B. LES PROBLÈMES CONSTATÉS
1. Des procédures d'agréments non coordonnées
Les auditions ont permis de pointer de nombreuses dérives, parfois graves, des dispositifs de collecte :
- plusieurs modes d'habilitation des organismes de collecte coexistent (ministères en charge de l'emploi, de l'éducation nationale, de l'agriculture et préfets de région). Ils n'obéissent pas aux mêmes critères d'attribution et sont délivrés à des organismes de différentes natures dont les champs géographiques et professionnels peuvent se chevaucher, empêchant ainsi toute visibilité de la collecte et de son processus de répartition ;
- le système conduit à une concurrence entre les principaux organismes de collecte et engendre des pratiques anormales (utilisation des frais de gestion de la taxe d'apprentissage pour le financement de campagnes publicitaires et d'offres de services spécifiques aux grands groupes ; recours à des courtiers ou « rabatteurs » de taxe alors que la réglementation ne l'autorise pas) qui, au final, peuvent être considérées comme un financement déguisé des OCTA aux frais de ressources humaines engagés par les grands groupes pour gérer leurs alternants, et conduisent à orienter le produit de la taxe d'apprentissage au profit de l'enseignement supérieur ;
- une telle situation entraîne une « très grande hétérogénéité » des performances de gestion des organismes de collecte. Les frais de collecte varient selon la DGEFP de 1 à 140 en fonction de l'organisme lorsque les frais de gestion sont ramenés au coût par dossier. Ainsi, il a été calculé que le coût par dossier traité pouvait varier de 6 euros à 842 euros selon l'OCTA gestionnaire.
Détail des différents frais de
gestion
par organisme collecteur de la taxe d'apprentissage
OCTA données 2010 (déclarations souscrites en avril 2011) |
Montant de la collecte de taxe d'apprentissage en euro |
Nombre de cotisants |
Montant des frais de gestion en euro |
Coût par dossier traité en euro |
ACORA BTP |
13 339 479 |
14 418 |
86 046 |
6 |
AGEFA-PME (interprofessionnel) |
108 550 642 |
129 393 |
2 969 883 |
22 |
CRCI Ile de France (consulaire) |
363 384 242 |
81 157 |
4 711 109 |
58 |
OPCAIM (métallurgie) |
83 204 260 |
12 983 |
788 166 |
60 |
APALOR (interprofessionnel) |
1 319 529 |
162 |
26 717 |
164 |
GIFAS (Industrie aéronautique) |
18 703 857 |
186 |
156 650 |
296842 |
LEEM Apprentissage (Industrie pharmaceutique) |
21 859 617 |
315 |
93 438266 470 |
8426 |
Source : réponse de la DGEFP au questionnaire de votre rapporteur spécial
Enfin, les obligations comptables sont imparfaitement appliquées. L' absence de comptabilité analytique ne permet pas à l'ensemble des OCTA de respecter l'obligation d'inscrire de façon distincte dans leurs comptes les opérations relatives au quota de la taxe d'apprentissage.
La synthèse de l'ensemble de ces problèmes d'organisation et de gestion est très précisément documentée dans les réponses apportées par la DGEFP au questionnaire adressé par votre rapporteur spécial ( cf . annexe 3).
2. Un contrôle malaisé et déficient
Il résulte également des travaux de la mission que le contrôle de la collecte est à la fois malaisé et déficient . Dans les faits, l'administration fiscale ne dispose plus de l'information relative au paiement de la taxe. Ce sont les employeurs qui s'autocontrôlent dans leurs obligations de versement. L'architecture du réseau des OCTA et leur dispersion fait obstacle à l'exercice d'un contrôle exhaustif des déclarations des entreprises et d'une identification des redevables « défaillants ».
Sans une remise en cause en profondeur du dispositif actuel de collecte, votre rapporteur spécial estime que la représentation nationale est en droit de s'interroger sur l'efficacité du recouvrement de la taxe . On pourrait ainsi espérer qu'un système plus efficient en améliore le rendement fiscal.
Enfin, il faut aussi observer que la dispersion de l'outil de collecte n'est pas sans effet sur la répartition des fonds collectés. Comme cela a été rappelé en avant-propos, l'IGAS considérait dès 2009 que « près de la moitié des dépenses sont littéralement saupoudrées » par des « petits OCTA », sans garantie quant à leur pertinence et leur finalité, et sans véritable contrôle possible.