D. AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DES GRANDS PORTS MARITIMES
1. Créer une équipe de promotion commerciale axée sur l'international et mieux anticiper les investissements futurs
Le point faible des ports français, c'est l'absence de logique commerciale et de culture d'entreprise. Il faut insuffler un état d'esprit entrepreneurial dans les services des grands ports maritimes. Il existe des résistances en interne, une certaine inquiétude face aux changements imposés par la réforme portuaire. Schématiquement, les ingénieurs qui travaillent dans les ports sont davantage séduits par le développement d'infrastructures que par la promotion commerciale de la place portuaire. Les grands ports maritimes ont été recentrés sur leurs missions régaliennes, mais aussi sur la promotion de la place portuaire. Dès lors, une politique de formation continue des équipes est nécessaire, ainsi qu'une politique d'embauche de cadres commerciaux de très haut niveau. La priorité des ports français doit être la promotion de la marque des ports français à l'étranger, et surtout en Asie. Il pourrait être utile de s'inspirer de l'exemple du port d'Hambourg, qui assure sa promotion avec succès à travers l'association HHM ( Port of Hamburg Marketing ) depuis 25 ans.
Surtout, les ports français doivent renforcer leur capacité d'anticipation. Certes, les ports français disposent de suffisamment d'espaces pour faire face à une hausse substantielle du trafic dans les années à venir, eu égard à leur sous-utilisation actuelle des quais. Mais il convient dès aujourd'hui de réfléchir aux besoins d'investissements dans les dix à quinze années à venir. Compte tenu de la durée nécessaire pour mener à bien des grands projets d'infrastructures, il faut lancer les études dès maintenant si l'on souhaite une mise en service de terminaux entre 2020 et 2025. À Anvers par exemple, les autorités portuaires disposent en permanence de 100 mètres de terminaux d'avance pour répondre rapidement à un client, ce qui n'est pas le cas en France. En outre, les autorités portuaires d'Hambourg ont montré qu'elles attachaient une grande importance à la vision stratégique des grands armateurs et des manutentionnaires internationaux. En effet, le port hanséatique a organisé un appel à projet international pour recueillir des idées sur l'utilisation d'un terminal de 130 hectares. Même si aucune décision définitive n'est prise, ce quai devrait, entre autres, comprendre un entrepôt voire une usine d'éoliennes.
A cette occasion, votre rapporteur déplore le retard dans l'élaboration d'un rapport demandé au Gouvernement dans la cadre de la loi sur le Grand Paris, qui devait aborder la question des nouvelles installations portuaires en aval de la Seine . En effet, l'article 2 de la loi relative au Grand Paris 47 ( * ) prévoit la mise en place d'un réseau ferroviaire à haut niveau de performance prioritairement affecté au fret entre le grand port maritime du Havre et celui de Rouen, qui constituent la façade maritime du Grand Paris, et le port de Paris. La loi prévoit également qu'au plus tard douze mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en place de ce réseau. Suite à un amendement de votre rapporteur en première lecture au Sénat, ce rapport doit aussi présenter les possibilités de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine pour améliorer la desserte du Grand Paris. Or, ce délai est aujourd'hui expiré, car le rapport aurait du être transmis au Parlement avant le 3 juin 2011. Le Gouvernement explique ce retard par la nomination par le Premier Ministre, le 19 mai dernier, de M. Antoine Rufenacht, en tant que Commissaire général pour le développement de la Vallée de la Seine. Dans la lettre de mission qu'il a adressée le 24 mai dernier, le Premier ministre fixe pour premier objectif au Commissaire général de « concevoir les modalités d'un développement économique, durable et intégré, sur la grande échelle de la Vallée de la Seine ». Le Commissaire général au développement de la Vallée de la Seine doit formuler des premières propositions le 30 septembre prochain. C'est pourquoi le Ministère souhaite concilier le rapport prévu à l'article 2 de la loi relative au Grand Paris avec la mission confiée à M. Rufenacht. Un projet de lettre de mission au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD, anciennement appelé Conseil général des ponts et chaussées) est en cours de transmission au cabinet du ministre chargé des transports, afin de proposer que cette structure réalise le rapport prévu par l'article 2 de la loi relative au Grand Paris. Un rapport d'étape pourrait être réalisé pour le 1 er septembre prochain afin que les premières recommandations soient intégrées dans les propositions du Commissaire général pour le développement de la Vallée de la Seine. Votre rapporteur veillera avec vigilance à ce que ce rapport soit élaboré et transmis au Parlement dans les meilleurs délais.
Par ailleurs, les ports français doivent rapidement se positionner pour tirer parti du futur canal Seine-Nord Europe. De fait, 4 plateformes multimodales (à Cambrai-Marquion, Péronne-Haute-Picardie, Nesles, et Noyonnais) sont prévues, soit 360 hectares de zones d'activités, de même que 5 quais céréaliers, et 2 quais industriels dits « de transbordement ». Par courrier en date du 4 mai 2011, le Gouvernement a invité les trois ports de l'axe Seine à signer le 19 mai 2011 un protocole de gouvernance des plates-formes multimodales du Canal Seine-Nord Europe. Le conseil de coordination interportuaire de la Seine oeuvre dans le même sens. Il est nécessaire d'accélérer les investissements de ces trois ports sur ces plates-formes multimodales.
Enfin, les grands ports maritimes doivent améliorer leur communication à l'attention du grand public et des riverains. Des campagnes de communication pourraient permettre de placer le développement des ports au rang de priorité pour nos concitoyens, compte tenu des emplois qui en découlent. Plus globalement, il est nécessaire de mieux informer les riverains des projets portuaires. A Nantes-Saint-Nazaire, l'arrêté pour un nouveau dragage ayant été pris en avril 2008, la question s'est posée de savoir si les sédiments de dragages étaient pollués. Des études ont été faites, concluant au caractère non pollué de ces sédiments. Mais le comité de suivi, réuni par le Préfet, ne s'est réuni pour la première fois qu'en avril 2011, pour diffuser ces résultats. Ainsi, l'inaction, pendant trois ans, a favorisé un climat de méfiance, alors même que les autorités portuaires remplissaient parfaitement leurs obligations.
* 47 Cf. la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.