2. Des compensations et dérogations nombreuses

A l'initiative du Gouvernement et du Parlement, l'adoption de la contribution carbone s'est accompagnée de mesures dérogatoires en faveur des ménages et de certains secteurs économiques. Pour ces derniers, les atténuations adoptées étaient essentiellement motivées par le souci de préserver la compétitivité économique des activités considérées.

a) Le remboursement forfaitaire octroyé aux ménages

La première des mesures de compensation prévues concernait les ménages , dont il était entendu que le montant de la contribution carbone devait leur être rétrocédé 10 ( * ) . Cette rétrocession prenait la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu d'un montant forfaitaire de 46 euros, et modulé :

1) en fonction de la composition du foyer fiscal , les couples soumis à imposition commune bénéficiant d'un crédit d'impôt doublé et majoré de 10 euros par personne à charge ;

2) en fonction du milieu de vie - rural ou urbain - du contribuable. Ce distinguo était opéré sur le fondement de l'intégration ou non du domicile du contribuable dans un périmètre de transports urbains (PTU), tel que défini à l'article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs 11 ( * ) . Les contribuables domiciliés hors-PTU étaient donc réputés vivre en zone rurale et bénéficiaient, à ce titre, d'un crédit d'impôt majoré, d'un montant total de 61 euros .

Exemples de montant du crédit d'impôt

Cas

Milieu urbain (PTU)

Milieu rural (Hors PTU)

Célibataire sans enfant

46 euros

61 euros

Couple sans enfant

92 euros

122 euros

Couple avec trois enfants

122 euros

152 euros

Source : rapport général de M. Philippe Marini sur le projet de loi de finances pour 2010, tome II, fascicule 1, volume 1 (n° 101, 2009-2010).

Le coût budgétaire du dispositif était estimé à 2,65 milliards d'euros en 2010, soit le produit de la contribution carbone acquitté par les ménages.

b) Le traitement des industries sous quotas

Aux termes du texte définitivement adopté par le Parlement, les installations soumises au système communautaire d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE ou ETS) étaient totalement exonérées de contribution carbone . En effet, la contribution carbone était conçue comme un instrument économique d'effet équivalent aux quotas, mais spécifiquement adapté aux émissions diffuses, pour lesquelles, en raison du très grand nombre d'agents concernés, le recours au marché de permis aurait suscité des coûts de gestion et de transaction exorbitants ( cf. infra ).

En conséquence, et dans la perspective d'une allocation payante des quotas d'émissions à l'horizon 2013, le législateur n'avait pas jugé opportun de superposer taxe carbone et marché de quotas, sauf à vouloir imposer à l'industrie française sous quotas une double taxation préjudiciable à sa compétitivité.

Etaient également exonérés de contribution carbone les produits destinés à être utilisés :

1) par de petites installations faisant l'objet de mesures équivalentes . En effet, peuvent être exclues du SCEQE les installations ayant déclaré des émissions inférieures à 25.000 tonnes équivalent-CO 2 et qui, lorsqu'elles ont des activités de combustion, ont une puissance calorifique de combustion inférieure à 35 mégawatts. Ces dispositions permettent aux installations concernées, appartenant majoritairement aux secteurs de la production de papier, de céramique, de tuiles ou de briques , de sortir du mécanisme des quotas en faisant la démonstration qu'elles sont soumises à des mesures leur permettant d'atteindre des réductions d'émissions équivalentes 12 ( * ) ;

2) par des entreprises intensives en énergie 13 ( * ) . Il s'agit, concrètement, des industries chimiques dont les procédés ne sont pas placés hors champ de la directive, mais qui seront intégrées dans le système communautaire à compter de 2013 . L'exonération de contribution carbone ne faisait, pour ces produits, qu'anticiper l'exonération dont ces entreprises auraient pu bénéficier à compter de 2013, afin de ne pas pénaliser ce secteur.

Votre rapporteur spécial observe que le choix d'un traitement spécifique des industries sous quotas a été retenu par plusieurs Etats membres de l'Union européenne. Ainsi que l'a souligné M. Christian de Perthuis au cours des tables rondes du 17 février 2010 ( cf . annexe), « on trouve en Europe quatre pays qui ont une expérience en matière de coexistence d'une taxe nationale sur le carbone avec le marché des quotas. Le Royaume-Uni a échoué sur ce sujet, du fait de la complexité du système mis en place et a retiré sa taxe nationale. Les systèmes fiscaux compliqués ne sont compris ni par les entreprises auxquelles ils s'appliquent, ni par ceux qui sont censés les faire fonctionner.

« L'Irlande a projeté la mise en place d'une taxe de 15 euros la tonne sur le carbone domestique en 2010. Cette taxe couvre les émissions d'origine énergétique, hors marché des quotas, et l'agriculture est exonérée (...). Le choix d'exonérer les entreprises sous quotas a donc été fait, et ce système fonctionne depuis le 1 er janvier.

« La Suède et la Norvège possédaient une taxe carbone avant d'entrer dans le système des quotas, le Danemark, quant à lui, étant à rapprocher du Royaume-Uni. La Suède a dû adapter sa taxe carbone au fonctionnement du marché des quotas ; elle a exonéré ou très fortement réduit la taxe frappant les entreprises sous quotas. La Norvège a couplé un système de paiement de la taxe avec des quotas, mais a négocié le fait de pouvoir mettre plus de quotas aux enchères plus tôt que les autres. »

* 10 Sur les motivations économiques de cette rétrocession, et notamment sur l'impact antiredistributif de la taxe carbone, voir le rapport de Mme Fabienne Keller « En attendant la taxe carbone, enjeux et outils de la réduction des émissions de CO 2 » (n° 543, 2008-2009).

* 11 Cet article désigne le PTU comme la zone qui « comprend le territoire d'une commune ou le ressort territorial d'un établissement public ayant reçu mission d'organiser les transports publics de personnes » ou qui comprend « le territoire de plusieurs communes adjacentes ayant décidé d'organiser en commun un service de transports publics de personnes ».

* 12 Cette disposition n'a, à ce stade, jamais été appliquée en France.

* 13 Soit par des entreprises dont les achats de produits énergétiques et d'électricité atteignent au moins 3 % de la valeur de la production pour les installations mentionnées au premier alinéa du 2 de l'article 9 bis de la directive n°2003/87/CE modifiée. Il en va de même lorsque, pour ces entreprises, le montant total des taxes intérieures de consommation dues sur les produits énergétiques et l'électricité qu'elles utilisent dans ces installations est d'au moins 0,5 % de la valeur ajoutée.

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