(2) Des éléments de choix complexes
Selon l'analyse développée par le CAS, ce choix dépendra de « l'importance relative des sensibilités (nommées élasticités en économie) des coûts et des dommages marginaux à la quantité de CO 2 émise » 39 ( * ) .
Si les dommages marginaux causés à l'environnement à la suite d'une unité supplémentaire de CO 2 émise sont prédominants - ce qui peut être le cas à l'approche du seuil critique au delà duquel une catastrophe naturelle peut survenir - et la sensibilité des acteurs économiques au coût de réduction des émissions de gaz à effet de serre faible, le recours à un « instrument-quantité » semble préférable pour ne pas risquer la survenue de cet événement.
Si, au contraire, la sensibilité aux coûts liés aux dommages est faible, mais qu'en revanche, la sensibilité aux coûts de réduction des émissions de gaz à effet de serre est fort, il semble plus optimal de recourir à un « instrument-prix » pour donner aux acteurs économiques une certaine visibilité sur le coût marginal lié à la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre.
Les travaux du groupe de travail sur les instruments économiques du développement durable, présidé par Jean-Pierre Landau, ont permis d'identifier d'autres cas de figure où il paraît plus pertinent de recourir à la fiscalité qu'au marché d'échange de permis. Ainsi « la fiscalité environnementale reste en général préférable lorsque les pollueurs sont nombreux et dispersés (ex. véhicules particuliers) du fait des importants coûts de transaction qu'un marché de permis ne manquerait pas d'engendrer (organisation, gestion et contrôle des échanges, vérification) » 40 ( * ) .
Des systèmes mêlant les deux outils sont également évoqués par la théorie économique :
- l'instauration d'un droit d'option pour les entreprises entre le paiement de la taxe ou l'achat de quotas. Ce dispositif offre ainsi aux agents économiques, si des potentiels de réduction des émissions de CO 2 à faible coût existent et si l'écart entre ces coûts et le niveau de la taxe est élevé, de recourir au marché pour s'acquitter de leur contrainte à un coût plus faible que celui lié à la taxation ;
- l'encadrement du marché de quotas par un prix plafond - qui permet d'éviter une mauvaise évaluation des coûts de réduction des émissions de gaz à effet de serre - et un prix plancher - qui permet de garantir une quantité minimale de réduction des émissions de CO 2 . Comme l'indique le CAS dans une récente note 41 ( * ) , le prix plafond serait assuré par l'émission de permis supplémentaires si le prix du marché venait à dépasser un certain seuil ; le prix plancher correspondrait, quant à lui, au prix minimal à payer pour obtenir un permis.
De façon plus générale, il est à rappeler, comme l'ont souligné de nombreux interlocuteurs du groupe de travail, que l'instauration d'une taxe et le système d'échanges de quotas de CO 2 sont deux outils complémentaires .
Taxe ou marché de quotas : une question au coeur des négociations internationales Sans revenir sur l'historique détaillé des négociations internationales en matière climatique, il peut être rappelé qu'initialement, notamment en 1992 à l'occasion de l'adoption de la convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique, l'instauration d'une « taxe carbone » avait été préconisée par l'Europe. Cette proposition se heurta au refus des Etats-Unis qui imposeront ensuite, lors des négociations sur le protocole de Kyoto, la solution alternative des marchés de quotas d'émission de gaz à effet de serre . En effet, en contrepartie d'une augmentation des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre imposés aux Etats-Unis, les Européens ont accepté le principe des marchés de quotas. Comme l'indiquent Dominique Bureau et Patrick Criqui 42 ( * ) , la proposition américaine initiale est devenue, au fil des ans, celle des Européens, ces derniers ayant mis en place , à compter du 1 er janvier 2005, leur propre système d'échange de quotas d'émission. Les contraintes, liées notamment au principe de l'unanimité en matière d'harmonisation fiscale, ont également conduit à l'abandon de l'instauration d'une taxe carbone au niveau européen. Le débat sur le paquet « énergie-climat », lors du Conseil européen de Bruxelles des 11 et 12 décembre 2008, sous présidence française, a également manifesté le refus des Etats membres d'un encadrement réglementaire des prix sur le marché du carbone. Ainsi la proposition de la Pologne, tendant à mettre en place un système de prix plancher et de prix plafond sur le marché secondaire des quotas de CO 2 , a-t-elle été rejetée à la quasi-unanimité. Source : commission des finances |
* 39 Centre d'analyse stratégique, « Politique climatique des Etats-Unis : quel instrument économique pour un signal-prix carbone ? », note de veille n° 127, mars 2009.
* 40 Groupe de travail présidé par Jean-Pierre Landau, « Les instruments économiques du développement durable », 2006.
* 41 Centre d'analyse stratégique, « Politique climatique des Etats-Unis : quel instrument économique pour un signal-prix carbone », note de veille n° 127, mars 2009.
* 42 Dominique Bureau, Patrick Criqui, « Ecotaxes et quotas d'émissions échangeables CO 2 », fiche n° 6 pour le Conseil économique pour le développement durable, 2009.