N° 864
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 septembre 2013 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (1) et de la commission des affaires sociales (2) sur les médicaments génériques ,
Par M. Yves DAUDIGNY,
Sénateur.
(1) Cette mission est composée de : M. Yves Daudigny , président ; MM. Jacky Le Menn, Alain Milon , vice-présidents ; MM. Gilbert Barbier, Jean-Marie Vanlerenberghe , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie David, Christiane Demontès, Catherine Deroche, MM. Jean Desessard, Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon, Mme Isabelle Pasquet, M. René-Paul Savary. (2) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier, Mme Catherine Deroche , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, MM. Marc Laménie, Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Lors de l'élaboration de son programme de travail pour 2012-2013 et dans le prolongement des analyses faites chaque année, à l'occasion des lois de financement, par votre rapporteur général sur le marché des médicaments, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat a souhaité aborder la question particulière des médicaments génériques, qui suscitent régulièrement des interrogations dans la presse et dans l'opinion publique.
Afin de permettre tout à la fois une présentation de différents points de vue et un débat contradictoire, la Mecss a organisé, le 19 juin 2013, deux tables rondes consécutives :
- la première privilégiait l'approche scientifique. Elle portait sur le thème « Princeps / Génériques : quelle équivalence ? » et rassemblait des représentants de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de l'Académie de médecine et de l'Académie de pharmacie ;
- la seconde, plutôt axée sur une problématique économique et sociologique, portait sur le thème « Evaluation de la politique française du médicament générique ». Elle regroupait des représentants des laboratoires pharmaceutiques, du Comité économique des produits de santé (Ceps), de l'assurance maladie (Cnam) et de l'inspection générale des affaires sociales (Igas).
Le présent rapport rend compte de ces deux tables rondes et présente, de manière synthétique, la problématique du médicament générique.
I. LES MÉDICAMENTS GÉNÉRIQUES : DES MÉDICAMENTS COMME LES AUTRES
1. Une équivalence prouvée et des procédures d'inspection et de contrôle identiques à celles des autres médicaments
Le médicament générique connaît aujourd'hui un encadrement juridique très précis , tant au niveau communautaire que national. Selon l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, un médicament générique « a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs [que le médicament de référence] ainsi que la même forme pharmaceutique et [sa] bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées ».
Il s'agit donc de la copie d'un médicament original, qui peut présenter des différences avec lui tant qu'elles n'affectent pas la bioéquivalence , c'est-à-dire l'efficacité thérapeutique : ces différences ne doivent pas modifier la quantité et la vitesse auxquelles le principe actif est libéré dans l'organisme.
Phénomène relativement récent, la « générication » est la conséquence de la tombée dans le domaine public des brevets des nombreux et importants médicaments qui ont été commercialisés à partir des années 1970-1980. En tenant compte de la protection du brevet d'une durée de vingt ans à partir de son dépôt (soit souvent dix ans avant la commercialisation effective du produit en raison des délais d'études et d'autorisation) et de l'éventuelle protection complémentaire de cinq ans que peuvent demander les titulaires du brevet, un médicament est protégé, en pratique, entre une dizaine et une quinzaine d'années .
Le dispositif français du générique est basé sur la notion de « répertoire » des groupes génériques : lorsqu'une spécialité de référence, souvent appelée princeps, peut être « génériquée », elle est inscrite par les autorités dans un « groupe générique », qui regroupe la spécialité de référence et les spécialités qui en sont génériques. Au sein de ce groupe, l'ensemble des médicaments sont jugés équivalents et peuvent donc être substitués entre eux. Dans plusieurs pays européens, par exemple en Allemagne, les groupes de références sont plus larges alors que la définition française du groupe générique, donc du répertoire, est très étroite puisque limitée à une molécule, avec un dosage et une forme pharmaceutique.
Dans le respect du droit communautaire, un médicament générique ne peut être mis sur le marché qu'après une autorisation (AMM), qui fait suite à une évaluation identique à celle des princeps à l'exception des études pré-cliniques et cliniques qui ne sont pas exigées car elles sont, par définition, analogues à celles réalisées pour l'obtention de l'AMM du médicament princeps. Pour autant, une étude spécifique doit démontrer la « bioéquivalence », c'est-à-dire le fait que les quantités de principe actif circulant dans le sang sont comparables entre princeps et générique.
2. Certaines polémiques sur les génériques soulèvent en fait de vraies questions valables pour tous les médicaments
a) Les excipients à effets notoires
Outre sa substance active, un médicament est constitué d'autres produits, appelés excipients, qui permettent de lui donner certaines particularités « esthétiques » (goût, couleur, saveur...) mais surtout sa forme, sa stabilité ou sa capacité de dissolution. L'excipient participe donc pleinement de la capacité du médicament à agir.
Les excipients utilisés dans les médicaments génériques peuvent varier par rapport à ceux de leur princeps de référence mais ils doivent permettre une même « bioéquivalence ».
Si pour tel ou tel médicament, les excipients peuvent différer, il n'existe pas d'excipient spécifique pour les génériques ; l'industrie pharmaceutique utilise la même gamme d'excipients pour tous les médicaments.
Or, certains excipients, heureusement assez rares, peuvent produire des effets secondaires dits notoires, par exemple allergiques. Ces effets se produisent dans les mêmes proportions et conditions que le médicament soit un princeps ou un générique.
b) La qualité des matières premières
Les matières premières à usage pharmaceutique, qui entrent dans la composition des médicaments et doivent être conformes aux spécifications des dossiers d'AMM, sont les mêmes que le médicament soit un princeps ou un générique. Là non plus, il n'existe donc pas de situation particulière pour les génériques.
L'évolution économique entraîne, pour l'ensemble des médicaments , des difficultés qu'il sera nécessaire de prendre en compte attentivement. La production est de plus en plus mondialisée et fragmentée en étapes diverses, ce qui pose des problèmes de traçabilité, de capacités d'inspection et de ruptures de stocks potentielles. Selon le rapport de l'Igas cité en annexe, entre 60 % et 80 % des matières premières seraient fabriquées dans des pays hors Europe, principalement en Asie (Inde et Chine 1 ( * ) ), et les inspections de sites de production, peu nombreuses, mettent en évidence de graves dysfonctionnements.
* 1 Parmi les pays non européens, l'Inde représenterait environ 40 % de la production en valeur mais 22 % en volume, alors que la Chine connaîtrait une proportion inverse : 16 % de la production en valeur et 53 % en volume. En valeur, Israël et les Etats-Unis constituent les troisième et quatrième producteurs avec environ 10 % du marché chacun.