Annexe 3 - Proposition de résolution de M. François Rochebloine et plusieurs de ses collègues : Pour l'abandon de la vengeance individuelle en Albanie
(document n°12165)
La présente proposition n'a pas été
examinée par l'Assemblée
et n'engage que ses signataires
1. La prééminence du droit est l'une des valeurs fondamentales du Conseil de l'Europe, l'une des bases de toute démocratie véritable, comme le rappelle le préambule de cette Organisation.
2. Cette prééminence du droit suppose notamment que les conflits soient réglés par la justice, et non à travers des vengeances personnelles.
3. Il est donc particulièrement choquant de constater qu'en Albanie, un code de l'honneur d'un autre temps autorise le meurtre de la famille du coupable au nom de la vengeance, et ce pendant sept générations !
4. De telles pratiques sont totalement incompatibles avec les valeurs du Conseil de l'Europe.
5. En conséquence, l'Assemblée parlementaire recommande à l'Albanie de lutter avec la plus extrême vigueur contre cette coutume.
Signé: ROCHEBLOINE François, France, PPE/DC
AGHAJANYAN Artsruni, Arménie, NI
AGRAMUNT FONT DE MORA Pedro, Espagne, PPE/DC
BADRÉ Denis, France, ADLE
BARNETT Doris, Allemagne, SOC
CONDE BAJÉN Agustín, Espagne, PPE/DC
DÍAZ TEJERA Arcadio, Espagne, SOC
FOURNIER Bernard, France, PPE/DC
GROSSKOST Arlette, France, PPE/DC
HUNAULT Michel, France, GDE
JOHN-CALAME Francine, Suisse, SOC
LONCLE François, France, SOC
MARIN Christine, France, PPE/DC
de MELO Maria Manuela, Portugal, SOC
MENDONÇA Ana Catarina, Portugal, SOC
PUCHE RODRÍGUEZ-ACOSTA Gabino, Espagne, PPE/DC
QUINTANILLA BARBA Carmen, Espagne, PPE/DC
ROUQUET René, France, SOC
RUSTAMYAN Armen, Arménie, SOC
SCHUSTER Marina, Allemagne, ADLE
Annexe 4 - Résolution 1704 (2010) - La liberté de religion et autres droits de l'homme des minorités non musulmanes en Turquie et de la minorité musulmane en Thrace (Grèce orientale)
1. Le Conseil de l'Europe a vocation à promouvoir la tolérance mutuelle afin de contribuer à la coexistence pacifique des religions. Le Conseil de l'Europe a déjà souligné que les croyances et les traditions religieuses sont une dimension à part entière de la culture et a reconnu que la connaissance des religions joue un rôle important dans le cadre de la compréhension et du respect mutuels.
2. Le dialogue interculturel, y compris dans sa dimension interreligieuse, est un moyen pour que la diversité des cultures européennes devienne une source d'enrichissement mutuel. Comme l'a récemment rappelé le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe « l'existence dans [un] pays de groupes minoritaires, qu'ils soient « nationaux », « religieux » ou « linguistiques », devrait être considérée non pas comme un important facteur de division, mais comme un important facteur d'enrichissement de la société ».
3. Le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sont les pierres angulaires de la diversité culturelle et religieuse. Elles doivent être accompagnées de mesures proactives notamment de la part des gouvernements et des acteurs de la société civile des États membres.
4. L'Assemblée parlementaire est consciente que la question des minorités religieuses en Grèce et en Turquie - en raison du poids de l'Histoire - est empreinte d'une charge émotionnelle très grande. Elle constate que la teneur des relations bilatérales entre la Grèce et la Turquie au cours du XX ème siècle a d'ailleurs largement déterminé le traitement de leurs minorités respectives.
5. L'Assemblée insiste sur le fait que les membres des minorités religieuses concernées sont dans les deux cas des citoyens des pays dans lesquels ils résident. Pour des raisons historiques, il est régulièrement fait appel de part et d'autre au principe de réciprocité. Alors que les « États-parents » que sont la Grèce et la Turquie peuvent considérer avoir des responsabilités envers les membres des minorités religieuses dans le pays voisin, ce sont bien en premier lieu les pays où vivent les minorités qui sont responsables pour leurs propres citoyens, y compris les membres des minorités religieuses respectives.
6. L'Assemblée souligne que la Cour européenne des droits de l'homme a affirmé, dans l'arrêt Apostolidi et autres c. Turquie, que « la Convention déborde le cadre de la simple réciprocité entre États contractants ».
7. Pourtant, se basant sur l'article 45 du Traité de Lausanne et évoquant la « réciprocité » en l'interprétant en termes négatifs, la Grèce comme la Turquie ont, parfois, remis en cause plusieurs des droits de leurs citoyens membres des minorités protégées par ce Traité.
8. L'Assemblée considère que le recours récurrent de ces deux États au principe de réciprocité pour refuser la mise en oeuvre des droits garantis aux minorités concernées par le Traité de Lausanne est anachronique et pourrait compromettre la cohésion nationale de chacun des pays en ce début de XXI ème siècle.
9. L'Assemblée invite la Grèce et la Turquie à traiter tous leurs citoyens sans discrimination, sans prendre en compte la façon dont l'État voisin pourrait traiter ses propres citoyens. Elle les appelle également à mettre pleinement en oeuvre les principes généraux en matière de droits des minorités nationales développés dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui s'appliquent indépendamment de la ratification, ou non, de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (STE n° 157) et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n°148).
10. D'une manière générale, l'Assemblée partage entièrement la position du Commissaire aux droits de l'homme selon laquelle « le droit à l'auto-identification ethnique constitue un principe majeur sur lequel devrait se fonder toute société démocratique pluraliste et qu'il devrait être effectivement appliqué à toutes les minorités, qu'elles soient nationales, religieuses ou linguistiques » et dont l'expression doit être compatible avec l'unité nationale.
11. L'Assemblée se joint au Commissaire dans sa préoccupation à ce que la diversité et l'existence des groupes minoritaires puissent s'exprimer.
12. L'Assemblée constate que la Grèce comme la Turquie ont témoigné récemment d'une plus grande compréhension des spécificités inhérentes aux minorités qui font l'objet de cette résolution. L'Assemblée se félicite d'une certaine prise de conscience de la part des autorités des deux pays qui ont apporté des témoignages de leur engagement afin de trouver des réponses appropriées aux difficultés auxquelles doivent faire face les membres de ces minorités.
13. Des démarches ont été entreprises de part et d'autre de la frontière en vue d'améliorer la situation de ces minorités. L'Assemblée salue également de récents événements, notamment la visite historique du Premier ministre grec en Turquie, en janvier 2008, et sa rencontre avec son homologue turc - expression d'une volonté constructive et de respect mutuel.
14. Cependant, des questions restent en suspens et nécessitent que les deux États poursuivent leurs efforts; efforts qui ne sauront aboutir sans un dialogue ouvert et constructif avec les membres des minorités concernées.
15. L'Assemblée encourage les autorités des deux pays à tout mettre en oeuvre afin de modifier la perception vis-à-vis des membres de ces minorités, qui sont parfois vus comme des étrangers dans leur propre pays. Il est d'une importance capitale que tant les membres de la majorité que les membres des minorités comprennent et ressentent que ces derniers sont des citoyens à part entière de leur pays de résidence.
16. L'Assemblée encourage par ailleurs les deux pays à signer et/ou ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. La ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires serait aussi un signe de compréhension et d'acceptation des spécificités culturelles.
17. La Grèce et la Turquie doivent également prendre toute la mesure de l'enjeu que représente l'éducation des membres des minorités. Les gouvernements doivent s'assurer que le niveau d'enseignement dans les écoles des minorités est de qualité et permet une intégration pleine et entière des enfants issus des minorités au sein de la communauté nationale, tout en préservant leur identité culturelle.
18. En ce qui concerne spécifiquement la Grèce, l'Assemblée demande instamment aux autorités grecques:
18.1. d'apporter le soutien approprié aux écoles des minorités afin qu'elles soient en mesure d'assurer un enseignement de qualité; notamment à travers la mise en circulation, attendue de longue date, de certains livres scolaires pour les écoles des minorités qui ont été remis à jour en 1997 dans le cadre d'un projet financé par l'Union européenne et en envisageant la possibilité de créer de nouvelles écoles d'enseignement supérieur pour les minorités;
18.2. de garantir que l'Académie pédagogique spéciale de Thessalonique (EPATH) dispense un enseignement de qualité à la fois en langue grecque et en langue turque afin d'assurer une formation adéquate aux futurs instituteurs des écoles de la minorité musulmane de Thrace;
18.3. de soutenir durablement - y compris financièrement - les initiatives visant à une meilleure compréhension entre les membres de la minorité musulmane et la majorité et à un meilleur apprentissage de la langue grecque par les membres de cette minorité, et notamment le programme « Education des enfants musulmans », l'éducation étant un facteur d'intégration et de compréhension;
18.4. de mettre pleinement en oeuvre la loi n° 3647 de février 2008 dont les dispositions devraient être en mesure de régler, pour une partie substantielle, les problèmes - en souffrance depuis plusieurs décennies - liés au statut juridique des vafks (fondations de la minorité musulmane);
18.5. de permettre à la minorité musulmane de choisir librement ses muftis en tant que simples chefs religieux (c'est-à-dire sans prérogatives judiciaires), par élection ou par nomination, et ainsi d'abolir l'application de la charia - laquelle soulève de sérieuses questions de compatibilité avec la Convention européenne des droits de l'Homme - ainsi que l'a préconisé le Commissaire aux droits de l'Homme;
18.6. de veiller à ce qu'il n'y ait pas de tentative visant à imposer une identité à une personne ou à un groupe de personnes, même par des représentants d'autres groupes au sein de la minorité concernée, dans le respect de l'esprit de l'article 3 de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales;
18.7. de poursuivre le développement économique et en matière d'infrastructures de la Thrace, par exemple en explorant la possibilité de faire usage des programmes de l'Union européenne en mettant en place des zones de revitalisation rurale ou des zones franches dans cette région;
18.8. de régler le plus rapidement possible les cas des personnes encore affectées par le retrait de leur nationalité grecque en vertu de l'article 19 (aujourd'hui abrogé) du code de la nationalité, y compris le cas des personnes devenues apatrides en application dudit article bien qu'elles ne résident plus en Grèce;
18.9. de mettre pleinement en oeuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme concernant la liberté de religion et d'association, notamment eu égard à la dénomination des associations et d'autoriser ces dernières à utiliser le qualificatif `turc' dans leur nom si elles le souhaitent;
18.10. de mettre pleinement et rapidement en oeuvre la législation de 2008 prévoyant des quotas pour l'accès des membres de la minorité musulmane à la fonction publique;
18.11. d'encourager le développement par les médias d'un code de déontologie en matière de respect pour les minorités religieuses, compte tenu du rôle fondamental qu'ils peuvent jouer dans la perception de ces minorités par la majorité, et de sanctionner tout appel à la haine relayé dans les médias, conformément aux principes énoncés dans la recommandation n° R (97) 20 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le discours de haine;
18.12. d'organiser une campagne nationale contre le racisme et l'intolérance en insistant sur le fait que la diversité doit être perçue non comme une menace mais comme une source d'enrichissement.
19. En ce qui concerne spécifiquement la Turquie, l'Assemblée demande instamment aux autorités turques:
19.1. d'apporter des solutions constructives concernant la formation du clergé des minorités religieuses et l'octroi de permis de travail aux membres du clergé étrangers;
19.2. de reconnaître la personnalité juridique du patriarcat orthodoxe oecuménique d'Istanbul, du patriarcat arménien d'Istanbul, de l'archevêché catholique arménien d'Istanbul, de la communauté orthodoxe bulgare au sein des structures du patriarcat orthodoxe oecuménique, du grand rabbinat, et du vicariat apostolique d'Istanbul; l'absence de personnalité juridique qui touche toutes les communautés ayant des conséquences directes en termes de droit à la propriété et de gestion des biens;
19.3. de trouver une solution concertée avec les représentants de la minorité en vue de la réouverture de l'école théologique grecque-orthodoxe de Heybeliada (séminaire de Halki), notamment en officialisant par écrit la proposition de rouvrir le séminaire en tant que département de la faculté de théologie de Galatasaray afin d'ouvrir de réelles négociations sur cette proposition;
19.4. de laisser le libre choix au patriarcat orthodoxe oecuménique d'Istanbul d'utiliser le qualificatif « oecuménique »;
19.5. de régler la question de l'enregistrement des lieux de culte et la question des propriétés mazbut confisquées depuis 1974, qui doivent être rendues à leurs propriétaires ou à leurs ayant-droits ou, lorsque la restitution des biens s'avère impossible, prévoir leur indemnisation équitable;
19.6. de veiller à ce que le monastère syriaque orthodoxe de Mor Gabriel, l'un des plus anciens monastères chrétiens du monde, fondé en 397 après Jésus-Christ, ne soit pas dépossédé de ses terres et à ce qu'il soit protégé dans son intégralité. L'Assemblée est également préoccupée par la situation actuelle concernant l'appropriation illégale de nombreux terrains appartenant historiquement et juridiquement à une multitude d'autres monastères syriaques anciens, églises et propriétaires dans le sud-est de la Turquie;
19.7. de reconnaître, promouvoir et protéger la population syriaque en tant que minorité, autochtone de la Turquie du sud-est, conformément au Traité de Lausanne et aux conventions internationales connexes qui garantissent leurs droits fondamentaux et leur dignité ; cela impliquera, mais sans s'y limiter, de développer officiellement leur éducation et de tenir des offices religieux dans leur langue maternelle, l'araméen;
19.8. de prendre des mesures concrètes pour permettre l'accès des membres des minorités nationales dans les forces de police, dans l'armée, dans la magistrature et dans l'administration;
19.9. de condamner fermement toute violence envers les membres de minorités religieuses, qu'il s'agisse de citoyens turcs ou non, de mener des enquêtes efficaces et de poursuivre avec célérité les responsables de violences ou de menaces à l'encontre de membres de minorités religieuses, notamment en ce qui concerne l'assassinat d'un prêtre catholique italien en 2006 et de trois protestants en avril 2007 à Malatya;
19.10. de mener à bien les poursuites judiciaires concernant l'assassinat de Hrant Dink en 2007. L'Assemblée invite en particulier le parlement turc à donner suite sans tarder au rapport de sa sous-commission chargée d'enquêter sur l'assassinat de Hrant Dink, rapport qui a mis en lumière des erreurs et des négligences de la part des forces de sécurité et de la police nationale sans lesquelles ce meurtre aurait pu être évité;
19.11. de s'assurer de la mise en oeuvre de la circulaire sur la liberté de religion des citoyens turcs non musulmans, émise par le ministère de l'Intérieur le 19 juin 2007, et à en évaluer l'impact;
19.12. de mettre pleinement en oeuvre la loi n°3998 qui prévoit que les cimetières appartenant aux communautés minoritaires ne peuvent pas être cédés aux municipalités empêchant ainsi la construction d'habitations observées dans certains cimetières juifs;
19.13. de se pencher sérieusement sur le problème de la profanation du cimetière catholique du quartier d'Edirne-Karaagac, qui est un lieu de sépulture sacré pour les catholiques polonais, bulgares, italiens et français, et de permettre la remise en état des monuments funéraires et les tombeaux détruits de ce cimetière;
19.14. de faire évoluer la législation afin de permettre aux enfants issus de minorités non musulmanes, mais n'ayant pas la nationalité turque, d'accéder aux écoles des minorités;
19.15. de mettre en oeuvre la Résolution 1625 (2008) de l'Assemblée relative à Gökçeada (Imbros) et Bozcaada (Ténédos): préserver le caractère biculturel des deux îles turques comme un modèle de coopération entre la Turquie et la Grèce dans l'intérêt des populations concernées;
19.16. de mettre en place l'institution du médiateur (en suspens depuis 2006), sa mise en place revêtant une importance clé afin d'éviter les tensions dans la société;
19.17. d'ériger en crimes les discours antisémites et autres discours de haine, notamment toute forme d'incitation à la violence contre des membres des minorités religieuses, en conformité avec la Résolution 1563 (2007) de l'Assemblée « Combattre l'antisémitisme » et la Recommandation de politique générale n° 9 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur la lutte contre l'antisémitisme;
19.18. d'encourager le développement par les médias d'un code de déontologie en matière de respect pour les minorités religieuses, compte tenu du rôle fondamental qu'ils peuvent jouer dans la perception de ces minorités par la majorité, et à sanctionner tout appel à la haine relayé dans les médias, conformément aux principes énoncés dans la recommandation n° R (97) 20 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le « discours de haine »;
19.19. d'organiser une campagne nationale contre le racisme et l'intolérance en insistant sur le fait que la diversité doit être perçue non comme une menace mais comme une source d'enrichissement.
20. L'Assemblée demande aux gouvernements de la Grèce et de la Turquie de l'informer des progrès réalisés concernant chacun des points des paragraphes 16, 18 et 19 de la présente résolution d'ici février 2011.