D. RECONSTRUIRE UN SOCLE INDUSTRIEL FRANÇAIS

1. Poursuivre la stratégie de promotion de champions nationaux ?

La France peut aujourd'hui compter sur un grand nombre de grands groupes industriels, communément appelés « champions nationaux », qui constituent ce qu'on appelle encore les « fleurons » de l'industrie française. Ces champions, présents dans de nombreux secteurs comme l'aéronautique, l'énergie, l'automobile ou encore la santé, conservent à la France une place de puissance industrielle qui compte, malgré le déclin d'une certaine forme de modèle industriel.

Si l'appui au développement de structures industrielles plus petites, comme les PME ou les ETI constitue un élément important d'une politique industrielle à redéfinir, il n'en demeure pas moins que l'on ne doit pas détruire ses points forts pour investir sur ses points faibles. Bien au contraire, les grands groupes industriels doivent aujourd'hui être renforcés et structurés aujourd'hui à l'échelle européenne afin de faire émerger, autour de champions nationaux, voire européens, des filières véritablement structurées sur des territoires , comme par exemple la filière automobile, qui fait face aujourd'hui au défi du véhicule du futur.

La mission préconise ainsi la création d'un conseil stratégique placé auprès du président de la République et réunissant les dirigeants des grandes entreprises françaises . Une telle structure permettrait de coordonner une stratégie lisible et cohérente afin d'en finir avec des interventions ponctuelles de l'État, au nom du patriotisme économique, souvent perçues comme agressives et intempestives par les partenaires européens et internationaux de la France.

La mission considère, par ailleurs, que le problème ne réside plus aujourd'hui dans l'interrogation sur l'opportunité d'un patriotisme économique ou d'une forme de protectionnisme industriel, mais bien au contraire sur la force d'attractivité de la France.

Elle rappelle, à cet égard, le rôle de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) qui est de faciliter la venue en France de sociétés étrangères qui y créent de l'emploi.

En 2009, selon l'étude annuelle menée par Ernst & Young sur l'attractivité de l'Europe, la France reste le pays le plus attractif pour nombre de projets industriels accueillis, notamment dans les écotechnologies et par le nombre des emplois créés dans le domaine de la logistique et dans la recherche et développement.

Dans le domaine de la production au début des années 2000, la France accueillait plus de 250 nouveaux projets, quand elle n'en attirait plus, entre 2007 et 2009, qu'environ 200 chaque année. La baisse est sensible : en 2009, la France ne représentait que 27 % des projets de production, au lieu de 53 % en 2001.

Il semble que le dynamisme du tissu industriel local soit un élément plus déterminant que l'aide publique à l'implantation pour les investissements étrangers. Les régions Rhône-Alpes ou Midi-Pyrénées en constituent des exemples révélateurs, grâce aux dynamiques vertueuses créées par une politique efficace de mise en réseau à travers les pôles de compétitivité et grâce aux engagements pris à la fois par les acteurs publics et par les acteurs privés.

Dans ce cadre, la mission souhaite que la promotion du site France soit renforcée, via un travail d'information, d'accompagnement des investisseurs étrangers et de valorisation, par les collectivités et les entreprises, des pôles de compétitivité.

2. Consolider le tissu des entreprises de taille intermédiaire et des petites et moyennes françaises
a) Le tissu des PME et ETI : une faiblesse française

Notre économie crée de nombreuses entreprises mais elle ne parvient pas à les faire grandir. La faiblesse du tissu industriel français ne favorise pas suffisamment le transfert d'innovation.

Pour pallier ces difficultés, a été créé en mars 2010 l'Observatoire des PME-ETI cotées en bourse, opérationnel depuis juillet, qui a pour objectif de mieux connaître le tissu de ces entreprises afin de les accompagner dans leur développement et d'améliorer l'accès des PME-ETI au marché financier.

Fondé par la Caisse des dépôts, le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, l'AMF, la Banque de France, le Médiateur du Crédit, MiddleNext et NYSE Euronext, avec la participation de la CGPME, Oséo et Paris EUROPLACE, cet observatoire a une triple mission :

- établir chaque année un rapport sur l'accès des PME-ETI au marché financier ;

- réaliser, sous la direction respectivement de la Banque de France et d'Oséo, une note de conjoncture annuelle portant sur l'écosystème des PME-ETI cotées et sur l'innovation de ces entreprises ;

- organiser des études sur l'accès des PME-ETI au marché financier, notamment des comparaisons internationales, en les confiant à des organismes de recherche spécialisés.

Cet observatoire est doté d'un budget annuel de 160 000 euros.

b) Consolider les PME

La France éprouve des difficultés pour faire grandir ses jeunes entreprises.

Près de 327 000 entreprises ont été créées en 2008, en progression de plus de 52 % par rapport à 2002 et de 1,8 % par rapport à 2007. Cette croissance s'est prolongée en 2009 sous l'effet du dispositif de l'auto-entrepreneur mis en place dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008.

Malgré une hausse du chiffre des créations d'entreprises, leur survie est aléatoire et cette situation fragilise notre industrie. Le nombre d'entreprises qui font défaillance dans l'industrie est de l'ordre de 4 000 chaque année, ce qui concerne environ 40 000 employés.

À l'image de leur importance dans l'ensemble des entreprises, les PME représentent 99 % des redressements judiciaires de 2008. On observe, par ailleurs, une fragilité des entreprises de moins de cinq ans d'âge.

c) Le défi des entreprises de taille intermédiaire : le maillon faible de l'économie française

On constate aujourd'hui un déficit d'ETI : 18 % en France contre 26 % en Allemagne alors que 83 % des exportations sont le fait des entreprises de plus de 250 salariés. La mission souligne que ces entreprises peuvent être les grands groupes de demain. Les causes de cette faiblesse sont connues : effets des seuils sociaux, faiblesse des effets d'agglomération, insuffisante culture technique et surtout difficultés de financement. Les banques sont trop frileuses à l'égard des jeunes entreprises et le marché du capital-risque reste trop peu développé, malgré les efforts du Grand Emprunt.

Les entreprises de taille intermédiaire (250 à 5 000 salariés) constituent, comme le rappelle le rapport du sénateur Bruno Retailleau 135 ( * ) , « le maillon fragile du tissu économique français entre une base très large de TPE et PME (2,4 millions) et 235 grandes entreprises de dimension mondiale » . Il y a, en effet, en France deux fois moins d'ETI qu'en Allemagne ou qu'en Grande-Bretagne et leur nombre n'augmente pas faute d'une politique ciblée.

On a vu précédemment le rôle que jouent les entreprises de taille intermédiaire dans le « Mittelstand » allemand, où elles contribuent de manière essentielle à la performance à l'exportation de l'économie de ce pays.

Typologie européenne des entreprises

La recommandation de la Commission européenne du 6 mai 2003 entrée en vigueur le 1 er janvier 2005, dresse la typologie suivante des entreprises :

- les moyennes entreprises , qui emploient moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros ;

- les petites entreprises , qui emploient moins de 50 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 10 millions d'euros ;

- les micro-entreprises , qui emploient moins de 10 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros.

Si cette typologie s'applique pour la mise en oeuvre des programmes et des politiques de l'Union en faveur des PME, elle est seulement indicative pour les États membres.

La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a établi une typologie pour distinguer les différentes catégories d'entreprises, qui a une vertu non seulement pédagogique mais qui est également à même de favoriser des politiques plus adaptées aux particularités des différents types d'entreprises. L'article 51 de la LME définit ainsi des catégories d'entreprises « pour les besoins de l'analyse statistique et économique » :

- les micro-entreprises ;

- les petites et moyennes entreprises ;

- les entreprises de taille intermédiaire ;

- les grandes entreprises.

Un décret du 18 décembre 2008, pris en application de cet article, rappelle la définition de l'entreprise, extraite du règlement européen de 1993, qui définit l'entreprise comme « la plus petite combinaison d'unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d'une certaine autonomie de décision, notamment pour l'affectation de ses ressources courantes » . Il précise les critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise. La catégorie des entreprises de taille intermédiaire (ETI) est constituée des entreprises qui n'appartiennent pas à la catégorie des petites et moyennes entreprises et qui, d'une part, occupent moins de 5 000 personnes, d'autre part, ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 1 500 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 2 000 millions d'euros.

Les différentes catégories d'entreprises

Les secteurs d'activités des ETI
Répartition en nombre de salariés (en milliers)

Poids dans l'industrie manufacturière (hors IAA) des différentes catégories d'entreprises

L'étude de l'INSEE publiée en mars 2010 136 ( * ) donne un premier cadrage statistique de cette catégorie d'entreprises. Les ETI, qui comptent en moyenne 670 salariés, sont prédominantes dans le secteur de l'industrie : en effet, sur les 4 600 ETI recensées en France, 1 500 relèvent de l'industrie manufacturière et contribuent à 59 % des exportations faites par l'ensemble des ETI et contribuent à 37 % de la valeur ajoutée.

Par ailleurs, 1 350 ETI implantées en France appartiennent à un groupe dont la société mère est située à l'étranger.

La plupart des autres ETI ont leur tête de groupe située en Île-de-France. Leurs effectifs sont répartis sur tout le territoire, avec une certaine concentration autour de grandes agglomérations, en région parisienne, à Lyon, Toulouse, Nantes et Rennes.

Le rapport Retailleau a mis en avant les nombreux atouts des ETI : performance (surtout en matière d'exportation), incarnation d'un « capitalisme vertueux » (vision de long terme, préférence pour l'investissement, relations sociales apaisées et forte culture d'entreprise), harmonieuse articulation entre le local et le global grâce à un enracinement important dans les territoires et à une capacité de projection sur les marchés internationaux.

Il convient cependant de lever un certain nombre d'obstacles : le rapport Retailleau a, par exemple, mis en avant qu'elles « bénéficient moins des guichets publics que les PME et les grandes entreprises alors qu'elles supportent une charge fiscale et sociale plus lourde » . Après prise en compte du crédit impôt recherche, « l'IS réel des grandes entreprises s'établit à 18 % et celui des ETI à 30 % » .

Les grandes entreprises sont ainsi privilégiées au sein de notre politique économique et les ETI sont en quelque sorte laissées pour compte dans la mesure où elles ne bénéficient pas d'une politique spécifique.

Il semble aujourd'hui indispensable de sortir de la logique de guichet, au profit d' un appui individualisé et transversal . L'idée d'instituer dans chaque territoire un référent des entreprises, nommé par le préfet sur le modèle des médiateurs de crédit, préconisée par le sénateur Retailleau dans son rapport semble particulièrement intéressante.

Comme il a déjà été évoqué plus haut, la mise en place d'outils financiers plus adaptés aux structures telles que les ETI pourrait permettre un meilleur accès de ces dernières au crédit. Une mobilisation plus satisfaisante de l'épargne longue vers le financement des entreprises moyennes, principalement l'assurance vie, pourrait également aller dans ce sens.

La logique vertueuse initiée par la LME, qui a reconnu la catégorie des ETI, doit être poursuivie pour cibler les aides d'accompagnement sur ces entreprises , notamment par le biais de structures comme Oséo ou le FSI.

3. Favoriser l'émergence d'un label « France »

L'exemple de l'Occitane en Provence, cité précédemment, révèle que les produits à forte identité bénéficient d'une image favorisant leur exportation. La France est connue aujourd'hui pour les produits qu'elle fabrique. L'image d'un pays à l'étranger est en effet très souvent liée à ce qu'il produit.

Dans ce cadre, l'Observatoire du Fabriqué en France est chargé d'évaluer la part française des produits fabriqués en France, le positionnement des filières françaises dans les échanges mondiaux et la vision des consommateurs.

Globalement, la part des produits fabriqués en France dans le marché intérieur s'est réduite. Cette évolution résulte d'une augmentation des échanges mondiaux : on achète en France plus de produits importés, ce qui n'est pas en soi problématique à condition que les produits fabriqués en France soient eux-mêmes davantage exportés, comme par exemple pour les filières de la construction navale et des industries de santé. En revanche, l'automobile est pénalisée à la fois par une baisse importante de la part dans le marché intérieur des produits fabriqués en France et une perte significative de part de marché à l'international.

Le « fabriqué en France » est un gage de qualité pour 91 % des Français. Pouvoir identifier l'origine française des produits est considéré comme « très important » pour deux tiers des Français.

La mission rappelle que l'Observatoire du Fabriqué en France a été créé le 31 août 2010 sur la base du rapport Jégo. Son rôle est de mesurer l'état du fabriqué en France à partir d'indicateurs statistiques. Placé sous la direction de la DGCIS, il s'inscrit dans la volonté de « préparer la France d'après-crise ». Il se fonde sur trois indicateurs :

- la part française des produits fabriqués en France : celle-ci est passée de 75 % à 69 % entre 1999 et 2009 ;

- le positionnement des filières françaises dans les échanges mondiaux : en 10 ans, l'industrie française est devenue globalement importatrice ;

- la part des produits fabriqués en France parmi les produits vendus dans l'Hexagone : celle-ci est passée de 67 à 64 %.

Les études de l'Observatoire portent sur dix secteurs industriels : automobile, aéronautique, ferroviaire, construction navale, technologies de l'information, mode et luxe, biens de consommation, chimie et matériaux, santé, agroalimentaire.

Un appel à projets a également été lancé pour soutenir des projets structurants dans 11 filières identifiées, dont celle des éco-industries, pour un montant total public-privé de 300 millions d'euros.

La mission propose que la stratégie de promotion du « made in France » soit ciblée de manière prioritaire sur les produits à forte identité.


* 135 « Les entreprises de taille intermédiaire au coeur d'une nouvelle dynamique de croissance » rapport remis au Premier ministre en février 2010 par M. Bruno Retailleau.

* 136 http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/indfra09h.PDF

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