II. LA PLACE DES SALARIÉS DANS L'ENTREPRISE : UNE REPRÉSENTATION COLLECTIVE N'ASSURANT QU'UNE PARTICIPATION RÉSIDUELLE À LA GESTION

Depuis 1936, les dispositifs législatifs visant à renforcer la négociation collective et à accroître l'information et la consultation des salariés ont été multipliés.

Cette multiplication n'est-elle pas toutefois le symptôme de leurs faiblesses intrinsèques ?

La réforme du droit syndical et du droit des élections professionnelles pourrait, à l'avenir, renforcer la légitimité du dialogue social dans l'entreprise, et accroître l'utilité des mécanismes de représentation collective.

Il convient de rappeler ici les principaux mécanismes de représentation collective des travailleurs mis en place depuis 1936 et régulièrement réajustés pour tenir compte des mutations économiques et sociales. Ce droit résulte de la combinaison historique de dispositions relevant tantôt de la conception électorale, tantôt de la conception syndicale de la représentation, qui convergent aujourd'hui.

A. LE PAYSAGE SYNDICAL : ADHÉSIONS ET IMPLANTATIONS

FONDEMENTS DU DROIT SYNDICAL

Constituant un délit pénal entre 1791 (décret d'Allarde, loi le Chapelier) et 1864 (abolition du délit de coalition), les syndicats professionnels furent légalisés par la loi du 21 mars 1884 (loi Waldeck-Rousseau), correspondant à un « retour à la vie juridique du fait collectif 159 ( * ) ». Le préambule de la constitution de 1946 fit de cette liberté un droit constitutionnel. : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix ». Les accords de Grenelle (1968) reconnurent la représentation syndicale dans l'entreprise et furent suivis de la proclamation d'un droit à la négociation collective (1971), rendue obligatoire dans les branches et dans les entreprises par les lois Auroux (1982).

Aujourd'hui, l'article L. 2131-1 du code du travail dispose : « Les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnées dans leurs statuts ».

1. Le déclin de la syndicalisation

Depuis l'après-guerre, le paysage syndical français s'est progressivement diversifié sous l'influence de plusieurs courants idéologiques. Il en résulte un nombre élevé d'organisations syndicales , en contraste avec la situation des autres pays européens, généralement dominés par un petit nombre d'organisations syndicales.

L'ÉVOLUTION HISTORIQUE DU PAYSAGE SYNDICAL

Source : Hadas-Lebel (2006)

Au cours de la même période, le taux de syndicalisation est passé d'environ 30 % à environ 8 % des salariés et 5 % dans le secteur privé.

ÉVOLUTION DU TAUX DE SYNDICALISATION EN FRANCE DEPUIS L'APRÈS-GUERRE

Par comparaison, le taux de syndicalisation moyen en Europe (UE à 25) est estimé à 25 %. La France a le taux de syndicalisation le plus faible de tous les pays de l'Union européenne à 25. Ces divergences sont en partie le reflet de modèles distincts de représentation des salariés, puisque dans certains pays l'adhésion est obligatoire pour obtenir le bénéfice de certaines contreparties. En Suède, par exemple, où le taux de syndicalisation est de 71 %, les syndicats négocient des avantages pour leurs seuls adhérents ; en Belgique, où 53 % des salariés sont syndiqués, le versement des allocations chômage est conditionné à une adhésion syndicale préalable.

TAUX DE SYNDICALISATION (2007)

Source : OCDE

Le déclin du syndicalisme n'est pas propre à la France, mais commun à l'ensemble des pays de l'OCDE. En Allemagne, par exemple, il a chuté de 27 % à 20 % entre 1997 et 2007.

Ce déclin est lié à celui de la société industrielle : la tertiarisation, l'individualisation des relations de travail et la diversification des emplois, ainsi que l'augmentation du chômage ont été des facteurs de ce déclin.

Parmi les principaux déterminants de l'adhésion syndicale et de la présence syndicale sur le lieu de travail , on distingue en effet 160 ( * ) :

- la nature publique ou privée de l'employeur (la syndicalisation est supérieure dans les collectivités publiques) ;

- la taille de l'établissement (la syndicalisation plus forte dans les grands établissements que dans les petits) ;

- le secteur d'activité (la présence syndicale est forte dans les secteurs de l'industrie, de l'énergie, des transports, de l'éducation...);

- le niveau de qualification (les cadres et professions intellectuelles sont plus syndiqués que les ouvriers et employés) ;

- le niveau de revenu (les mieux rémunérés sont plus syndiqués);

- le sexe (les hommes adhèrent plus souvent à un syndicat que les femmes) ;

- l' âge (plus l'âge augmente plus le taux de syndicalisation est élevé);

- le statut de l'emploi (les formes flexibles d'emploi représentent un obstacle à la syndicalisation).

Ainsi par exemple :

- S'agissant des variations en fonction du statut de l'emploi, le taux de syndicalisation est de :


• 16,7 % pour les titulaires de la fonction publique


• 6,5 % pour les salariés sous CDI à temps complet


• 5,8 % pour les salariés sous CDI à temps partiel


• 3 % pour les travailleurs sous CDD


• 0,9 % pour les intérimaires.

- En distinguant en fonction de la taille de l'établissement, le taux de syndicalisation est de :


• 4,1 % dans les établissements d'au plus 5 salariés


• 11,4 % dans les établissements de 100 salariés et plus.


* 159 Le droit du travail, Alain Supiot (Que sais-je ?, 2009)

* 160 « La transformation du paysage syndical depuis 1945 », Thomas Amossé, Maria-Teresa Pignoni, Données sociales édition 2006.

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