2. Seule une action vigoureuse sur les dépenses permettrait d'éviter une augmentation des prélèvements obligatoires
Dans le contexte de déficit précédemment décrit, et même si l'effondrement des recettes liées à la crise économique explique la moitié du déficit prévisionnel pour 2009, seule une action vigoureuse de maîtrise des dépenses pourrait permettre d'éviter une hausse globale des prélèvements obligatoires.
A cet égard, il convient de relever que la maîtrise des niches sociales , que votre rapporteur général a analysée à l'occasion d'un précédent rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution 80 ( * ) , constitue un enjeu réel : une assiette de plus de 46 milliards d'euros sera exemptée de prélèvements sociaux en 2009, représentant une perte de recettes de 9,4 milliards d'euros de cotisations équivalentes 81 ( * ) . A cela s'ajoutent les exonérations générales ou ciblées de cotisations sociales. Au total, le montant global des cotisations sociales non perçues du fait, soit des exonérations, soit des exemptions d'assiettes, représente un gisement de 42 milliards d'euros .
Cette question doit toutefois être abordée avec prudence, dès lors qu'une remise en cause de ces niches sociales se traduira mécaniquement par un accroissement des prélèvements obligatoires. En effet, comme votre rapporteur général l'avait indiqué dans son rapport précité, en dépit de leur montant, il paraît difficile de les remettre radicalement en cause en dehors d'une évolution globale de la structure des prélèvements obligatoires et, en particulier, du mode de financement de la protection sociale, sans que cela ne se traduise par des destructions d'emplois.
Comme votre commission des finances l'a déjà souligné, il convient donc de procéder à une analyse fine de l'efficacité de ces différents dispositifs pour pouvoir agir de manière adaptée. En tout état de cause, la remise en cause des niches sociales ne peut constituer l'unique voie de redressement des comptes sociaux : une maîtrise des dépenses doit également être recherchée.
Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a d'ailleurs évoqué, lors de son audition précitée devant votre commission des finances, la nécessité de réformer les retraites et de maîtriser davantage la croissance de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Il a ainsi estimé que cette progression pourrait être limitée à 3 %, contre une prévision de 3,3 % dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 82 ( * ) .
Cette maîtrise nécessaire implique des choix, que votre rapporteur général souhaite analyser plus en détail.
a) La dérive de la branche vieillesse nécessite des mesures de redressement
(1) Une dégradation continue des comptes depuis 2004
Concernant la situation de la branche vieillesse du régime général, on observe une dégradation continue des comptes depuis 2004, comme le montre le graphique qui suit.
Auditionnée par notre collègue Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, Mme Danièle Karniewicz, présidente de la CNAVTS, a indiqué que, selon les dernières projections disponibles, hors mesures nouvelles (tant en recettes qu'en dépenses), le déficit de la branche vieillesse pourrait atteindre 15 milliards d'euros en 2012, soit un déficit cumulé à cette date d'environ 50 milliards d'euros. Une telle situation n'est pas soutenable et nécessite des correctifs.
(2) La crise économique rend irréalisable le scénario envisagé en 2003
Il convient de rappeler que, lors de la réforme des retraites menée en 2003, un redéploiement des prélèvements obligatoires au sein de la sphère sociale avait été imaginé , une hausse des cotisations vieillesse devant être compensée par une baisse des cotisations chômage.
La crise économique actuelle rend ce scénario irréalisable . Ne souhaitant pas accroître les prélèvements obligatoires, le Gouvernement a ainsi décidé de reporter la hausse des cotisations vieillesse envisagée en 2009, ce qui se traduit par un manque à gagner pour la CNAVTS estimé à 1,8 milliard d'euros.
Si l'on peut admettre un report ponctuel de cette hausse, s'interdire toute réévaluation des cotisations vieillesse dès lors qu'elles ne pourraient pas être gagées par une baisse des cotisations chômage reviendrait à bouleverser le cadrage financier envisagé en 2003. En effet, selon les projections du Conseil d'orientation des retraites, les mesures adoptées lors de la réforme de 2003 devraient permettre de financer environ la moitié du déficit ex ante en 2020 et un peu plus du quart en 2050.
Source : maquette DREES, 2005, in Conseil d'orientation des retraites,
« Retraites : perspectives 2020 et 2050 », troisième rapport, mars 2006
Une augmentation des ressources de la branche vieillesse, telle que prévue lors de la réforme de 2003, est donc nécessaire, mais doit également s'accompagner de mesures de maîtrise des dépenses - tant de cette branche que des autres, pour permettre des redéploiements de recettes - afin d'éviter un accroissement des prélèvements obligatoires.
(3) Les économies sont nécessaires mais leur diffusion est plus lente que dans les autres branches
Le « rendez-vous » sur les retraites prévu en 2010 devra être l'occasion de réexaminer le cadrage financier de long terme des régimes de retraites ainsi que les possibilités de maîtrise des dépenses. Le rapport du Gouvernement préparatoire au présent débat d'orientation des finances publiques note que « toutes les pistes devront alors être examinées et débattues lors de ce rendez-vous entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Comme l'a souligné le Président de la République dans son intervention devant le Parlement réuni en Congrès: « 2010 sera un rendez-vous capital. Il faudra que tout soit mis sur la table: l'âge de la retraite, la durée de cotisation, la pénibilité. Toutes les options seront examinées ». Les décisions seront prises à la mi-2010 ».
En outre, il convient de rappeler que le Parlement a adopté, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, un amendement de notre collègue Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la branche vieillesse, demandant au Conseil d'orientation des retraites de la commission des affaires sociales (COR) de remettre un rapport sur les modalités techniques du passage du système de retraite actuel à un régime par répartition, soit par points (comme l'Agirc-Arrco aujourd'hui) soit par comptes notionnels (c'est-à-dire prenant en compte en outre l'espérance de vie au moment du choix de départ en retraite). Ce rapport doit être rendu d'ici février 2010.
A ce stade, votre rapporteur général souhaite mettre en évidence certains éléments.
D'une part, sauf à vouloir agir sur le niveau de pension des actuels retraités, les réformes des retraites sont porteuses d' effets « lents », dans la mesure où elles ne s'appliquent qu'aux flux de départs.
D'autre part, il convient de rappeler qu'un allongement de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein a été prévu dès la réforme des retraites de 2003 : elle devrait ainsi être portée à 164 trimestres (soit 41 ans) en 2012, puis à 166 trimestres (soit 41,5 ans) en 2020. Cette évolution est d'ores et déjà intégrée dans les projections d'évolution des comptes.
Dans ce contexte, réaliser des économies supplémentaires en jouant sur la durée d'assurance nécessite de la relever plus rapidement ou de l'accroître au-delà de 166 trimestres. En outre, cet allongement de la durée d'assurance emporte mécaniquement des effets sur l'évolution de l' âge moyen de départ à la retraite , à la lumière desquels il convient d'aborder le débat relatif à l'âge minimum de départ à la retraite. En effet, le COR estime que, compte tenu des entrées plus tardives dans la vie active, l'âge moyen de départ en retraite au régime général passerait de 60,7 ans en 2006 à 62,2 ans en 2020 et à 63,2 ans en 2050, soit un recul de deux ans et demi au cours de la période 2006-2050 83 ( * ) .
Dès lors, le relèvement de l'âge minimum de départ à la retraite ne doit pas constituer un sujet tabou. Des chiffrages ont, au demeurant, été réalisés dans le cadre des travaux du COR, qui montrent qu' un report à 61 ans en 2012 de l'âge minimum permettrait à la CNAVTS de réaliser 2,7 milliards d'euros à l'horizon 2020, tandis qu'un relèvement à 62 ans d'ici 2016 générerait 7 milliards d'euros d'économies à cette même date. Le tableau qui suit retrace ces simulations.
Note : le contexte retenu est celui d'une augmentation à 41,5 ans en 2020 de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein. L'augmentation de l'âge minimum de départ à la retraite s'effectue au rythme d'un trimestre par an.
Source : « Augmentation de l'âge minimum légal de départ en retraite », Note de synthèse du secrétariat général du Conseil d'orientation des retraites, (document de travail)
Ces économies pour la branche vieillesse ne correspondent toutefois pas à l'impact global pour les finances publiques . En effet, le relèvement de l'âge minimum légal de départ à la retraite entraînera très vraisemblablement une croissance du nombre de personnes sans emploi, qu'il est difficile de chiffrer. A cet égard, les effets d'une telle mesure sont indissociables de l'effort mené pour maintenir l'emploi des seniors. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a instauré plusieurs mesures en ce sens, dont il est trop tôt pour connaître les effets.
De même, le débat sur le relèvement de l'âge minimum légal de départ à la retraite doit prendre en compte la problématique de la pénibilité du travail et les situations objectives des travailleurs.
Le « rendez-vous » sur les retraites prévu en 2010 doit être l'occasion de passer en revue ces sujets et de donner de la visibilité et de la cohérence au financement à moyen et long termes du système de retraites, aujourd'hui en proie à une dérive insoutenable. D'autres sujets devraient également être abordés, comme les droits familiaux et conjugaux de retraites, qui ont fait l'objet d'analyses précises du COR dans son sixième rapport, mais qui devront être approfondies, compte tenu de la sensibilité du sujet, et intégrées aux réflexions d'ensemble sur l'évolution du système de retraites. Ainsi que votre rapporteur général l'a précédemment observé, ce « rendez-vous » devra également clarifier le rôle du Fonds de réserve pour les retraites .
* 80 Philippe Marini, « Le système fiscal français à l'épreuve de la crise », rapport d'information n° 75 (2008-2009).
* 81 Il s'agit des multiples dispositifs de participation financière et d'actionnariat salarié (4 milliards d'euros), ainsi que des plans de protection sociale complémentaire en entreprise (3,1 milliards d'euros), des aides directes aux salariés (1,7 milliard d'euros), tels que les titres restaurant et les chèques vacances, et du versement des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite (0,5 milliard d'euros).
* 82 L'article 8 de cette loi dispose en effet que de 2009 à 2012, « l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base évolue chaque année de 3,3 % en valeur, à périmètre constant ».
* 83 Source : « Maintien de la durée d'assurance à 40 ans », Note de synthèse du secrétariat général du Conseil d'orientation des retraites (document de travail).