LA MUTUALISATION DES MOYENS DES CONSEILS GÉNÉRAUX (RAPPORT DE M. BRUNO SIDO)
Les départements font régulièrement la une de l'actualité. Outre la suppression de la clause générale de compétence et ses conséquences pour les territoires ruraux, leur situation financière fait l'objet, depuis quelques semaines, de nombreux débats, aussi bien au sein du Parlement qu'au sein du Gouvernement.
Ainsi, M. Pierre Jamet, directeur général des services du conseil général du Rhône, s'est-il vu confier une mission par le Premier ministre afin d'établir le diagnostic des finances départementales et les solutions permettant d'améliorer la situation budgétaire des conseils généraux. MM. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et Michel Thenault, préfet, conseiller d'État et ancien directeur général des collectivités locales, ont co-présidé une mission consacrée à l'évolution de la dépense locale, dont les conclusions ont été présentées, le jeudi 20 mai 2010, à l'occasion de la seconde conférence nationale sur les déficits publics.
Le constat est unanimement partagé : les départements doivent faire face à une situation budgétaire difficile. Ils sont soumis à un effet de ciseaux entre, d'une part, une croissance soutenue des charges liées aux trois prestations universelles que sont l'aide personnalisée d'autonomie (APA), la prestation de compensation du handicap (PCH) et le revenu de solidarité active (RSA), et d'autre part, une diminution de leurs ressources, et principalement la chute des droits de mutation à titre onéreux.
Pour autant, dans un contexte de crise économique, nos concitoyens souhaitent pouvoir disposer de services publics performants et répondant à leurs besoins. Se pose alors la question, pour les élus départementaux, de savoir comment résoudre la contradiction entre, d'une part, une situation budgétaire tendue et, d'autre part, le maintien de la qualité des services offerts à la population.
Le rapport de M. Jamet propose, parmi les 40 propositions issues de son analyse, la mutualisation comme outil permettant d'offrir autant de services, voire davantage de services, aux citoyens.
Mais qu'appelle-t-on mutualisation ?
Celle-ci permet la mise en commun de moyens, humains ou matériels, afin de renforcer l'efficacité et la performance des politiques publiques et, compte tenu des économies d'échelle engendrées, de bénéficier de gains financiers substantiels, tout en respectant l'autonomie et la personnalité juridique de chaque entité.
Si le contexte financier actuel invite plus que jamais à rechercher des outils permettant l'optimisation des ressources et des services, il ne s'agit pas de considérer la mutualisation comme le moyen qui permettra aux conseils généraux de faire face à la dégradation de leur situation budgétaire. Si la mutualisation peut générer des économies, celles-ci ont vocation à être redéployées pour améliorer les prestations départementales et pour continuer à assumer les compétences qui pourraient être menacées par la poursuite de l'évolution défavorable des finances départementales. Autrement dit, la « rentabilité de la mutualisation » ne doit pas être appréciée en termes financiers.
Votre rapporteur, chargé par votre délégation d'une réflexion sur la mutualisation des moyens des conseils généraux, a souhaité évoquer la situation actuelle des départements, en mettant en exergue leurs difficultés financières actuelles, d'une part, et les relations complexes, et souvent peu rationnelles, qu'ils entretiennent avec l'État, d'autre part. Puis il a jugé riches d'enseignements diverses expériences de mutualisation conduites par les départements, dans des domaines variés et avec une multitude d'acteurs locaux. La dernière partie du présent rapport est consacrée à la présentation de pistes de proposition, visant à élargir et sécuriser le champ des mutualisations conventionnelles et inciter les conseils généraux à recourir à des regroupements, organisationnels et institutionnels.
I. DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT ET FACE AU DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT, LES CONSEILS GÉNÉRAUX APPARAISSENT COMME L'ÉCHELON DE LA SOLIDARITÉ TERRITORIALE
Les conclusions du rapport de M. Pierre Jamet consacré à la situation des finances départementales ou encore celles de la mission confiée à MM. Gilles Carrez et Michel Thenault mettent en exergue les difficultés financières des départements. Ces derniers sont confrontés à un effet de ciseaux, avec, d'une part, une baisse de leurs ressources fiscales et budgétaires et, d'autre part, une croissance de leurs dépenses liées à la gestion des trois prestations sociales universelles qui leur a été confiées. A cela s'ajoutent des relations complexes, voire ambiguës, avec l'État, comme en témoignent le financement des SDIS ou encore le désengagement de l'État dans les territoires ruraux. Malgré ce contexte défavorable, les conseils généraux poursuivent leur action en faveur des territoires infradépartementaux, renforçant ainsi leur position d'échelon de la solidarité territoriale.
A. LA SITUATION BUDGÉTAIRE ACTUELLE DES CONSEILS GÉNÉRAUX
Les finances actuelles des départements sont soumises à un effet de ciseaux entre, d'une part, une diminution, ou un dynamisme moindre, des recettes et, d'autre part, une croissance soutenue des dépenses liées au versement des trois principales prestations sociales universelles que sont le revenu social d'activité (RSA), l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Ce constat a été mis en exergue par M. Pierre Jamet, dans le cadre de sa mission visant à analyser les causes des difficultés financières des départements, dont les conclusions ont été présentées au Premier ministre, le 23 avril 2010.
1. La baisse des ressources fiscales des départements
Pour illustrer son propos, votre rapporteur a choisi de mettre l'accent sur les trois recettes départementales dont l'évolution actuelle est la plus préoccupante pour les finances des conseils généraux, à savoir les droits de mutation à titre onéreux, la taxe professionnelle et les dotations de l'État.
a) La chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO)
Les DMTO sont perçus par les départements. Une de leur composante essentielle est la taxe départementale de publicité foncière, dont l'assiette est constituée de la valeur des cessions d'immeubles à titre onéreux non soumis à la TVA. Ainsi, le produit des DMTO dépend étroitement du dynamisme du marché immobilier en termes de prix et de volume de transactions, ce qui le rend très volatil.
C'est ainsi qu'après avoir représenté, pendant plusieurs années, la ressource la plus dynamique des conseils généraux, la chute du nombre des transactions, observée depuis 2008, a entraîné une baisse du produit des DMTO. Alors qu'il était de 7,1 milliards d'euros 18 ( * ) en 2007, il a chuté, en 2008, à 6,5 milliards d'euros puis, en 2009, à 4,9 milliards d'euros, soit une baisse de 24,6 % entre 2008 et 2009.
Le nombre de transactions immobilières conclues en France en 2009 est évalué à 590 000, ce qui est nettement en deçà des volumes de la période 2000-2007, qui avoisinaient les 800 000 mutations par an, et en dessous de celui de 2008 où 670 000 mutations avaient été conclues 19 ( * ) .
Pour 2010 , il apparaît encore difficile de prévoir une reprise du marché de l'immobilier 20 ( * ) . La perception des ménages vis-à-vis de la conjoncture économique demeure encore pessimiste, compte tenu de la crainte de l'augmentation du chômage et de l'incertitude sur la pérennité des taux de prêts à l'immobilier. Le produit de DMTO pourrait, au mieux, stagner pour la majorité des conseils généraux, en 2010.
* 18 Hors Paris.
* 19 Notes de conjoncture immobilière n° 6, janvier 2010 et n° 7, avril 2010, Notaires de France.
* 20 Ibid.