D. UNE DETTE PUBLIQUE DONT LA PENTE D'AUGMENTATION S'APLATIT
ÉVOLUTION DE LA DETTE PUBLIQUE À MOYEN TERME
(en points de PIB)
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
77,1 |
84,0 |
87,6 |
90,0 |
91,3 |
Source : PLF 2010
La dette publique augmenterait de 7,3 points de PIB entre 2010 et 2013 (près de plus de 30 points de PIB par rapport à 2007).
La dette publique a augmenté de 3,6 points de PIB en 2008, essentiellement sous l'effet des politiques de refinancement mises en place à la suite de la crise financière 76 ( * ) .
Les augmentations ultérieures - 10 points de PIB en 2009 ; 7 points de PIB en 2010 - proviennent, elles, de la combinaison de la hausse des déficits publics et de la dégradation de la croissance nominale 77 ( * ) .
Les contributions à l'augmentation de la dette publique pour les années 2008 à 2010 peuvent être synthétisées comme suit :
DÉCOMPOSITION DE LA VARIATION DE LA DETTE PUBLIQUE
(en points de PIB)
Note de lecture : la courbe, lue sur l'échelle de droite, décrit l'augmentation du niveau de la dette publique dans le PIB sous l'effet des besoins de financement annuels cumulés (voir l'échelle de gauche).
Sources : MINEFE, calculs OFCE pour la délégation sénatoriale à la prospective
Après avoir exercé un rôle prépondérant en 2008, les mesures prises pour rétablir le secteur bancaire s'effacent progressivement 78 ( * ) . Le graphique traduit l'influence de la dégradation de l'activité économique sur la dette publique, les mesures du plan de relance n'ayant joué que peu, au total, sur son augmentation.
Au-delà, la dette publique poursuivrait sa progression mais sur un rythme très ralenti du fait de la combinaison de poursuite de la réduction du déficit public et de l'augmentation de la croissance.
E. UNE CONFIGURATION ÉCONOMIQUE FAVORABLE À LA MAÎTRISE DE LA DETTE PUBLIQUE
Outre la rupture de tendance dans la croissance des dépenses publiques, qui devrait être encore accentuée si les coûts de la dette publique devaient se tendre, le scénario d'ajustement budgétaire suppose une croissance spontanée du PIB marchand assez nettement supérieure aux performances habituelles (et a fortiori récentes) de l'économie française.
Sous l'hypothèse d'un effet multiplicateur de la politique budgétaire de 1 à court terme, la croissance économique spontanée devrait s'élever à 3,6 % l'an pour disposer de la croissance effective qui sert de sous-jacent au scénario des finances publiques.
L'OFCE estime que « cette configuration pour volontariste qu'elle apparaisse n'est cependant pas inatteignable, la France ayant déjà connu au cours des 30 dernières années deux périodes (1987-89 et 1998-2000) pendant lesquelles la croissance de l'économie (corrigée des politiques budgétaires) a crû à un rythme moyen de 3,5 -3,6 % par an en moyenne pendant trois ans » .
CROISSANCE SPONTANÉE ET EFFECTIVE SUR LA PÉRIODE 1983-2013
(en %, en volume)
Sources : Calculs OFCE
Il reste que le nombre de ces épisodes est assez faible et que la seule période d'ajustement budgétaire prolongée relativement indolore économiquement - la période de préparation à l'adoption de l'euro - s'est accompagnée de modifications du contexte économique qui ont favorisé cette relative innocuité.
On souligne à ce propos que le maintien d'une politique monétaire accommodante capable d'ancrer les comportements des marchés financiers et de crédit dans le sens de taux d'intérêt durablement favorables à la croissance semble être une clef de succès des ajustements budgétaires. Ceux-ci sont aussi tributaires du contexte économique international, la hausse de la demande adressée par l'extérieur aux pays ayant entrepris des ajustements budgétaires offrant un relais de croissance économique.
La question est aujourd'hui de savoir si ces « modalités facilitantes » sont ou seront réunies ou non .
Cette question vaut pour le moyen terme mais aussi pour le court terme puisque la trajectoire des finances publiques suppose une sortie de crise forte et rapide.
Sur la politique monétaire, qui ne paraît pas pouvoir être plus accommodante qu'aujourd'hui, sous peine d'inefficacité d'ailleurs 79 ( * ) , les conditions monétaires pourraient s'améliorer avec toutefois des incidences ambiguës.
L'amélioration viendrait d'une « normalisation » des conditions d'octroi de crédit. Son éventualité se heurte toutefois à la situation financière des agents privés (entreprises et ménages) et à une réticence à emprunter dans une période de forte incertitude sur le potentiel de croissance. Sans amélioration des anticipations, les perspectives offertes par le desserrement des conditions de crédit seront sans effets significatifs .
Par ailleurs, à supposer que la demande de financement reparte du côté des agents privés, le risque existe que, de ce fait, les conditions imposées aux emprunteurs publics se tendent. Dans cette hypothèse, les ajustements budgétaires à entreprendre pour maîtriser la dette publique deviendraient plus « exigeants ». On ne peut en outre exclure une montée des tensions sur les marchés souverains de certains pays, y compris en Europe, dont les répercussions sur les autres pays de la zone euro pourraient être, à leur tour, une source de déstabilisation financière.
Sur le second point, les difficultés paraissent plus grandes encore. Elles viennent de ce que l'ensemble des pays développés a connu une récession, c'est-à-dire qu'ils ont convergé vers le bas. En outre, à peu près également partout, une dégradation des comptes publics est intervenue. Autrement dit, l'ensemble de ces pays doit rebondir tout en étant confronté au même problème d'assainissement budgétaire.
Dans une telle situation, on peut a priori craindre que l'ensemble des Etats adoptent simultanément des politiques restrictives qui entraîneraient chacun dans la déflation et dans une course sans fin à l'ajustement budgétaire. Toutefois, les enseignements de la théorie des jeux apportent ici un certain réconfort. A supposer que tous les pays partagent l'idée que des ajustements budgétaires de forte ampleur exerceraient des effets dépressifs qui ne « profiteraient » qu'aux autres, la théorie montre qu'aucun pays ne risque de céder à la tentation d'en faire trop. Mais, il est possible que tous les pays n'adoptent pas ce point de vue. Les annonces faites par certains pays européens (Pays-Bas, Allemagne notamment) laissent présager un durcissement de la politique budgétaire vers lequel la France s'oriente elle-même, mais avec une louable retenue 80 ( * ) .
* 76 Voir en annexe la présentation détaillée des mesures par l'OFCE.
* 77 La reprise prévue en 2010 n'est pas assez forte pour compenser l'effet de hausse de la dette publique provenant du déficit public.
* 78 Ici des mesures ne sont prises que sous leurs effets sur la dette publique brute, conformément aux conventions du pacte de stabilité et de croissance. Un bilan plus complet devrait faire apparaître les actifs constitués en contrepartie de cette dette.
* 79 En deçà d'un certain niveau de taux d'intérêt s'ouvre une « trappe à liquidités » qui stérilise les fonds prêtables.
* 80 Toutefois, si l'on en croit son programme de stabilité, cette retenue tend à céder devant les « exigences » formulées dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance. D'ailleurs, au total, les prévisions budgétaires en Europe impliquent dès 2010 un début d'ajustement structurel même si le solde public devrait continuer à se creuser sous l'effet de la conjoncture.