PARTIE I - LE CADRE DE LA POLITIQUE DE RETENTION
Les centres et les locaux de rétention administrative (CRA et LRA) sont utilisés pour retenir les étrangers en situation présumée irrégulière avant leur éventuel éloignement du territoire national. Fin 2008, il y avait 22 centres de rétention administrative en métropole et 4 outre-mer. S'y ajoutaient, 50 locaux permanents de rétention administrative en métropole et 6 outre-mer.
Outre l'évolution du cadre juridique, la politique récente menée en matière de rétention a été marquée par la création du ministère de l'immigration et la volonté de faire du retour dans leurs pays d'origine des étrangers en situation irrégulière une action prioritaire.
I. LES ORIENTATIONS DE LA POLITIQUE DES FLUX MIGRATOIRES
Celles-ci méritent d'être brièvement rappelées, car elles constituent le cadre pour apprécier la gestion des lieux de rétention.
La volonté de mener une politique intensive de reconduite à la frontière a été marquée par la décision prise en 2003 de doubler dès l'année suivante le nombre d'étrangers éloignés (de 10 000 à 20 000) et par la loi, votée la même année, de réformer le système de rétention et d'en accroître la durée maximale.
Depuis ces changements, la politique des flux migratoires repose sur les orientations suivantes, confirmées au fil des ans :
- la maîtrise des flux migratoires, sur la base d'un objectif chiffré d'éloignement des étrangers en situation irrégulière (25 000 pour l'année de 2006 à 2008) et la priorité donnée à une immigration choisie tenant compte notamment des besoins de l'économie dans le respect des droits en vigueur, en particulier en matière d'asile ;
- l'encouragement au co-développement, notamment en permettant aux migrants d'agir en faveur de leur pays d'origine et en tenant mieux compte de la maîtrise de l'émigration dans les politiques de coopération et de développement ;
- l'action pour favoriser l'intégration, en particulier par la maîtrise de la langue et le respect les principes républicains, et un meilleur accès au logement, à l'éducation, à la formation et au travail.
II. LE CADRE JURIDIQUE DE LA RÉTENTION DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE
La rétention administrative se définit comme la possibilité donnée à l'administration de maintenir, pour une durée limitée par la loi, les étrangers qui font l'objet d'une procédure d'éloignement ou d'une interdiction du territoire français et qui ne peuvent le quitter immédiatement.
Elle constitue une mesure privative de liberté, mais se distingue de la détention, notamment par la libre circulation à l'intérieur du centre ou du local de rétention et le libre accès à plusieurs services (sanitaires, téléphones, équipements de loisirs). Elle est encadrée par des règles juridiques précises qui définissent notamment les moyens matériels mis à la disposition des personnes retenues.
A. LA PROCÉDURE DE PLACEMENT ET DE MAINTIEN EN RÉTENTION
1- La décision de placement en rétention
Jusqu'en 1980, la loi ne permettait pas d'exécuter par la force une mesure d'éloignement.
Les lois n° 80-9 du 10 janvier 1980 relative à la prévention de l'immigration clandestine, portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, et n°81-82 du 2 février 1981 renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes vont transformer la réglementation pour permettre, d'une part l'exécution d'une mesure d'éloignement et d'autre part, la privation de liberté de l'étranger sur décision administrative.
Les dispositions des procédures de reconduite et de rétention sont récapitulées dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), créé par l'ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004.
Celui-ci répertorie au livre V les mesures administratives d'éloignement. Outre la nouvelle obligation de quitter le territoire français (cf. infra), il s'agit des arrêtés de reconduite à la frontière, des arrêtés d'expulsion en cas de trouble à l'ordre public, des réadmissions Schengen (article L. 531-1 pour un étranger en situation irrégulière provenant d'un autre état membre) et Dublin (étranger en situation irrégulière ayant demandé l'asile dans un autre état membre) et de l'interdiction du territoire français en cas de crime et délit.
Le titre V du livre V du Ceseda fixe les règles et procédures de rétention. Le préfet peut, par décision écrite et motivée, décider de maintenir, dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger faisant l'objet d'une de ces mesures et qui n'a pas quitté le territoire français ou n'a pas déféré à la mesure dans un délai de sept jours au terme du précédent placement. Cette décision est prise par le préfet après l'interpellation de l'étranger, et le plus souvent, à l'expiration de sa garde à vue, en générale limitée à 24 heures maximum.
Le procureur de la République doit être informé immédiatement de chaque décision de maintien. Pour tout étranger retenu, le préfet doit tenir à la disposition des personnes qui en font la demande les informations relatives aux dates et heures du, début du maintien en rétention et au lieu exact de cette dernière. L'étranger doit être immédiatement informé de ses droits, le cas échéant par l'intermédiaire d'un interprète.
2- La prolongation de la rétention
Le maintien ne peut être observé que "pendant le temps strictement nécessaire à son départ". Au-delà de 48 heures, si la rétention n'a pas pris fin, le juge des libertés et de la détention (JLD) est obligatoirement saisi par le préfet afin de décider ou non la prolongation du placement.
Après audition de l'étranger, en présence de son conseil - s'il en a un - et d'un représentant de l'Etat - si celui-ci est présent - le juge peut décider par ordonnance de prolonger la rétention de 15 jours. Le juge peut remettre le retenu en liberté s'il constate certaines irrégularités de procédure mais il ne peut apprécier la légalité de la mesure d'éloignement elle-même et ne peut donc se fonder sur son illégalité pour décider la remise en liberté. Il peut aussi ordonner une assignation à résidence lorsque l'étranger dispose de garanties de représentation.
A l'issue de la première prolongation de 15 jours, à la demande du préfet, le JLD peut, sans délai, ordonner une nouvelle prolongation de la rétention d'une durée maximale:
- de 15 jours, en cas d'urgence absolue ou de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ou si l'impossibilité d'éloigner l'intéressé résulte de la perte ou de la destruction de ses documents de voyage, de la dissimulation de son identité ou de son obstruction volontaire à son éloignement ;
- de 5 jours, si l'administration démontre que l'impossibilité d'éloigner résulte du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat (ou délivrance tardive) ou de l'absence de moyens de transports et que ces circonstances doivent intervenir à bref délai.
Depuis la loi du 26 novembre 2003, le délai maximum de rétention est passé de 12 à 32 jours.
3- Les voies de recours
Les ordonnances du JLD peuvent faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel territorialement compétent, qui doit statuer dans les 48 heures de sa saisine. L'appel est ouvert au ressortissant étranger, au ministère public et au préfet. Il doit être formé dans un délai de 24 heures suivant le prononcé de l'ordonnance du premier juge. Le recours n'est pas suspensif, sauf lorsque le ministère public le demande dans l'hypothèse où la personne retenue ne dispose pas de garanties de représentation ou en cas de menace grave pour l'ordre public.
L'ordonnance du premier président de la cour d'appel est susceptible d'un pourvoi en cassation.
Quelle que soit la durée de la prolongation prononcée par le JLD, le retenu peut, à tout moment, en cas de circonstances nouvelles de fait ou de droit, le saisir pour qu'il soit mis fin à la rétention. La requête, qui peut être adressée par tout moyen, doit être motivée et signée.
De son côté, le JLD peut, à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande du ministère public, mettre fin à la rétention lorsque des circonstances de droit ou de fait le justifient. Il doit prévenir le préfet pour qu'il puisse présenter ses observations.
Le juge administratif reste en outre compétent pour examiner les recours contre les actes administratifs que constituent les mesures d'éloignement et de mise en rétention.