TRAVAUX DE LA COMMISSION DES
FINANCES
(SYNTHÈSE DES TABLES RONDES DU 17 FÉVRIER 2010)
Au cours d'une réunion tenue le mercredi 17 février 2010, la commission a procédé à l'audition de MM. Hervé Bourrier, directeur général d'ArcelorMittal France, Xavier du Colombier, directeur des affaires européennes de Rhodia, Philippe Huet, directeur général adjoint d'EDF, Olivier Luneau, directeur « Développement durable et affaires publiques » de Lafarge et Bruno Bensasson, directeur de l'économie et des prix à la direction de la stratégie de GDF-Suez, au cours d'une première table ronde consacrée à la contribution carbone et à son application aux industries sous quotas.
M. Jean Arthuis , président, a indiqué que la première table ronde devait permettre à la commission de mesurer l'impact d'une contribution carbone sur l'industrie lourde française et sur sa compétitivité internationale, ainsi que de consulter les industriels sur la possibilité d'allouer, dès à présent, certains quotas de carbone à titre onéreux, au lieu et place de la création d'une fiscalité nouvelle. Tout d'abord, il a interrogé les intervenants sur leur analyse de la décision du Conseil constitutionnel relative à la contribution carbone.
M. Bruno Bensasson , directeur de l'économie et des prix à la direction de la stratégie de GDF-Suez, a considéré que les quotas incitent déjà les industriels à réduire leurs émissions.
M. Xavier du Colombier , directeur des affaires européennes de Rhodia, a souligné que le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE) conduit les industriels non seulement à limiter leurs émissions actuelles, mais également à anticiper le durcissement de la contrainte pesant sur les émissions, en consacrant dès aujourd'hui des investissements importants à la réduction des rejets de dioxyde de carbone. Les coûts d'anticipation de la phase III du SCEQE, au cours de laquelle les quotas seront mis aux enchères, sont donc, en soi, une sorte de taxe pour les entreprises.
M. Philippe Huet , directeur général adjoint d'EDF, a souscrit à cette analyse. Les concepteurs du SCEQE avaient clairement à l'esprit que cet instrument devait être introduit progressivement, pour tenir compte des effets différés des décisions d'investissement des entreprises. Il a rappelé que l'objectif initial de la contribution carbone était bel et bien de compléter le système des quotas, et non de s'y superposer.
M. Olivier Luneau , directeur « Développement durable et affaires publiques » de Lafarge, a fait valoir que la contrainte carbone à laquelle sont soumis les industriels se manifeste dans le prix de la tonne de CO 2 sur le marché. Lafarge a déjà diminué de 15 % les émissions de ses sites français, au prix d'investissements importants, notamment en matière de recherche et développement.
M. Hervé Bourrier , directeur général d'ArcelorMittal France, a rappelé que le SCEQE impose une contrainte réelle sur l'industrie, appelée à se renforcer au cours de la phase III. La sidérurgie a réduit ses émissions de 20 % depuis la création du SCEQE en 2005, et il est peu vraisemblable que l'ajout d'une fiscalité nationale sur le carbone ait un impact significatif sur la trajectoire de réduction de ces émissions.
M. Jean Arthuis , président, a interrogé les intervenants sur l'usage qu'ils font de leurs quotas excédentaires.
M. Philippe Huet a indiqué qu'EDF est déjà « court », c'est-à-dire que les quotas qui lui sont alloués sont insuffisants pour couvrir ses émissions. EDF achète donc chaque année 2 millions de tonnes de CO 2 sur le marché et a lancé un plan d'investissements massifs, afin de remplacer les centrales au charbon ou au fioul par des cycles combinés à gaz ou des centrales hydrauliques. La contrainte carbone est donc avérée et dicte les décisions d'investissement d'EDF.
M. Xavier du Colombier a rappelé que les installations n'ayant pas restitué leurs quotas de carbone sont passibles d'une pénalité de 100 euros par quota manquant. L'allocation des quotas à titre gratuit n'est donc pas assimilable à une absence de contrainte économique.
Mme Fabienne Keller , présidente du groupe de travail sur la fiscalité environnementale, a interrogé les intervenants sur leur appréciation du fonctionnement actuel du marché des quotas et sur la possibilité d'allouer dès à présent des quotas à titre onéreux, plutôt que d'élargir l'assiette de la contribution carbone aux industries relevant du SCEQE.
M. Bruno Bensasson a jugé que le SCEQE fonctionne bien, mais que les industriels ont besoin de plus de visibilité sur la contrainte carbone qui leur sera appliquée à long terme. Allouer des quotas à titre onéreux sans attendre le début de la phase III, en 2013, apparaît comme une solution très intéressante. Elle est de loin la plus simple de toutes les options présentées, sans préjudice d'éventuels mécanismes de compensation qui restent à définir.
M. Hervé Bourrier a rappelé qu'ArcelorMittal réduit continûment ses émissions depuis 1975. De ce point de vue, le SCEQE a l'avantage d'être progressif et prévisible. Changer les règles en cours de route, en rendant les quotas payants, nuit à cette prévisibilité. Une solution idéale consisterait à renoncer à la taxe carbone et à conserver le système européen des quotas dans son format actuel.
M. Philippe Marini , rapporteur général, a considéré que cette dernière hypothèse n'est guère compatible avec l'alternative posée par le Conseil constitutionnel. Il s'est ensuite interrogé sur les modalités de valorisation des quotas de carbone dans les comptes des entreprises.
M. Hervé Bourrier a rappelé que les quotas n'ont de valeur que lorsqu'on les vend. Or ArcelorMittal préfère reporter ses quotas excédentaires plutôt que de les céder. D'autre part, valoriser les quotas est un exercice complexe, car il est extrêmement difficile de mesurer ce que sera la contrainte carbone effective qui pèsera sur l'industrie à long terme. Enfin, ArcelorMittal n'est pas certain de disposer de quotas excédentaires au cours de la troisième période. Si tel était le cas, l'entreprise réfléchirait à utiliser ces quotas pour financer des mesures d'efficacité énergétique.
A la demande de M. Jean Arthuis , président, M. Hervé Bourrier a précisé que 95 % des émissions sont liées à la production de fonte, largement localisée en France. Une contrainte supplémentaire imposée aux sites français conduirait ArcelorMittal à privilégier d'autres sites européens, et notamment ceux d'Allemagne, où la pression fiscale serait moins forte.
M. Philippe Huet a ajouté que, en Allemagne, la mise aux enchères des quotas a essentiellement intéressé le secteur électrique.
M. Xavier du Colombier a considéré que l'approche par le marché de quotas est préférable, pour les gros émetteurs, à l'approche fiscale, car elle garantit un traitement plus équitable. Le SCEQE est toutefois perfectible, et l'attribution des quotas à l'issue de négociations menées dans chaque Etat membre a pu susciter certaines distorsions ou sur-allocations de quotas. Il y sera remédié en phase III, car les quotas seront octroyés selon une approche par secteurs d'activité.
En deuxième lieu, la valorisation des quotas est délicate, car le prix du CO 2 dépendra de l'évolution du marché européen et mondial, dont l'expérience enseigne qu'il peut connaître des variations de cours importantes.
La proposition formulée par la commission des finances sur l'allocation des quotas à titre onéreux présente un certain intérêt, à condition qu'elle minimise la « double peine » que serait la superposition des quotas et d'une taxe carbone. Un de ses avantages est qu'elle garantit aux industriels que cette nouvelle contrainte ne se perpétuera pas au-delà de 2013, ce qui n'est pas le cas d'une taxe. Il convient toutefois de préciser le niveau de prix qui sera proposé aux industriels, les compensations qui leur seront offertes, l'éventuel maintien des exemptions prévues par le droit communautaire et l'articulation de ce mécanisme avec les entreprises ayant eu recours aux mécanismes de développement propre prévus par le Protocole de Kyoto.
M. Philippe Huet a rappelé que la situation des électriciens est particulière, puisqu'ils paieront 100 % de leurs quotas dès 2013. Compte tenu des caractéristiques du marché électrique, toute surcharge fiscale aura un effet pénalisant pour la production domestique. La proposition de la commission des finances a le mérite d'être compatible avec le SCEQE et les mécanismes issus du Protocole de Kyoto. Mais le signal-prix doit également être adressé au consommateur d'électricité. Or, EDF ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour répercuter ce signal-prix, en raison de l'existence de tarifs réglementés.
M. Olivier Luneau a considéré que l'achat anticipé de quotas viendra en déduction des investissements consentis pour anticiper la phase III du marché du carbone. Il ne réduira donc pas les émissions à court terme.
A M. Philippe Marini , rapporteur général, qui interrogeait les intervenants sur les gains associés à la réforme de la taxe professionnelle pour leur groupe, M. Olivier Luneau a indiqué ne pas disposer d'éléments sur cette question.
M. Hervé Bourrier a estimé que la vente des quotas se traduira par un impact de plusieurs dizaines de millions d'euros pour ArcelorMittal. L'entreprise préfèrerait que la contribution carbone ne frappe que les émissions de carbone de combustion, à un taux réduit, et non les émissions liées aux procédés industriels eux-mêmes, largement incompressibles.
M. Bruno Bensasson a indiqué qu'une taxe carbone à taux plein représenterait un coût de 260 millions d'euros pour GDF-Suez, alors que la suppression de la taxe professionnelle se solderait par une variation de la pression fiscale de plus ou moins 5 millions d'euros. GDF-Suez plaide, par ailleurs, pour une exonération des réseaux de chaleur, selon la même logique environnementale qui a conduit à exonérer les transports collectifs de voyageurs, peu émetteurs de CO 2 par individu. Enfin, il a ajouté que la solution préconisée par la commission des finances permet d'éviter certaines différences de traitement entre réseaux de chaleur, selon qu'ils seront exploités par des entreprises considérées ou non comme exposées à la concurrence internationale.
M. Philippe Marini , rapporteur général, a admis que le cas des réseaux de chauffage urbain n'a pas fait l'objet d'un traitement adéquat dans la précédente version de la contribution carbone.
M. Xavier du Colombier a considéré que le débat actuel sur les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel doit prendre en compte les enjeux de compétitivité et ne pas se limiter à une optique purement nationale. Par ailleurs, les réflexions en cours doivent tenir compte de la révision à venir de la directive communautaire sur les accises énergétiques, qui pourrait conduire à harmoniser la fiscalité sur les émissions diffuses de CO 2 . Le nouveau commissaire à la fiscalité et à l'union douanière en a fait une priorité et la future présidence belge de l'Union européenne pourrait l'inscrire à son agenda.
M. Olivier Luneau a souscrit à cette analyse, et souhaité que le mécanisme d'assujettissement à venir ne néglige pas les mesures à caractère incitatif. Les entreprises qui investiraient dans la réduction des émissions pourraient ainsi bénéficier d'une fiscalité neutre.
M. Jean Arthuis , président, et M. Philippe Marini , rapporteur général, ont insisté sur la nécessité de valoriser les quotas selon une méthode fiable, puis ont invité les participants à exprimer leur point de vue sur le fonctionnement et la régulation du marché des quotas.
M. Olivier Luneau a indiqué adhérer aux propositions de la commission Charpin, consistant notamment à procéder à des enchères fréquentes et à limiter l'accès au marché primaire aux seules entreprises soumises aux quotas ou à leurs opérateurs. Bien que des produits dérivés existent et que les ventes ou achats à terme soient possibles sur ce marché, Lafarge n'y intervient qu'au comptant.
M. Bruno Bensasson a indiqué que GDF-Suez procède à des achats et ventes à un horizon compris entre trois à cinq ans. Son principal souci est de pouvoir valoriser le CO 2 à long terme. Or, restreindre l'accès au marché primaire n'est pas forcément le meilleur moyen d'en assurer la liquidité.
M. Philippe Huet a souscrit à l'analyse du rapporteur général, suggérant d'édicter des normes sur le fonctionnement du marché. Les industriels sont aujourd'hui confrontés à une absence de visibilité à long terme, et ignorent ce qu'il adviendra du marché et du prix du carbone au-delà de 2020, ce qui constitue un horizon trop court pour certaines décisions d'investissement. Enfin, il a souhaité que la production d'électricité fasse l'objet d'un traitement équitable par rapport à celui des autres producteurs d'énergie.
M. Xavier du Colombier a salué la qualité des conclusions de la commission Charpin, qui devraient notablement influencer les travaux de la Commission européenne. Une question demeure en suspens, concernant l'opportunité d'une plate-forme unique de mise aux enchères.
M. Philippe Marini , rapporteur général, a jugé que la plate-forme unique est une question technique, et relativement secondaire par rapport à celle de la définition du marché et de l'édiction des normes présidant à sa régulation.
Enfin, M. Jean Arthuis , président, s'est interrogé sur l'opportunité d'attribuer le produit des enchères au budget communautaire, avant de remercier l'ensemble des participants pour leurs précieux éclairages.
***
La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, président du groupe de travail sur les modalités de vente et de mise aux enchères des quotas de CO 2 en France, Serge Harry, président de Bluenext SA et Christian de Perthuis, professeur associé à Paris-Dauphine, directeur du Programme de recherche en économie du climat (PREC), au cours d'une deuxième table ronde consacrée à la contribution carbone et à son application aux industries sous quotas.
Après que M. Jean Arthuis , président, eut souligné l'intérêt de l'éclairage que pourraient apporter les personnes auditionnées, notamment sur l'articulation d'une taxe carbone avec le système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE), M. Philippe Marini , rapporteur général, a souhaité que les intervenants précisent, en premier lieu, la nature exacte des quotas.
M. Jean-Michel Charpin , inspecteur général des finances, président du groupe de travail sur les modalités de vente et de mise aux enchères des quotas de CO 2 en France, a indiqué que les quotas sont définis au sein de la section 2 du chapitre IX du titre II du livre II du code de l'environnement. Il s'agit d'une unité de compte représentative du droit d'émettre l'équivalent d'une tonne de dioxyde de carbone (CO 2 ). Cette définition physique tend à les rapprocher des matières premières. Néanmoins, la question du type de régulation qui devrait leur être appliqué reste ouverte et apparaît complexe : dans le cadre de la mission que lui a confiée Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, M. Michel Prada devra déterminer s'il vaut mieux les considérer comme des matières premières ou comme des produits financiers. De cette définition découlera l'identité du régulateur des marchés de quotas.
Puis, après avoir rappelé que l'Union européenne a mis en place le SCEQE par la directive 2003/87/CE du 13 octobre 2003 dans une optique de régulation des émissions de gaz à effet de serre par la quantité pour les principaux sites industriels européens, il s'est étonné de ce que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2009-599 DC sur la loi de finances pour 2010, semble considérer que les quotas n'ont pas de prix du fait de la gratuité de leur allocation primaire par les Etats aux installations concernées. Or, les quotas ont un prix, ce que reflète leur valeur de marché. De plus, ils créent un effet incitatif à la baisse des émissions, de même nature qu'une régulation par les prix que constituerait l'instauration d'une « taxe carbone ».
M. Philippe Marini , rapporteur général, a observé que la décision administrative d'allouer des quotas aboutit à la création d'une valeur patrimoniale pour les industriels, M. Jean Arthuis , président, relevant que ses actifs carbone figurent au bilan de l'Etat.
M. Jean-Michel Charpin a indiqué que la comptabilisation des quotas est à l'étude mais n'apparaît pas problématique. Mme Fabienne Keller a insisté sur la nécessité que les normes comptables correspondantes soient établies au niveau européen.
Ensuite, M. Philippe Marini , rapporteur général, a souhaité évoquer les principes de régulation des marchés d'échanges de quotas.
M. Jean-Michel Charpin a déclaré que les travaux du groupe de travail qu'il a présidé en 2009 ont permis de dégager de nombreuses propositions, souvent adoptées à l'unanimité, qui ont été portées à la connaissance de la Commission européenne dans l'optique de la définition des modalités de mise aux enchères des quotas à compter de 2013. En revanche, nulle conclusion n'a pu être adoptée sur les questions épineuses de la régulation et de la qualification même des quotas. Tel est le sens de la mission confiée à M. Michel Prada.
M. Serge Harry , président de Bluenext SA, a indiqué qu'il existe un consensus pour réguler le marché au comptant des quotas, les produits dérivés desdits quotas étant, par ailleurs, déjà définis comme des produits financiers et régulés comme tels. De même, tout le monde considère que ce marché devrait dépendre d'un unique régulateur. Les conclusions auxquelles M. Michel Prada aboutira à l'issue de sa mission pourraient constituer une base solide afin de faire avancer la réflexion sur ce sujet au niveau communautaire.
Puis, en réponse à M. Jean Arthuis , président, M. Christian de Perthuis , professeur associé à Paris-Dauphine, directeur du Programme de recherche en économie du climat (PREC), a souligné que le marché des quotas a, par nature, une dimension européenne, les quotas étant utilisables et échangeables d'un pays à l'autre. A cet égard, une des difficultés que provoquerait l'instauration d'une « taxe carbone » venant s'ajouter aux quotas pour les installations industrielles relevant du SCEQE serait précisément l'articulation entre un instrument de marché, régi par des règles communautaires, et une taxe purement nationale. Une telle superposition, source de grande complexité, n'apporte aucun bénéfice environnemental supplémentaire, l'éventuelle baisse des émissions en France engendrée par un surcoût uniquement français devant certainement être compensée par une augmentation des émissions dans d'autres pays européens. D'ailleurs, les expériences des quelques pays qui ont instauré une « taxe carbone » montrent que seules l'exonération totale ou l'application de taux très réduits aux entreprises soumises au SCEQE se sont révélées concluantes.
Puis, revenant sur des propos précédents de MM. Jean Arthuis, président, et Philippe Marini, rapporteur général, il a déclaré que le système des quotas d'émission peut s'assimiler à la création de biens ayant une valeur, représentative d'une « rente de rareté ». Dans le schéma actuel d'allocation gratuite des quotas d'émission par l'Etat aux industriels, cette rente leur est rétrocédée, selon un principe similaire à celui de la compensation de la « taxe carbone » pour les ménages. En revanche, au travers de la mise aux enchères des quotas, à compter de 2013, la puissance publique récupérera en partie la « rente de rareté ».
M. Jean Arthuis , président, a relevé que la Cour des comptes a valorisé, pour la première fois, les quotas d'émission de la France dans son rapport sur les comptes de l'Etat en 2008, à 8,2 milliards d'euros en valeur nette.
M. Jean-Michel Charpin , revenant sur la question de la superposition d'une taxe carbone et des quotas pour les entreprises relevant du SCEQE, a exprimé sa vive inquiétude. Un tel mécanisme constituerait une régression en termes d'optimalité économique. Non seulement il n'abaisserait pas le niveau global des émissions, déjà plafonné en Europe par le système des quotas, mais il modifierait le « prix du carbone » pour les seuls sites français par rapport à leurs concurrents européens.
M. Jean Arthuis , président, et M. Philippe Marini , rapporteur général, ont ensuite souhaité revenir sur la question de la régulation du marché des quotas d'émission.
M. Serge Harry a observé que la situation n'est pas la même dans les différents pays européens. La Commission européenne s'est récemment saisie du sujet. C'est dans cette perspective que le rapport français, qui sera issu des travaux de M. Michel Prada, pourrait se révéler très utile. En réponse à M. Philippe Marini , rapporteur général, il a indiqué que, a priori, les régulateurs du marché devraient être nationaux.
M. Jean-Michel Charpin a de nouveau souligné l'importance de la mission confiée à M. Michel Prada. Certes, la France ne pourrait décider seule de donner une définition aux quotas et de les réguler en conséquence, sans harmonisation communautaire. Toutefois, le futur rapport pourrait avoir un effet d'entraînement sur les partenaires de la France et sur la Commission européenne, tout comme le rapport français de juillet 2009 sur les modalités de la mise aux enchères des quotas a pu guider la réflexion sur ce sujet au niveau communautaire.
M. Christian de Perthuis a observé que les marchés de quotas présentent deux caractéristiques propres : d'une part, la plupart des intervenants sont contraints d'être présents sur ce marché, étant tenus de restituer des quotas sous peine d'amende, et, d'autre part, la part des échanges effectués sur des plates-formes organisées est importante, représentant plus de la moitié de ces échanges en 2008.
En réponse à M. Philippe Marini , rapporteur général, M. Serge Harry a déclaré que BlueNext, qui est une entreprise de marché, est régulée par l'Autorité des marchés financiers (AMF), par le Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI) et par la Commission bancaire. En revanche, le marché des quotas au comptant n'est pas, en soi, régulé, mais BlueNext a édicté, pour ses membres, seuls habilités à négocier sur sa plate-forme, des règles proches de celles définies par la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers (MIF). En outre, les participants au marché ne subissent pas de risque de contrepartie, BlueNext jouant un rôle d'interface et vérifiant, avant la réalisation de la transaction, que les participants disposent bien de la quantité de quotas et de la somme requises pour le bon dénouement de l'opération. Répondant à une interrogation de Mme Fabienne Keller , il a ajouté que, dans un système, les appels de marges sont inutiles pour sécuriser les acteurs.
Mme Fabienne Keller s'est interrogée sur la nature « réelle » des quotas d'emission, qui ne sont ni des matières premières ni des produits financiers.
M. Jean-Michel Charpin a indiqué qu'une définition ad hoc a été envisagée par les experts, mais qu'une telle définition présenterait le grand inconvénient de faire perdre toute l'expérience acquise en matière de régulation, par exemple pour les produits financiers.
Mme Fabienne Keller a relevé que, la régulation financière n'ayant pas empêché la crise de 2008, une régulation renforcée pourrait être envisagée s'agissant du marché des quotas. Cependant, la direction générale de l'environnement de la Commission européenne, en charge de ce dossier, ne paraît pas avoir de véritable « culture de marché ».
M. Christian de Perthuis a déclaré avoir récemment présenté le fonctionnement des marchés du carbone à la nouvelle administration européenne. La direction générale en charge du changement climatique est tout à fait consciente de l'importance du marché du carbone et de sa régulation, mais d'autres directions générales de la Commission européenne doivent se l'approprier.
Puis, en réponse à M. Jean Arthuis , président, il a indiqué avoir milité, par le passé, pour que le système des quotas trouve à s'appliquer aux rejets de nitrates par l'agriculture, mais qu'un tel schéma se heurte à de grandes difficultés de mesure des rejets. En revanche, il pourrait être envisagé de valoriser les projets de réductions des rejets de nitrates sous forme de « crédits carbone ».
En conclusion, M. Jean Arthuis , président, a souhaité connaître le sentiment des intervenants quant à l'hypothèse d'un maintien de l'exonération de « taxe carbone » des installations industrielles relevant du SCEQE, moyennant la délivrance à titre onéreux d'une fraction de leurs quotas de la période 2008-2012.
M. Jean-Michel Charpin , après avoir indiqué « ne pas maîtriser la logique du Conseil constitutionnel », a souligné qu'il conviendrait de convaincre la Commission européenne du bien-fondé de cette modification du plan national d'allocation des quotas (PNAQ) 2008-2012, les expériences passées montrant la difficulté de cette tâche.
Mme Fabienne Keller a souligné le fait que la solution envisagée par la commission des finances du Sénat ne consiste pas à modifier les quantités de quotas allouées aux installations, à l'inverse des précédentes tentatives de modification du PNAQ.
A l'issue de ces tables rondes, la commission a autorisé la publication d'un rapport d'information de Mme Fabienne Keller sur la contribution carbone et son articulation avec le marché européen des quotas de CO 2 .