine en matière de commerce d'armes complique encore les choses. Il est donc indispensable d'octroyer au marché européen des équipements de sécurité et de défense le poids nécessaire pour parvenir à une plus juste réciprocité dans l'accès au marché de la défense des États-Unis et des transferts de technologie avec ces derniers.
Les projets de directive visent donc notamment à développer la spécialisation des États producteurs et à améliorer leur compétitivité, dans un contexte de concurrence pas toujours loyale avec les États-Unis. Si la Belgique et les Pays-Bas ont fédéré leurs capacités navales et aériennes, cela semble plus difficile pour de grands pays qui ont quelques réticences à renoncer, au nom de la coopération, à leurs lourds investissements dans certaines technologies.
M. O'Hara a précisé ensuite comment est accueilli le « paquet défense » par les principaux acteurs concernés. Ainsi, la démarche de la Commission européenne reçoit le soutien de la majorité des entreprises du secteur de la défense et des États membres de l'Union européenne , l'enthousiasme étant plus prononcé du côté des PME et des petits et moyens États membres de l'Union européenne.
M. O'Hara a estimé en outre que l'Agence européenne de Défense devrait être dotée de moyens financiers plus importants, de manière à fournir au Marché européen des équipements de sécurité et de défense l'assise solide dont il a besoin pour offrir aux forces armées des pays européens des équipements sûrs et technologiquement avancés.
Le débat s'est limité à une seule intervention émanant d'un parlementaire finlandais. Celui-ci a émis des observations positives sur le travail de M. O'Hara et insisté sur les synergies entre les différentes politiques et les différents organes, en présentant les résultats d'un groupe de réflexion finlandais sur la PESD. En outre, l'orateur a mis l'accent sur la compétitivité et sur la nécessité d'impliquer et d'aider les PME à s'affirmer dans le domaine de la défense. Enfin, il a relevé et regretté à son tour le manque de réciprocité dans les rapports avec les États-Unis.
Le projet de recommandation présenté par M. O'Hara invite le Conseil de l'UEO et le Conseil de l'Union européenne à mettre en oeuvre les projets de directives de la Commission dès leur adoption, à encourager la poursuite des consolidations entre les entreprises, et à veiller à ce que les investissements dans ce secteur ne soient affectés que de manière marginale par la crise économique actuelle. Il a été adopté à l'unanimité , preuve que les parlementaires sont conscients de l'importance de ce dossier et de ces enjeux pour l'Europe de la défense.
Au total, on regrettera que le débat ait été écourté par le manque de temps, alors qu'il s'agit d'un sujet déterminant pour l'avenir de la défense européenne, comme l'a souligné à juste titre le Président. Cependant, le consensus des parlementaires sur cette question est encourageant, s'il reflète la volonté de leurs gouvernements d'approuver et de mettre en oeuvre dans les meilleurs délais le « paquet défense », dont la nécessaire et urgente application a été démontrée avec beaucoup de conviction par M. O'Hara.
Le défi terroriste : la guerre informatique
Le rapport conjoint de MM. Christopher Chope (Royaume-Uni) et de M. Tarmo Köuts (Estonie), fait au nom de la Commission de la défense, entend présenter un phénomène encore trop peu connu des parlementaires, mais qui se fait de plus en plus menaçant pour l'Etat de droit : le cyber terrorisme.
M. Köuts parle d'un sujet qu'il connaît bien, puisque son pays a été victime d'une attaque cyber terroriste de grande ampleur en 2007. A la suite de cette attaque, l'Estonie a pris conscience de la gravité de la menace et a adopté des mesures de protection. Elle est donc devenue un pays d'avant-garde au regard de la lutte contre le cyber terrorisme. Symboliquement, c'est à Tallinn qu'a été installé le centre de l'OTAN sur la cyber défense. L'organisation atlantique a en effet pris très au sérieux l'attaque dont a été victime l'Estonie, et a fait de la guerre informatique l'une des priorités de l'OTAN.
Les deux rapporteurs ont insisté auprès de leurs collègues sur le fait que la guerre informatique relève bien du terrorisme. Ce phénomène peut paraît moins inquiétant que celui des attentats plus classiques, mais ses résultats peuvent être tout aussi meurtriers. Le but de ce rapport consiste donc avant tout à faire prendre conscience aux parlementaires et à leurs gouvernements de la menace que représente le cyber terrorisme. Dans un deuxième temps, le rapport propose quelques recommandations afin de lutter contre cette nouvelle forme de terrorisme, dont le développement est très rapide. Ainsi, des attaques récentes ont été perpétrées contre des infrastructures critiques en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. De même, les États-Unis ont déjà subi de telles attaques.
De plus, M.M. Chope et Köuts ont souligné que, étant donné que les États européens et leurs dispositifs de défense sont de plus en plus informatisés et mis en réseaux, qu'ils soient nationaux, transfrontaliers ou européens, la guerre informatique ne peut plus être considérée comme un sujet secondaire. La Politique européenne de sécurité et de défense de l'Union européenne doit en conséquence l'intégrer dans ses considérations et la stratégie de sécurité adaptée doit l'inclure au titre des risques et des capacités pour les années à venir.
En conclusion, les deux rapporteurs ont présenté leurs recommandations. A cet égard, l'Agence européenne de défense (AED) est invitée à élaborer un concept de sécurité et de défense informatiques, à soutenir des initiatives telles que le Centre d'excellence pour la cyberdéfense de l'OTAN de Tallinn, et à harmoniser les lois et les pratiques concernant le réseau Internet et son utilisation. En outre, les rapporteurs préconisent le renforcement rapide de la coopération internationale en matière de lutte contre le cyber terrorisme , à travers la mise en place de mécanismes d'assistance rapide en cas de crise et de coordination avec les États confrontés à la même menace. Enfin, dans la mesure du possible, les rapporteurs estiment nécessaire de réduire aujourd'hui la dépendance de nos sociétés à l'égard d'Internet pour diminuer la vulnérabilité des États face à la cybercriminalité.
Le débat qui a suivi la présentation du rapport a révélé le consensus qui règne entre les parlementaires sur la nécessité d'adopter rapidement des instruments de lutte efficace contre le terrorisme informatique. Ce consensus est d'autant plus solide que la prise de conscience est récente, confrontant les pays à l'imminence du danger et à l'urgence d'une réponse solidaire et coordonnée. Ainsi, beaucoup de parlementaires ont remercié les deux rapporteurs pour la qualité et l'utilité de leur travail, précisant que l'information sur le sujet est encore trop inexistante. Ils ont aussi exprimé leur impuissance face au constat que les nations modernes sont devenues totalement dépendantes de leurs technologies, ce qui les rend d'autant plus vulnérables à la guerre informatique. M. Sooäär (Estonie) a convenu que, face à l'ampleur de la menace, les parlementaires mais aussi leurs gouvernements, ne peuvent plus se permettre d'ignorer le problème. Il a ainsi exhorté les pays n'ayant pas ratifié la convention du Conseil de l'Europe sur la cybercriminalité à engager la procédure de ratification. Pour sa part, Mme Curtis-Thomas (Royaume-Uni) a souligné que la lutte contre la cybercriminalité nécessite une coopération au niveau de l'Union européenne, car il faut fédérer toutes les ressources pour être plus efficaces et plus forts. Mme Nurmi (Finlande) a approuvé la recommandation visant à développer le concept de cyber sécurité au sein de la PESD. M. Odd Dorum (Norvège) a suggéré que l'Assemblée collecte des informations de ses 27 pays membres et de ses trois associés concernant leur volonté de combattre la guerre informatique.
M. Diaz Tejera (Espagne) a déploré le fait que les menaces progressent beaucoup plus vite que le droit, qui a besoin de temps pour s'adapter aux nouvelles formes de criminalité. Dès lors, il a exprimé sa conviction que tous les pays d'Europe doivent relever ensemble ce défi en améliorant leur code pénal, leur système de communication, leur système juridique, afin que le crime organisé ne puisse pas se glisser dans cette brèche législative.
Le projet de recommandation a été adopté.
Le défi spatial : le projet MUSIS
Le rapport présenté par Mme Rodoula Zissi (Grèce) au nom de la commission technique et aérospatiale analyse le programme d'imagerie spatiale MUSIS (système multinationale d'imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l'observation) et prône l'accélération de son développement. En effet, comme l'a rappelé Mme Zissi, la coopération spatiale européenne à des fins de sécurité et de défense est devenue inéluctable dans un environnement stratégique de plus en plus instable . De surcroît, le secteur spatial militaire n'est pas seulement stratégique et politique, il a aussi une dimension économique pour l'Europe et son industrie spatiale.
Dans la présentation de son rapport, Mme Zissi a rappelé que la construction d'une Europe de l'Espace a été très difficile et chaotique, et qu'il convient de lui donner aujourd'hui une accélération décisive grâce à MUSIS. Lancé officiellement en décembre 2006 par la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et la Grèce, ce projet a pour objectif essentiel d'harmoniser les prochains systèmes d'observation optique et radar et de remplacer, à terme, l'ensemble des composantes militaires dans ces domaines . Selon M. Zissi, la technologie de la génération MUSIS devrait permettre des progrès considérables, en particulier la flexibilité d'accès aux images, avec des conséquences très importantes sur les théâtres d'opérations. C'est dire toute l'importance de MUSIS dans le cadre des missions de maintien, d'établissement et de rétablissement de la paix.
Néanmoins, comme l'a rappelé Mme Zissi avec lucidité, cela ne sera possible que si les États surmontent de nombreux obstacles . Ainsi, les mesures concernées ne doivent pas êtres mises en oeuvre trop tard, et toute discontinuité dans le domaine des capacités doit être évitée. Il existe une autre difficulté : financièrement, l'existence de canaux de financement différents selon les États rend la mise en oeuvre du système difficile, le seul moyen étant de passer par un accord entre les États membres.
Ensuite, pour étayer son argumentation, Mme Zissi a souligné que les sommes dépensées dans les programmes militaires spatiaux ne sont qu'une petite part des budgets de la défense. Autrement dit, la coopération est donc la seule solution , en dépit des réticences des États membres à perdre leur autonomie stratégique sur le plan opérationnel. De plus, MUSIS garantira une industrie spatiale compétitive, renforçant ainsi le rôle de l'Union dans ce secteur, dans un contexte de courses aux armements au niveau mondial. Selon Mme Zissi, le projet MUSIS n'aurait que des conséquences bénéfiques pour l'Union européenne : son développement procurerait à l'Union européenne des avantages en termes d'autonomie, d'indépendance et de renseignement. Il renforcerait sa position politique et diplomatique, tout en contribuant à la sécurité et à la défense de l'Union européenne.
En conclusion, Mme Zissi a présenté rapidement son projet de recommandation à ses collègues. Celui-ci invite les pays participants à donner au centre satellitaire de l'Union européenne, situé à Torrejon (Espagne), l'accès à l'imagerie, à ouvrir le projet à de nouveaux participants dans la perspective d'une plus grande coopération, et à consacrer 40% de MUSIS au segment terrestre contre 60% au segment spatial. Enfin, du point de vue de la gouvernance, le projet de recommandation propose que la coopération autour du projet MUSIS soit placée sous l'égide de l'Organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR), en relation avec l'Agence européenne de défense (AED), qui pourrait prendre en charge le développement de la partie commune de MUSIS et l'élargissement du projet à d'autres partenaires.
Au cours du débat qui a suivi, les parlementaires ont félicité Mme Zissi pour son travail et ont souvent regretté la longueur et la complexité des négociations entre les partenaires de MUSIS. Tous se sont prononcés en faveur du développement rapide du programme MUSIS, de manière à obtenir des résultats concrets et à défendre ses positions sur le marché, dans un contexte de course aux armements. Mme Keles (Turquie) a plaidé pour que son pays puisse rejoindre le projet et a regretté que les six pays fondateurs soient libres de refuser l'adhésion d'un pays candidat.
Le projet de recommandation a été adopté.
On soulignera l'intérêt de ce rapport qui a permis de démontrer la nécessité du programme MUSIS pour le succès de la politique spatiale de l'Union européenne et, au-delà, de sa politique de sécurité et de défense.
Le défi de la communication : l'opinion publique face aux opérations militaires internationales
La multiplication des opérations de PESD ces dernières années n'a pas été sans poser un problème de visibilité, notamment à l'égard des opinions publiques. L'éloignement géographique des menaces contribue, en effet, à réduire l'adhésion des citoyens aux missions, le coût humain apparaissant dès lors comme le seul critère d'évaluation de la pertinence de celles-ci. L'absence de communication institutionnelle autour de ces opérations comme leur imparfaite retranscription par les médias renforce ce décalage entre les opinions et ces missions pourtant nécessaires tant sur le plan militaire qu'humanitaire. La mort de soldats français en Afghanistan au coeur de l'été 2008 et les conséquences tant médiatiques (publication d'une photographie des uniformes des soldats morts) que politiques (débat parlementaire) est, à cet égard, assez symptomatique de ce débat.
Les parlementaires sont, aux yeux de la commission pour les relations parlementaires et publiques, à la croisée des chemins. Devant répondre aux interrogations de leurs concitoyens, ils sont associés à des degrés divers à l'envoi de troupes. La sensibilisation de l'opinion publique aux enjeux de ces missions s'avère d'autant plus délicate que les dangers ne sont pas perçus comme immédiats, les sociétés européennes s'avérant de surcroît de plus en plus philosophiquement rétives à l'usage de la force.
La recommandation, telle qu'adoptée, invite l'UEO et l'Union européenne à mettre en oeuvre une véritable stratégie de communication destinée à présenter les objectifs des missions. Une réaffirmation du rôle de l'assemblée de l'UEO en la matière est également préconisée.