IV. LES INFRASTRUCTURES DE COOPÉRATION INTERNATIONALE DE LUTTE CONTRE LA POLLUTION EN MÉDITERRANÉE ET LEURS PERSPECTIVES DE RENFORCEMENT
Antoine-Tristan MOCILNIKAR
Merci, Monsieur le Sénateur. Le Président de la République François Hollande a décidé de créer la Délégation interministérielle de la Méditerranée. Nous sommes en convergence pour que notre institution coordonne l'action de la France dans l'ensemble des institutions.
Nos infrastructures précédentes avaient été constituées lors du mandat précédent du Président Nicolas Sarkozy. Nous nous étions alors préoccupés de la priorité du Président de la République française, d'assumer la coprésidence de l'UPM.
Cette coprésidence avait été en charge de la préparation du sommet de Paris dès la fin 2007 - début 2008 et jusqu'à ce qu'elle soit transmise dans les mains d'un nouveau binôme Nord-Sud en mars 2012. La France et l'Égypte ont été remplacées par l'Union européenne et par la Jordanie. D'ailleurs, cette rotation constitue un gage de pérennité et d'avancement dans le processus.
Le Président François Hollande, dans un discours important à la Conférence des ambassadeurs en août 2012, a annoncé la création de la Délégation interministérielle de la Méditerranée. Nous avons donc transformé la mission en délégation, afin d'avoir une coordination de l'action de la France dans l'ensemble des instances et des sujets.
L'environnement Méditerranée, est un sujet complexe. Dans nos pratiques, nous l'avons architecturé en sept axes. Le rapport du Sénateur montre bien la nature à la fois exceptionnelle de la Méditerranée en termes d'environnement et l'importance et l'interaction de la mer Méditerranée avec l'ensemble de la région méditerranéenne. La mer Méditerranée apparaît en effet très importante pour l'avenir écologique de l'ensemble de la Méditerranée. Le changement climatique et les pollutions constituent deux des grands sujets, avec les ressources et la biodiversité.
Nous avons donc essayé d'organiser l'action de la France qui couvre de nombreux ministères et de nombreuses agences, et qui se joue dans de nombreuses institutions. Il se pose un double problème de gouvernance. C'est pour cette raison que la question d'une institution française qui s'occupe de la Méditerranée est une bonne chose. Émergent en effet des questions de gouvernance en Méditerranée mais également en France.
La recherche constitue l'un des sept axes de notre action en France. Dans ce cadre, nous ne pouvons que nous féliciter de l'action du Plan Bleu, qui permet de mettre en place un sas entre la recherche, assez volumineuse et dynamique, et la décision publique.
Par ailleurs, les politiques environnementales passent par des moyens et des logiques assez divers. Mais d'abord, elles passent par les aspects légaux et normatifs. De ce point de vue, la convention de Barcelone représente un acteur très important. Le traité et les protocoles permettent en effet de progresser dans la norme de préservation de l'environnement. La question du financement d'infrastructures permettant de participer à l'effort de dépollution se pose également.
L'intégration des politiques constitue un autre objet intrinsèque de gouvernance. De grandes modalités de la défense de l'environnement en mer Méditerranée passent par l'intrusion du sujet dans toutes les politiques. Je pense notamment à la politique maritime intégrée, qui doit justement être en vis-à-vis de problèmes de transports, d'environnement et de ressources.
Les financements innovants sont porteurs d'avenir. La fiscalité environnementale constitue en cela une ressource nouvelle. Certaines organisations internationales réfléchissent par exemple à une redevance pour service public qui pourrait être collectée lors du passage du détroit de Gibraltar ou de Suez. De nombreux débats existent sur cette piste intéressante que constituent les financements innovants.
Enfin, avant que l'agence ne soit créée, nous travaillions sur l'outil organisationnel plus modeste de la coordination des institutions. Nous souhaitons de la sorte éviter les doublons et renforcer l'action des institutions en les enchâssant les unes avec les autres. Dans ce cadre, la France tente de faire preuve de cohérence lorsqu'elle agit dans les différentes institutions. Elle a ainsi réussi à convaincre nos partenaires de faire se rapprocher la convention de Barcelone et l'UPM. Nous ne pouvons que féliciter le Plan Bleu de travailler sur cette convergence, qui reste à inventer.
Je mentionnerai quand même un point important de l'action française, la France ayant en effet posé des jalons essentiels dans la mise en place d'une zone économique exclusive française (ZEE) en Méditerranée. Cette question n'est pas sans lien avec celles qui ont trait à l'environnement.
La dynamique des infrastructures est pour sa part née de l'amélioration de la coordination des acteurs méditerranéens dans ce domaine. Cette amélioration et le renforcement des synergies ont été actés au Caire le 20 novembre 2006 lors de la troisième conférence ministérielle en Méditerranée sur l'environnement. Lors de cette réunion ministérielle, nous avons décidé de lancer un programme à l'horizon 2020. Nous nous sommes mis d'accord sur ce processus. L'UPM a mis en avant et renforcé considérablement ce programme.
Dans le cadre des politiques européennes de voisinage, la Banque européenne d'investissement (BEI) a fait une proposition qui a été retenue par le processus de Barcelone, qui est devenue par la suite « Union pour la Méditerranée ». Pour renforcer l'action de la BEI, la Commission européenne, par le biais de la politique de voisinage, a investi 15 millions d'euros afin d'y voir plus clair. À l'issue de ce travail en cours, les consultants de la BEI ont travaillé avec la convention de Barcelone.
Ce travail s'est avéré très difficile pour des raisons systémiques et idéologiques. En effet, la convention de Barcelone est très environnementaliste, alors que les consultants financés par la BEI cherchent à assurer la faisabilité financière des projets. Cette confrontation n'a pas été sans poser des problèmes.
Les consultants financés par la BEI ont fait un tri et établi une liste qui comporte 90 projets représentant 7,2 milliards d'euros. Les consultants et les bailleurs ont examiné ces projets. Dans une première phase, ils ont accepté le financement de plus de 50 projets, pour 4,3 milliards d'euros. Ces projets, très concrets, sont multiples. Ils se traduisent par des études lourdes de pré-ingénierie sur le lac de Bizerte, une station d'épuration d'eau au Caire, la dépollution de la zone côtière d'Agadir, etc.
Une dizaine de projets non finalisés, qui semblaient intéressants, ont reçu une assistance technique renforcée, pour un peu moins de 700 millions d'euros. Il est très probable qu'ils seront financés à terme. L'identification des projets a commencé en 2007-2008, et le financement en 2008. Les derniers chiffres datent de 2012.
Roland COURTEAU
Une première vague porte sur cinq projets pour 2013-2014, lesquels sont la réalisation industrielle d'un site en Israël, la gestion des déchets en Jordanie, l'assainissement des eaux usées au Liban, la gestion des déchets à Tanger et la dépollution industrielle de la Bizerte.
Antoine-Tristan MOCILNIKAR
Les cinq projets auxquels vous faites référence sont passés à dix. Nous parlons d'une grande période 2008-2012, qui a débuté un peu avant et débordera largement après. Cet exercice est amené à se poursuivre.
Nous avons organisé une grande réunion le 22 février 2013, qui a eu pour objet de mieux coordonner les actions des trois institutions : l'UPM, la convention de Barcelone et la BEI.
En février 2013, les trois institutions se sont réunies et ont lancé de façon conjointe trois études enchâssées. Chacune a placé de l'argent et dispose de processus de dépenses spécifiques.
Pour réaliser un point d'étape substantiel du travail effectué sur la période 2008-2012, nous avons décidé de travailler sur plusieurs points :
- l'état d'avancement des projets d'investissement : nous examinons l'ensemble des projets figurant dans les listes, leur niveau de financement et leur état d'avancement ;
- l'atteinte des objectifs assignés aux projets d'investissement en termes de réduction de pollution, ce qui avait été la grande critique qui avait eu lieu dans l'ensemble des comités ayant présidé à l'action d'Horizon 2020 : il est important de vérifier les infrastructures de dépollution ;
- la logique de faisabilité financière du projet ;
- l'identification des bons projets : nous vérifions que nous n'ayons pas oublié de bons projets, notamment des projets qui sont de nature plus complexe. Il faut donc se poser la question du champ des projets ;
- la vérification de la cohérence du système : il s'agit de voir comment nous pourrions améliorer la synergie entre les différentes institutions.
Nous avons lancé, de façon conjointe entre l'UPM et l'OCDE, un partenariat qui comprend un chapitre méditerranéen et une étude connexe sur la gouvernance des questions d'eau en Méditerranée, notamment la pollution. Nous sommes heureux que l'OCDE rejoigne ce « tour de table » méditerranéen.
Je ferai juste mention de trois autres initiatives. Une des initiatives de l'UPM a trait à l'adaptation au changement climatique. L'UPM et les partenaires méditerranéens ont lancé une initiative financière pour l'urbain durable. Nous investissons 1 milliard d'euros pour financer 10 à 12 quartiers durables en Méditerranée, qui ont notamment pour objet d'être un élément d'adaptation au changement climatique.
Ce processus s'avère assez intéressant. Nous mettons 5 millions d'euros pour aider des candidats à présenter les dossiers. Une fois que les dossiers sont retenus, nous mettons 1 milliard d'euros pour financer les quartiers.
Comme l'a affirmé le Président de la République, dans ce monde compliqué qu'est la Méditerranée, il faut continuer à agir sur tous les leviers. La Méditerranée occidentale semble particulièrement intéressante pour la France. Le Président de la République a ainsi fortement repensé le 5+5 (les cinq pays de l'arc latin et les cinq pays du Maghreb et du Machrek). Le 14 avril, une grande réunion de relance aura lieu après le sommet des chefs d'État de Malte ; Le 5+5 peut être un acteur de l'environnement en Méditerranée.
Le changement climatique est un sujet important pour nous. La France va accueillir en décembre 2015 la 21 e session de la conférence des parties (COP 21) de la Convention-cadre des Nations unies pour le changement climatique (UNFCCC). Nous allons devoir nous mettre d'accord sur le nouveau cadre d'action du changement climatique. La France est intéressée à montrer que la Méditerranée est un incubateur de solutions nord-sud sur ces questions. La clé du débat climatique au niveau mondial consiste en effet à associer tout le monde, tout en menant des politiques qui prennent en compte la responsabilité différenciée des uns et des autres.
La région méditerranéenne a le double avantage d'être à la fois une zone Nord-Sud et une zone dans laquelle les milieux marins sont extrêmement sensibles. Nous avons l'ambition de faire en sorte que la Méditerranée soit exemplaire.
Roland Courteau
Je ferai d'abord une observation sur l'utilité de l'agence que j'ai proposée pour la réalisation d'infrastructures que vous venez d'évoquer.
Pour financer des installations d'épuration, la BEI fait valoir que l'assainissement de l'eau doit être payé à son juste prix par les consommateurs. Pour un ministre de l'eau égyptien, la marge de manoeuvre n'apparaît pas très forte sur ce point... Dans ce cadre, une agence placée auprès de l'UPM pourrait « mettre de l'huile dans les rouages » pour le lancement des projets.
Postérieurement et quand les investissements ont été réalisés, il convient de voir ce qu'il advient cinq années plus tard. S'agissant de l'assistance technique au fonctionnement, l'Agence dont j'ai proposé la création pourrait peut-être avoir une action. En effet, il est peu intéressant de réaliser des investissements coûteux qui ne fonctionnent pas cinq ans après...
Un partenariat s'esquisse, par ailleurs, entre le PAM et l'UPM. Que donnera-t-il concrètement ? Des centres de PAM travaillent bien, d'autres ne font pas grand-chose. De plus, le PAM a une action normative très forte, mais les accords sont plutôt appliqués sur la rive nord que sur la rive sud. La coordination proposée apparaît donc une très bonne chose, mais sur quoi débouchera-t-elle concrètement ?
Hugues RAVENEL
Comme je l'ai dit, au Nord, il existe des directives. Je crois beaucoup à la subsidiarité. Le contribuable européen n'est pas nécessairement enchanté de payer pour l'absence de marge de manoeuvre du Ministre égyptien.
Je reconnais pour ma part que l'équilibre économique sur l'assainissement est compliqué à trouver dans les pays qui présentent déjà des contraintes financières. Si l'agence est financée par les crédits d'aide publique au développement, en termes de pérennité, il va falloir réfléchir aux services environnementaux. Sur la pérennisation, il faut trouver au maximum un équilibre local, ce qui peut signifier trouver des technologies adaptées, notamment en termes d'assainissement.
Antoine-Tristan MOCILNIKAR
Je reviens sur la question de l'articulation des institutions et de l'Agence. Je partirais de la gouvernance générale de la Méditerranée non environnementale.
Notre sentiment empirique est que la réunion des hauts fonctionnaires de l'UPM, c'est-à-dire des ambassadeurs des 43 pays, est devenue l'organe de gouvernance le plus pérenne de la Méditerranée. Nous avons ainsi réussi à constituer l'organe de gouvernance que nous cherchions.
Dans le domaine environnemental, pour les pouvoirs publics et les États de la région, c'est ce forum diplomatique qui est devenu l'endroit où ils sont les mieux informés. Il est donc très intéressant et important que les grandes institutions environnementales, notamment la convention de Barcelone, y présentent leurs rapports, car leur visibilité et leur capacité de synergie sont renforcées.
Des institutions telles que le 5+5 sont plus agiles en ce moment ; nous y incubons des idées. En revanche, le 5+5 n'ayant pas d'institution, il existe un protocole d'accord qui le lie à l'UPM. Des pays du 5+5 établissent leur rapport à la réunion des ambassadeurs auprès de l'UPM. Les gens de la Méditerranée orientale trouvent cela intéressant. Si nous mettions en place une Agence un jour, je pense qu'il faudrait qu'elle soit rattachée à l'UPM.
Je terminerai sur la question des agences. Henri Guaino, un des inspirateurs de l'UPM et chef de la mission de l'UPM sous Nicolas Sarkozy, était intéressé par la mise en place d'une Agence. Ce concept n'a toutefois pas décollé. Nous avons tout de même réussi à établir une petite Agence, que nous avons dans un premier temps appelée « française », puis nous avons gommé le mot « français ».
L'Agence des territoires méditerranéens a donc été créée par la France à Marseille, dans laquelle des acteurs internationaux sont présents, notamment l'Algérie. Nous allons tenter de la renforcer, en y faisant entrer le Quai d'Orsay, le Ministère de l'Écologie et les collectivités locales.
Mais la question des agences s'avère redoutable. La France a porté cette idée, mais n'a pas encore trouvé la ligne de crête qui permettrait le succès de cette mission. Dans tous les cas, le « coeur de la marguerite » est pour nous l'UPM, avec secrétariat et réunion des fonctionnaires, ainsi que, dans une logique symbolique, les réunions ministérielles et les sommets de chefs d'État, qui ont un rôle essentiel dans le système.
Roland COURTEAU
Je vous remercie. Depuis la présentation du rapport en 2011, je reconnais que nous progressons, mais « la maison brûle ». Nous avons le sentiment que les pollutions et leur impact vont beaucoup plus vite que les actions de lutte contre ces mêmes pollutions.
Je note que vous proposez la création d'une agence de protection de développement durable, qui serait rattachée à l'UPM. Nous sommes complètement d'accord.
D'autres personnes souhaitent-elles intervenir ?
Bruno DUMONTET
Je voudrais revenir sur l'UPM. Vous parlez des hauts fonctionnaires et des chefs d'État. Qu'en est-il des élus qui font partie de l'UPM ?
Antoine-Tristan MOCILNIKAR
Nous ne retenons pas totalement l'idée d'Agence. Nous affirmons simplement que s'il y en avait une, il faudrait qu'elle soit rattachée à l'UPM.
À ce stade, la France est très à l'écoute de ce qui se passe en Méditerranée. Le Président Hollande s'est montré clair à ce sujet. Il a affirmé qu'il fallait nous montrer pragmatiques, c'est-à-dire que nous ne nous interdisions rien en prenant en compte la nécessité de nous trouver des alliés. La construction de cette vision méditerranéenne consiste certes à ne pas se priver d'idées innovantes, mais à ne pas le faire seul.
L'UPM a réussi à créer une institution qui fonctionne assez bien : l'Assemblée parlementaire de l'UPM, présidée par Martin Schulz, président de l'Union européenne, se réunira la semaine prochaine à Marseille, à la Villa Méditerranée. Plus de 40 présidents de parlements ont annoncé leur venue et seront présents à Marseille la semaine prochaine. Ils feront une déclaration et relanceront au plus haut niveau l'action des parlementaires en Méditerranée.
S'y ajoute évidemment la société civile. La semaine prochaine, nous la réunissons par le biais d'une réunion de la seule agence de l'UPM qui existe (elle a été créée avant l'UPM) et de la fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures, basée à Alexandrie.
Quelque 1 500 personnes de la société civile se réuniront ainsi à Marseille la semaine prochaine pour débattre de leurs priorités de la société civile de Méditerranée.
Nous pensons également que les collectivités locales sont très importantes. Dans ce monde de transition politique, elles doivent jouer un rôle renforcé. À Marseille, nous mettons également en place la réunion des territoires de la Méditerranée. Trois feuilles de route nous seront délivrées. Elles seront à chaque fois débattues au sein de l'UPM. Dans le « bouton » de cette « marguerite » ne se trouve pas seulement l'exécutif, mais aussi les sociétés civiles, les régions et les parlementaires.
L'institution officielle de l'UPM s'appelle l'ARLEM (Autorités Régionales et Locales de l'Euro-Méditerranée). Des collèges se réunissent. L'ARLEM et la galaxie parlementaire de l'UPM sont présents à la réunion des hauts fonctionnaires.
Christophe DOUKHI DE BOISSOUDY
Je souhaite également intervenir. J'ai été très intéressé par cette présentation, mais je souhaite revenir sur des points plus concrets et immédiats. Des initiatives prises dans plusieurs pays européens, dont l'Italie, la France et l'Espagne, sont directement en lien avec la Méditerranée dans le cadre de la prévention.
En Italie, certaines de ces initiatives sont issues d'une loi de 2006, par exemple l'interdiction des sacs fins et leur remplacement. Il est déjà important que ce type de sacs diminue, et que le résiduel soit systématiquement remplacé par des sacs biodégradables.
Il est important, au-delà de ces actions fondamentales, de ne pas passer à côté de ces chances qui permettent de réduire les éléments polluants en amont. Je ne suis toutefois pas certain de la façon dont évoluera le décret italien.
Il serait également important de se positionner sur ce qui peut réduire les sources de pollution : nous avons un point à l'ordre du jour qui pourrait être réglé d'ici à l'année prochaine. Il pourrait enfin être intéressant de développer une cohérence entre les différents pays européens afin de soutenir ce type d'actions, qui sont directement liées à la prévention et qui peuvent comporter un impact immédiat.
Antoine-Tristan MOCILNIKAR
Ce sujet se trouve bien dans notre « radar ». En 2008-2012, nous nous sommes concentrés, dans le cadre de l'UPM, sur les infrastructures et sur la convergence des institutions.
Ces points ont occupé l'ensemble de nos ressources. Dans le cadre de l'étude conjointe entre la BEI, le secrétariat de la convention de Barcelone et le « Plan d'action pour la Méditerranée », il s'agit de s'interroger sur les priorités environnementales de la Méditerranée, les instruments et leur mise en oeuvre.
Nous nous trouvons dans une phase où l'action s'élargit. C'est à ce stade que nous devons affronter cela. Actuellement, la méthode la plus simple pour avancer rapidement consiste à déposer au secrétariat de l'UPM pour être labellisé un dossier signé par ceux qui comptent. De ce fait, la dimension politique s'en trouve renforcée.
Bruno DUMONTET
Vous affirmez qu'il faut déposer un dossier pour être labellisé. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Antoine-Tristan MOCILNIKAR
Nous labellisons de plus en plus de dossiers bâtis par les organisations internationales. Par contre, dans notre sujet du jour, je ne peux qu'encourager l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) à déposer des dossiers. Certains organismes se situent à l'interface des États et des ONG. S'ils déposent des dossiers à Barcelone, ils bénéficieront d'une visibilité collective maximale. Prenons le cas des sacs en plastique à usage unique. Si l'UICN proposait un programme en Méditerranée sur ce thème, l'écho serait très favorable dans le système de l'UPM. Il serait donc labellisé sans difficulté.
La labellisation ne constitue pas un mauvais instrument. Je vais vous en décrire à la fois les intérêts et les faiblesses. La faiblesse, c'est que la labellisation s'effectue avant le financement. C'est aussi sa force. Dans une période de crise absolue, le fait de labelliser avant financement permet de faire de la politique.
Le PAM lui-même, comme toute institution, rencontre des problèmes de gouvernance sur le sujet de la volonté des parties prenantes ; il n'est jamais simple, pour une institution internationale, de savoir ce que veulent ces dernières.
L'intérêt du système de l'UPM réside par ailleurs dans le fait qu'il permet d'identifier des priorités. Or, si nous identifions des priorités, il est évident que le PAM va les prendre en compte. Les priorités de plus en plus objectivées sont naturellement prises en compte par les institutions. Je peux vous assurer que la labellisation de l'UPM fonctionne, même si c'est de façon labyrinthique.
Bruno DUMONTET
Vous avez répondu à une partie de ma question. Vous savez qu'en Méditerranée, 80 à 95 % de la pollution en mer provient du plastique. Ce dernier est principalement à usage unique, utilisé pour des emballages de toutes sortes.
Nous ne nous trouvons pas là sur une approche financière, mais seulement sur une volonté politique. C'est seulement par la loi en amont que nous parviendrons à trouver des solutions. Comment l'UPM peut-elle agir politiquement pour mettre en place des lois ?
Antoine-Tristan MOCILNIKAR
Nous avons un sujet parallèle, qui n'est pas sans relation : les énergies renouvelables. En 2008, nous avons décidé de mener le plan méditerranéen. La France a négocié avec d'autres pays européens et la Commission européenne un programme spécifique sur les énergies renouvelables. Nous avons mis 5 millions d'euros sur la table et bâti un jeu de consultants, chacun d'eux étant allé dans tous les pays.
Chaque pays possède une culture différente. En Méditerranée, certains pays sont ainsi plutôt issus de la culture française, et d'autres pays tels que la Jordanie, beaucoup plus anglo-saxons dans l'âme. Il est donc complexe d'y mener des actions. Nous mettons 5 millions d'euros pour que des consultants, avec l'accord des pays du sud, parlent ensemble. Petit à petit, les pays du sud y voient plus clair sur les logiques administratives qu'ils peuvent eux-mêmes mettre en place.
De facto , nous voyons que les énergies renouvelables décollent dans les pays du sud. Plus de 2 500 mégawatts d'éoliennes ont ainsi été construits depuis 2008. Le photovoltaïque se développe également. Trois centrales solaires à gaz ont été construites. Même la Libye vient de lancer son premier parc éolien et des études de pré-faisabilité pour un parc photovoltaïque.
Le processus de l'UPM fonctionne donc. Dans l'UPM stricto sensu , nous faisons de la politique. Par ailleurs, dans les « pétales de la marguerite », qui ne sont souvent pas dans le coeur institutionnel de l'UPM, des acteurs facilitateurs commencent à prendre ces priorités en main.
Roland COURTEAU
Un grand merci pour votre participation. Je vois que la rencontre a été utile. Sachez que les éléments que vous nous avez apportés serviront lors du débat qui sera organisé au Sénat en mai ou en juin. Il devrait mobiliser un grand nombre de sénatrices et de sénateurs sur le sujet de la pollution en Méditerranée.