b) La représentation facultative aux conseils avec voix délibérative
La loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public généralise la présence d'administrateurs salariés dans les CA ou CS des entreprises contrôlées majoritairement par la puissance publique . Dans les entreprises publiques de 200 à 1.000 salariés, deux sièges sont attribués aux représentants élus des salariés tandis que dans celles de plus de 1.000 salariés, un tiers des sièges leur est réservé. Les représentants des salariés ont les mêmes droits et obligations que les autres membres du conseil d'administration ou de surveillance.
Dans le sillage des privatisations, l'ordonnance n° 86-1135 du 21 octobre 1986 a introduit une représentation facultative des salariés, avec voix délibérative, au sein du CA ou du CS des sociétés commerciales . Cette forme de cogestion doit être inscrite aux statuts de l'entreprise par une assemblée générale extraordinaire. Le nombre d'administrateurs ou membres du conseil de surveillance élus par le personnel salarié ne peut être supérieur à quatre ni excéder le tiers du nombre des autres administrateurs ou membres du conseil de surveillance. Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le nombre d'administrateurs peut être porté à cinq. Cette dérogation ne s'applique pas aux membres du conseil de surveillance.
Ce dispositif demeure peu usité : si les salariés non actionnaires sont représentés dans quelques entreprises privatisées, seuls sont représentés les salariés actionnaires dans les autres sociétés faisant l'expérience de la représentation des salariés.
c) La représentation des salariés actionnaires
La loi n° 94-640 du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise, a institué un dispositif concernant la représentation des salariés actionnaires lorsque ceux-ci possèdent au moins 5 % du capital de la société.
Facultatif lors de sa création, ce système a été rendu obligatoire, lorsque les salariés actionnaires possèdent plus de 3 % du capital, par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale.
On estime en 2008 à environ 2,5 à 3 millions le nombre de salariés détenteurs d'actions de leur entreprise .
En 2009, 153 entreprises du SBF 250 181 ( * ) ont un actionnariat salarié . 36 seulement ont au moins 3 % de leur capital détenu par les salariés.
ACTIONNARIAT SALARIÉ DANS LES ENTREPRISES COTÉES DU SBF 250
Note de lecture : 56 entreprises ont moins de 1 % de leur capital aux mains des salariés. Dans 51 d'entre elles, l'actionnariat salarié représente moins de 25 % de l'effectif total. Par ailleurs, dans 2 entreprises dont plus de 25 % de l'effectif salarié est actionnaire, plus de 20 % du capital est ainsi détenu.
Source : Benhamou (2010)
En conclusion, le choix de la coopération entre parties prenantes, dans le cadre d'une « démocratie entrepreneuriale » renforcée, peut être favorable à la compétitivité des entreprises, à condition de s'accompagner de modifications des comportements et attentes, ce qui ne relève pas seulement de la loi.
Tant la crise actuelle du capitalisme financier, que la chute des régimes communistes et l'entrée dans l'Union européenne des pays qui en sont issus, pourrait insuffler à terme une vision moins antagonique de l'entreprise, considérée moins comme un lieu de conflits que comme un lieu de coopération. Les gains économiques qui en résulteraient représentent un potentiel de croissance difficilement mesurable, mais sans doute significatif dans un pays tel que la France où les relations sociales sont traditionnellement conflictuelles.
Si la participation des travailleurs à la vie de l'entreprise s'est développée en France sur le modèle de la représentation collective des intérêts, par le biais de mécanismes de consultation, d'information et de négociation, la participation aux instances de décision a progressé depuis les années 1980, plaçant la France en « milieu de peloton » européen dans ce domaine. Des progrès peuvent être réalisés dans les deux voix précédemment évoquées :
- D'une part, s'agissant des IRP et de la représentation collective des travailleurs, les réformes en cours sont de nature à en améliorer la légitimité et à en accroître les prérogatives. Il faut toutefois s'interroger sur d'éventuels effets économiques contradictoires de la tendance à la décentralisation de la négociation , qui permet certes de prendre les décisions au plus près des situations réelles, mais qui ne devrait pas occulter une réflexion sur le « juste » niveau de négociation, c'est-à-dire celui permettant d'atteindre un optimum du point de vue des coûts de transaction .
- D'autre part, si la participation des salariés français aux instances de décision de l'entreprise a progressé, les salariés actionnaires en demeurent les principaux bénéficiaires et la question de la participation à la décision des travailleurs en tant que tels demeure posée .
Comment aller plus loin, pour dépasser le « modèle shareholder », sans imposer aux entreprises des formalités supplémentaires qui ne modifieraient pas la nature de la prise de décision sur le fond ?
* 181 Indice regroupant les 250 plus fortes capitalisations boursières inscrites au premier et au second marchés de la Bourse de Paris.