II. L'INTERVENTION EUROPÉENNE
Le conseil Ecofin, réuni en urgence le 21 novembre, a répondu favorablement à une demande d'aide internationale formulée par l'Irlande le jour même. La sauvegarde de la stabilité financière de l'Union européenne et de la zone euro justifie, aux yeux des ministres des finances, la nécessité d'une intervention.
La rapidité de la réaction européenne ne doit pas conduire à éluder, pour autant, les questions que pose une intervention financière européenne dans un pays qui a pris soin de déterminer en solitaire ses orientations économiques, usant largement de la concurrence fiscale au détriment de ses partenaires au sein de l'Union.
L'aide de l'Union européenne n'est, à cet égard, envisageable que sous l'angle de la conditionnalité. A cet égard, le plan d'austérité annoncé par le Gouvernement rejoint le souhait formulé par l'Union européenne et le Fonds monétaire international d'opérer un réel ajustement de l'économie irlandaise. La crise irlandaise accrédite la thèse d'un nécessaire renforcement de l'intégration économique, à moins de ne considérer l'Union que comme un pompier, agissant sporadiquement pour tenter d'éviter que la zone euro ne s'embrase.
A. LES CONTOURS DE L'AIDE EUROPÉENNE
Les Vingt-Sept ont trouvé un accord le 28 novembre dernier sur l'extension du mécanisme de crise à l'Irlande.
Le montant de l'aide européenne est chiffré à 67,5 milliards d'euros sur trois ans auxquels viennent s'ajouter 17,5 milliards d'euros prélevés sur le Fonds de réserve des retraites irlandais, soit au total 85 milliards d'euros.
La contribution des instances européennes et internationales se décompose de la façon suivante :
• un tiers, soit 22,5 milliards d'euros, supporté par le Fonds monétaire international ;
• un tiers financé par le mécanisme européen d'assistance financière, financé par des emprunts réalisés par la Commission sur les marchés ;
• un dernier tiers, constitué à la fois de montants levés sur les marchés via le Fonds européen de stabilité financière qui réunit les pays de la zone euro, mais également par des prêts bilatéraux accordés par la Suède, 600 millions d'euros, le Danemark, 400 millions d'euros, et le Royaume-Uni, 3,8 milliards d'euros.
L'implication britannique est motivée par les liens qui unissent les deux économies. Les banques britanniques ont ainsi la plus forte exposition au monde à l'économie irlandaise (162 milliards d'euros), les prêts qu'elles octroient visent les entreprises, les banques et les ménages irlandais. L'Irlande constitue, par ailleurs, le cinquième marché pour les exportateurs britanniques. L'aide à l'Irlande s'impose donc à plus d'un titre tant la faillite de son système bancaire ne serait pas sans incidence pour la City.
Le taux d'intérêt moyen de cette aide s'élève à 5,8 %. La durée de remboursement est de sept ans et demi.
L'intervention financière de l'Union européenne répond à trois objectifs. Le premier vise le système bancaire, 10 milliards servant à la recapitalisation des banques, 25 milliards étant déposés au sein d'un fonds de réserve. Sur ces 35 milliards, la moitié serait financée par l'Irlande. L'Union souhaite parallèlement que le déficit irlandais repasse en dessous des 3 % d'ici 2015 et appelle de ses voeux un ajustement fiscal d'envergure de la part du gouvernement, sans plus de précision. Le Conseil Ecofin a, à cet égard, pris soin dans son communiqué d'indiquer que l'aide et les conditions de celle-ci respectaient les fondamentaux de l'économie irlandaise, là encore sans plus de détail. L'Union européenne n'entend pas de la sorte imposer un débat sur la fiscalité des entreprises en Irlande. Le troisième objectif concerne le retour de la croissance en Irlande et nécessite, aux yeux de l'Union, une réforme du marché du travail local.
De fait, si elle n'aborde pas directement la question de la fiscalité attractive du territoire, l'Union européenne entend accompagner les réformes ambitieuses et courageuses entreprises par le Gouvernement irlandais. C'est par ce biais qu'elle entend tempérer l'autonomie économique de l'Irlande au sein de la zone euro. Cette voie, plus mesurée que les déclarations allemande et française sur la nécessité de mettre fin au dumping fiscal irlandais, tient compte d'un impératif : le retour rapide à la croissance. Imposer une révision à la hausse du taux d'impôt sur les sociétés serait une réponse conjoncturelle à un problème financier mais conduirait sans doute à la délocalisation d'une partie des multinationales et tuerait dans l'oeuf toute dynamique de reprise. Ainsi, la conditionnalité de l'aide européenne se limite à une obligation de résultats.