N° 443

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 février 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur l'étude de la Cour des comptes relative au régime d' assurance maladie complémentaire d' Alsace - Moselle ,

Par Mme Patricia SCHILLINGER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Jean-Léonce Dupont, Mme Odette Duriez, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Claude Léonard, Jean-Claude Leroy, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, Michel Vergoz, André Villiers, Dominique Watrin.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

A l'initiative de votre rapporteure, la commission des affaires sociales a commandé, en décembre 2010, une enquête à la Cour des comptes sur le régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire d'Alsace-Moselle. Cette étude fut transmise et restituée à la commission en décembre 2011 ; elle est annexée au présent rapport d'information.

Qui aurait pu imaginer, voici un an, que ce régime méconnu deviendrait un enjeu du débat électoral de 2012 ? On ne peut que s'en réjouir, tout en souhaitant que la réflexion s'appuie sur les réalités locales et non sur une image fantasmée d'un système mal compris.

Objet non identifié de la protection sociale française, ce régime mérite bien d'être expliqué et analysé car des enseignements peuvent en être intelligemment tirés pour le reste du pays. Associant certaines des caractéristiques d'un régime de base et d'un régime complémentaire, il est un héritier de l'histoire et de la culture des trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, territoires allemands lors de l'adoption des lois de Bismarck sur les assurances sociales.

Ses coûts de fonctionnement très faibles du fait d'une mutualisation importante avec les caisses du régime de base, son financement solidaire qui assure une redistribution entre générations et entre catégories de revenus et son mode de gouvernance autonome en constituent les atouts indéniables. Etudier l'éventualité de sa transposition au niveau national peut engager les prémisses d'un débat constructif sur l'organisation de la sécurité sociale en France.

Tel était en tout cas l'objectif de la commission lorsqu'elle a demandé cette étude à la Cour des comptes.

I. UN RÉGIME D'ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE OBLIGATOIRE QUI BÉNÉFICIE D'UN ANCRAGE CULTUREL FORT

A. LE DROIT LOCAL D'ALSACE-MOSELLE : UN PARTICULARISME HISTORIQUE RECONNU COMME PRINCIPE FONDAMENTAL PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1. Un régime juridique particulier hérité de l'histoire

Le droit local est applicable aux trois départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle en raison de leur histoire commune. En 1648, les traités de Westphalie, après la guerre de Trente Ans, rattachèrent l'Alsace et les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun au royaume de Louis XIV. Après la guerre de 1870 et la défaite française, le traité de Francfort en 1871 entérina la cession de l'Alsace-Moselle à l'Allemagne. En 1911, le territoire se dota même de sa propre Constitution et bénéficia d'une autonomie administrative en tant que Land. Pendant les quarante-sept années de l'annexion, le droit français fut, dans beaucoup de domaines, progressivement remplacé par les lois allemandes, ainsi que par des dispositions locales émanant du pouvoir local.

Lors du retour de l'Alsace-Moselle à la France en 1918, les autorités françaises choisirent de concilier les sources du droit, en introduisant progressivement et par domaine les dispositions nationales tout en maintenant, au moins temporairement, celles de droit local plus favorables ou qui n'avaient pas d'équivalent. Par la suite, plusieurs prorogations furent décidées. Le même état d'esprit prévalut après la Seconde Guerre mondiale et le droit local put perdurer en certaines matières.

A partir des années 70, des pans entiers ont cependant disparu du fait du rapprochement progressif avec le droit français. Les domaines où la législation spécifique existe toujours sont : les cultes, l'artisanat, le droit du travail, la législation sociale, la chasse, les associations, la publicité foncière, la justice (par exemple dans la répartition des contentieux ou l'existence d'une faillite civile) ou encore le droit communal.

2. Une reconnaissance constitutionnelle en 2011

Le 5 août 2001, à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité 1 ( * ) , le Conseil constitutionnel a dégagé un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans le Bas-Rhin, le Haut-Rhin et en Moselle. En l'espèce, le Conseil a jugé que « la différence de traitement résultant du particularisme du droit local ... ne peut être critiquée sur le fondement du principe constitutionnel d'égalité devant la loi » 2 ( * ) .

Ainsi, la législation républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946 a consacré le principe selon lequel, tant qu'elles n'ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires particulières à ces trois départements peuvent demeurer en vigueur. Pour autant, à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d'application n'est pas élargi. En outre, ce principe doit aussi être concilié avec les autres exigences constitutionnelles.


* 1 Décision n° 2011-157 QPC du 5 août 2011, société Somodia.

* 2 Commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel.

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