b) La mise en place du marché secondaire
Le marché européen d'échanges de quotas s'est fortement développé depuis 2005. Ainsi, le volume d'échanges constaté en 2008 est d'environ 2,8 milliards de tonnes . Ce résultat est de l'ordre du décuple du volume des échanges de 2005 , année de la mise en place des marchés. De plus, ce chiffre est désormais supérieur à celui des allocations primaires par les Etats, ce qui montre une progression satisfaisante de la liquidité des marchés de quotas. Il est à relever que le marché européen représentait, en 2008, environ 60 % du total des échanges mondiaux de ce type de droits .
Les échanges passent de plus en plus fréquemment par des plates-formes ad hoc . Deux pôles ont ainsi émergé :
- d'une part, BlueNext , situé à Paris et orienté vers les échanges de quotas au comptant ;
- d'autre part, ICE-ECX , basé à Londres, davantage spécialisé sur les produits dérivés des quotas , en particulier les ventes à terme et les options.
Source : BlueNext
Le cours des quotas a connu une assez forte volatilité, certes pas plus importante que pour d'autres marchés de biens, comme le pétrole, à l'exception de la fin de la première phase du SCEQE, au cours de l'année 2007 95 ( * ) . La récession actuelle se traduit naturellement par une baisse des émissions et donc de l'activité des marchés du carbone, ce qui pèse également sur les cours des quotas.
Le fonctionnement même des marchés ne peut évidemment pas garantir une stabilité complète du prix des quotas. En revanche, comme cela a été souligné en première partie de ce rapport, des fluctuations excessives sont à éviter afin d'envoyer un « signal-prix » clair et prévisible aux opérateurs. Ceux-ci doivent en effet pouvoir fonder leurs décisions d'investissements sur des bases relativement solides. Ces marchés doivent donc être encadrés de façon adéquate afin d'empêcher toute manipulation ainsi que l'hyper spéculation.
c) Au sein du SCEQE, le plan national français d'allocation des quotas (PNAQ)
Aux termes de l'annexe II de la décision 2002/358/CE précitée, l'engagement d'émission de la France pour la période 2008-2012 s'élève à 2.813.626.640 tonnes de CO 2 (soit 563,9 millions de tonnes d'équivalent CO 2 en moyenne annuelle).
Le SCEQE a été traduit en droit interne par :
- l'ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004, dont les dispositions sont codifiées aux articles L. 229-5 à L. 229-19 du code de l'environnement ;
- le décret n° 2007-979 du 15 mai 2007 portant plan national d'allocation des quotas (PNAQ) pour la période de 2008 à 2012. Ce plan couvre près de 11.000 installations, 10 % des installations incluses dans ce système détenant 75 % des quotas.
Le PNAQ français prévoit une enveloppe annuelle de 124,68 millions de tonnes de CO 2 selon le tableau ci-après et 2,74 millions de tonnes de CO 2 alloués aux « nouveaux entrants ».
Enveloppe annuelle de quotas d'émission dans le
cadre du PNAQ 2008-2012
(en millions de tonnes de
CO
2
)
Secteur d'activité |
Allocation |
Chauffage urbain |
5,46 |
Combustion d'énergie |
0,37 |
Electricité |
25,59 |
Transport de gaz |
0,84 |
Raffinage |
16,54 |
Combustion agro-alimentaire |
5,97 |
Combustion chimie |
9,79 |
Combustion externalisée |
2,64 |
Combustion industrie |
1,11 |
Combustion (autres) |
2,88 |
Acier |
25,73 |
Ciment |
15,4 |
Chaux |
3,18 |
Verre |
3,73 |
Céramique |
0,02 |
Tuiles et briques |
1,11 |
Papier |
4,32 |
Total |
124,68 |
Source : décret n° 2007-979 du 15 mai 2007
Le problème français d'abondement de la
réserve destinée aux nouveaux entrants
La réserve annuelle de 2,74 millions de tonnes d'émission allouée au nouveaux entrants s'est révélée très insuffisante au regard des projets d'investissements industriels, notamment dans le domaine de l'électricité thermique afin de mieux répondre à la demande croissante en « pointe » de consommation. Cette sous-allocation risque de décourager les projets et de fausser les conditions de concurrence entre les industriels déjà existants et les nouvelles installations. De plus, dans le cas de l'électricité, elle va à l'encontre de la sécurité d'approvisionnement que renforcerait la construction de nouvelles centrales thermiques. Or, un « simple » transfert d'allocations entre un secteur donné et un autre (par exemple les nouveaux entrants) entre en contradiction avec l'impossibilité de changer le PNAQ en cours de période après son approbation par la Commission européenne. L'article 8 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 avait pour objet de résoudre cette « quadrature du cercle ». Cet article a créé un compte de commerce dédié à la « gestion des actifs carbone de l'Etat », lui permettant notamment d'acquérir et de céder des quotas sur le marché. Un tel compte de commerce a d'ailleurs vocation à percevoir le produit des enchères portant sur les quotas à compter de 2013 (voir ci-dessous). Par ailleurs, cet article autorise l'Etat à : - effectuer des cessions de quotas sur le marché en prélevant lesdits quotas sur l'allocation gratuite destinée aux producteurs d'électricité existants, dans la limite d'un plafond exprimé en pourcentage de cette allocation (10 % en 2009, 20 % en 2010, 35 % en 2011 et 60 % en 2012) ; - acquérir la même quantité de quotas sur le marché afin d'abonder la réserve destinée aux nouveaux entrants. Cette opération doit permettre d'abonder suffisamment la réserve des nouveaux entrants pour respecter le principe d'équité tout en demeurant sous le plafond global des émissions autorisées dans le cadre du PNAQ. La soustraction de quotas aux électriciens se justifie, d'une part, parce que de nombreux nouveaux entrants viennent de ce secteur, d'autre part, parce que cette industrie devra, dès 2013, acquérir la totalité de ses quotas aux enchères, enfin parce que cette activité est peu délocalisable. Par ailleurs, la France pourra, par ce biais, s'exercer à la pratique des ventes de quotas à titre onéreux qui auront cours à partir du 1 er janvier 2013. Le Gouvernement a lancé l'application de ces dispositions par le décret n° 2009-231 du 26 février 2009, qui réduit de 10 % la quantité de quotas alloués aux électriciens à titre gratuit. Cependant, la procédure est actuellement bloquée, faute d'accord de la Commission européenne qui y voit une remise en cause de la répartition définie par le PNAQ . Dans l'attente d'un accord, le secteur électrique n'a pu recevoir ses quotas. Il convient de sortir au plus vite de cette situation de blocage pénalisante pour les industriels concernés (existants ou nouveaux entrants). La Commission européenne devrait prendre acte de l'insuffisance manifeste de l'allocation aux nouveaux entrants et tirer les conséquences de sa responsabilité quand elle a approuvé le PNAQ en se montrant souple dans son jugement du nouveau mécanisme. Source : commission des finances |
* 95 Les quotas de cette période n'étant pas reportables vers la deuxième phase (2008-2012), la valeur de ces titres a alors plongé. Désormais, les quotas d'une période sont reportables sur la période suivante.