V. L'AVENIR DU CONSEIL DE L'EUROPE EN DÉBAT
A. ELECTION DU PRÉSIDENT DE L'ASSSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L'EUROPE
Le mandat du président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe est d'une durée de deux ans. Elu en 2008, M. Lluís Maria de Puig (Espagne - SOC) a été remplacé par M. Mevlüt Çavasoglu (Turquie - GDE) au début de la présente partie de session, respectant ainsi la convention établie entre les groupes politiques prévoyant une rotation à la tête de l'Assemblée. C'est la première fois qu'un ressortissant turc accède à la présidence de l'Assemblée parlementaire, alors que la Turquie est membre du Conseil de l'Europe depuis 1949.
Président de la délégation turque depuis 2007, M. Çavasoglu, membre fondateur de l'AKP, a exercé de nombreuses responsabilités au sein de l'Assemblée : président de la commission des migrations, des réfugiés et des populations entre 2006 et 2008, président des sous-commissions des migrations (2007-2010) et du développement du tourisme (commission des questions économiques et du développement 2004-2006), il exerçait les fonctions de vice-président de l'Assemblée depuis 2007.
Au cours de sa première intervention en tant que Président de l'Assemblée, M. Çavasoglu a rappelé la pertinence des travaux du Conseil de l'Europe à l'heure où les crises économiques, l'intensification des flux migratoires comme les défis climatiques posent de nouveaux problèmes en matière de droits de l'Homme. Le Conseil de l'Europe doit, à cet égard, être envisagé comme une maison commune à l'échelle continentale où domine un idéal de paix et de tolérance.
M. Çavasoglu a enfin rappelé la nécessité de mener à bien la réforme de l'Organisation, soulignant l'obligation pour le Conseil de rester proche des citoyens européens. La réflexion sur les méthodes de travail, les procédures et les structures propres à l'Assemblée sera ainsi poursuivie en vue d'améliorer la pertinence et l'efficacité de ses interventions.
B. INTERVENTION DE MME MICHELINE CALMY-REY, CHEFFE DU DÉPARTEMENT FÉDÉRAL DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA SUISSE, PRÉSIDENTE DU COMITÉ DES MINISTRES
La première partie de session a été l'occasion pour la présidence suisse du Comité des ministres de présenter ses ambitions pour le Conseil de l'Europe. Rappelant l'identité des valeurs défendues par la Suisse et celles promues par le Conseil de l'Europe, Mme Micheline Calmy-Rey a relevé l'importance des travaux du Conseil en vue de l'émergence d'un véritable ordre public européen.
La diversité de ses organes (Assemblée, Congrès des pouvoirs locaux et régionaux, Conférence des organisations internationales non gouvernementales) confère au Conseil de l'Europe une légitimité particulière en matière de représentation des habitants du continent européen, prenant notamment en compte leur diversité.
La présidence suisse entend poursuivre le rapprochement avec l'Assemblée tel qu'entrepris par la Slovénie, une rencontre entre la commission permanente de l'Assemblée et les délégués des ministres devant être prochainement organisée.
Trois priorités ont, par ailleurs, été définies : protection des droits humains et primauté du droit, renforcement des institutions démocratiques et accroissement de la transparence et de l'efficacité du Conseil de l'Europe. L'approbation pour ratification du Protocole n°14 à la Convention européenne des droits de l'Homme par la Douma russe apparaît, à cet égard, comme un pas important en vue notamment de désengorger la Cour (120 000 requêtes pendantes). L'entrée en vigueur du Protocole facilite également l'adhésion de l'Union européenne à la Convention, permise par le traité de Lisbonne.
Aux yeux de la présidence suisse, il convient cependant de rester mesuré quant aux conséquences de la décision russe. Les requêtes pendantes ne sauraient disparaître immédiatement et il appartient aux Etats de définir une stratégie quant à l'afflux de requêtes vers la Cour. La mise en conformité des législations nationales avec la Convention est un premier pas. La Conférence d'Interlaken sur l'avenir de la Cour, organisée les 18 et 19 février 2010, devrait réunir les ministres compétents des Etats membres afin de trouver un accord politique sur de nouvelles réformes.
Mme Gisèle Gautier (Loire-Atlantique - UMP) a souhaité interroger la ministre à ce sujet :
« Assurer l'avenir de la Cour européenne des droits de l'Homme constitue la première priorité de la présidence suisse du Comité des ministres. Formalisant une initiative du Président de la Cour, mon compatriote Jean-Paul Costa, la Suisse a décidé d'organiser une conférence sur ce sujet à Interlaken. Quelles conditions devront, selon vous, être réunies pour affirmer que cette conférence aura été un succès ? A contrario, dans quel cas, pourra-t-on parler d'échec ? »
Dans sa réponse, Mme Calmy-Rey a insisté sur la nécessité d'obtenir un consensus :
« Nous recherchons avec cette conférence à obtenir un engagement enthousiaste des États membres du Conseil de l'Europe en faveur de la Cour et à les engager à faire fonctionner efficacement leurs juridictions nationales afin de réduire le nombre de cas pendants en amont.
Comme critère de succès, il s'agit pour nous d'engager un processus de discussion sur l'avenir de la Cour et d'obtenir un consensus sur une déclaration politique des États membres en ce sens. Nous considérons que la Cour est la pièce maîtresse du Conseil de l'Europe et du système de protection des droits humains en Europe. Nous espérons donc que les États membres du Conseil de l'Europe pourront s'entendre sur ce point et manifester leur volonté d'aller de l'avant. »
Au-delà des réformes de structure, la présidence suisse entend accompagner les efforts menés en Bosnie-Herzégovine ou en Moldavie en faveur du renforcement de leurs institutions démocratiques. Elle souhaite par ailleurs poursuivre le rapprochement entrepris avec la Biélorussie.
Les échanges avec l'hémicycle ont notamment porté sur la votation organisée en Suisse ayant abouti à l'interdiction de la construction des minarets. Mme Calmy-Rey a souhaité, à cet égard, insister sur le dialogue renforcé entre son gouvernement et la communauté musulmane de façon à renforcer l'intégration de celle-ci. Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a souhaité interrogé la ministre suisse sur une autre votation à venir :
« Madame la ministre, une nouvelle initiative populaire préconisant le renvoi systématique des étrangers criminels pourrait être soumise au vote en 2010. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur cette votation éventuelle, qui contreviendrait aux engagements internationaux de la Suisse en matière de droits de l'Homme, en particulier à la Convention européenne des droits de l'Homme ? »
Mme Calmy-Rey a apporté une réponse circonstanciée :
« Je répondrai, en premier lieu, sur l'organisation des systèmes de démocratie directe en Suisse. Dotés d'un droit d'initiative, les citoyens peuvent récolter des signatures et proposer au Gouvernement et au Parlement un texte de loi ou un texte constitutionnel qui est ensuite examiné par le Gouvernement et par le Parlement. Ce fut le cas de l'initiative sur les minarets et c'est le cas de l'extradition des étrangers criminels.
En second lieu, les motifs d'invalidation d'une initiative populaire se réfèrent au droit international contraignant, c'est-à-dire aux tortures, aux génocides ou aux crimes contre l'humanité, mais ils n'incluent pas les droits fondamentaux contenus dans la Convention européenne des droits de l'Homme. C'est ce qui pose problème avec ce type d'initiative populaire.
Quant à l'initiative que vous avez mentionnée, après débat par une Chambre, elle a été renvoyée en commission pour examen. »
Priorité de la présidence suisse, le renforcement des garanties juridiques accordées aux citoyens européens a fait l'objet d'une question de la part de M. Jean-Claude Mignon (Seine-et-Marne - UMP) , président de la délégation :
« Le 1 er octobre 1985 entrait en vigueur la Convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. Le 15 juin 1999, le Comité des ministres approuvait des amendements permettant l'adhésion de la Communauté européenne à cette Convention et, par extension, à son Protocole.
Pour que ces amendements puissent entrer en vigueur, il est nécessaire que les quarante et un États parties à la Convention les approuvent. Force est de constater qu'aujourd'hui, l'ensemble des parties n'a pas approuvé ces amendements. Cette convention, qui vise à protéger la vie privée des personnes, est d'une importance telle qu'il serait dommageable que la Communauté européenne ne puisse y adhérer.
Madame la Présidente, des initiatives sont-elles envisagées afin d'inviter les parties ne l'ayant pas encore fait à approuver ces amendements ? »
Mme Calmy-Rey a souligné, dans sa réponse, la nécessité d'un examen approfondi du texte :
« Cette Convention, vous l'avez dit, contient une disposition relative à la protection des données qui demeure ouverte. Une solution acceptable pour toutes les parties est encore en vue. Cependant, l'accord de tous les pays membres sur l'ensemble des dispositions modifiées n'est pas encore acquis. Pour mon pays, par exemple, la condition essentielle d'une application rétroactive de l'assistance administrative est un sujet important. Un examen approfondi de cette question est nécessaire. Il aura lieu. »