II. DES COLLECTIVITÉS FACE À L'ABSENCE D'OUTILS FISCAUX EFFICACES POUR MENER UNE POLITIQUE FONCIÈRE

Les collectivités territoriales disposent de deux types d'instruments fiscaux pour mener une politique foncière : des dispositifs à visée incitative d'une part, des dispositifs qui taxent la détention ou la cession de terrains afin de leur procurer des moyens financiers d'autre part.

A. LE RÔLE MARGINAL DE LA FISCALITÉ DIRECTE LOCALE COMME INSTRUMENT DE POLITIQUE FONCIÈRE

1. L'absence de caractère incitatif des principaux impôts fonciers

Les impositions portant sur la détention de terrains fonciers sont principalement locales : il s'agit notamment de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) et de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties. À ce titre, l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), impôt d'État qui prend en compte, au titre du patrimoine, les terrains bâtis et non bâtis, fait plutôt figure d'exception.

Les taxes assises sur le foncier, qu'il soit bâti ou non bâti, visent en premier lieu à procurer des recettes aux collectivités : elles n'ont pas de caractère incitatif et ne participent pas, directement, à la politique foncière des collectivités.

Ainsi, le produit de la cotisation foncière des entreprises (CFE) s'élève, en 2012, à 6,7 milliards d'euros, la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) procure 27,4 milliards d'euros de recettes aux collectivités, tandis que le produit de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) représente environ 900 millions d'euros seulement. La taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TAFPNB) 58 ( * ) rapporte quant à elle 76 millions d'euros en 2012.

2. Quel rôle pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties ?

Comme l'a rappelé le professeur Yves Jegouzo - ainsi que le travail du GRIDAUH précité - seule la taxe foncière sur les propriétés non bâties pourrait constituer un véritable instrument susceptible de libérer des terrains fonciers pour construire des logements. Or, on constate que la TFPNB occupe une place marginale dans les finances des collectivités territoriales , qui s'explique notamment par l'absence de révision des valeurs locatives pour les propriétés non bâties depuis 1961. Ainsi, en 2012, la TFPNB et la TAFPNB représentent moins de 1 % des recettes totales du bloc communal, et environ 1,5 % de ses recettes fiscales.

Produits des émissions de rôles généraux de TFPNB au profit des collectivités territoriales et leurs groupements entre 2007 et 2012

(en milliers d'euros)

FONCIER NON BATI

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Communes

688 453

704 963

722 472

734 499

759 088

774 311

Groupements sans fiscalité propre

5 483

5 634

5 262

5 173

5 168

5 109

Groupements à fiscalité propre

78 518

81 137

87 096

90 224

122 443

126 797

Total secteur communal

772 454

791 734

814 830

829 896

886 699

906 216

Départements

48 254

50 730

54 575

55 269

-

-

Régions

13 320

14 036

14 437

14 524

-

-

Total TFPNB toutes collectivités

834 028

856 500

883 842

899 689

886 699

906 216

TAFPNB au bénéfice des communes

19 540

19 030

TAFPNB au bénéfice des GFP

54 986

57 001

Total de la TAFPNB

74 526

76 031

Source : fichiers de recensement des éléments d'imposition, DGFiP - Bureau CL2A

L'Assemblée des communautés de France (AdCF) , qui a participé à la réflexion menée en 2011 dans le cadre des groupes de travail sur l'urbanisme de projet mis en place par Benoist Apparu, alors ministre du logement, s'est d'ailleurs prononcée en faveur d'un renforcement de l'efficacité et de l'intensité de la taxation directe des terrains à bâtir à travers la TFPNB, qui pourrait être utilisée comme un levier fiscal, notamment pour pouvoir lutter contre la rétention foncière .

En effet, aujourd'hui, la TFPNB n'a pas de caractère incitatif. Même les exonérations de TFPNB prévues par la loi visent davantage à prendre en compte la spécificité de terrains agricoles qu'à offrir aux collectivités les moyens d'une politique foncière.

Exonérations de TFPNB nécessitant une délibération de la collectivité
(communes ou groupements à fiscalité propre)
(Articles L. 1647-00 bis , L. 1394 C, L. 1395 A, B et G du CGI)

Exonérations temporaires terrains nouvellement plantés en noyers

Exonérations temporaires terrains plantés en arbres truffiers

Exonérations des oliveraies

Exonérations des terrains en agriculture biologique

Exonération des vergers, cultures fruitières d'arbres et arbustes et vignes

Dégrèvements en faveur des jeunes agriculteurs

Source : DGFiP

Néanmoins, le rôle de la TFPNB pourrait changer dans certains territoires, en raison du renforcement, par la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, de dispositions relatives à la majoration de la valeur locative cadastrale des terrains constructibles.

En effet, en 2000, la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite loi SRU) a donné la possibilité aux communes de majorer d'une valeur forfaitaire la valeur locative cadastrale des terrains constructibles - et par conséquent la TFPNB qui leur est appliquée ; il s'agissait ainsi de décourager la rétention foncière et de promouvoir des projets de construction. Cette valeur forfaitaire était alors fixée à 0,76 euro par mètre carré.

Cette possibilité a été aménagée par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (dite loi ENL) : l'article 1396 du code général des impôts (CGI) prévoit que le conseil municipal peut majorer la valeur locative cadastrale des terrains constructibles situés dans les zones urbaines ou à urbaniser, d'une valeur forfaitaire comprise entre 0 et 3 euros par mètre carré.

Nombre de délibérations relatives à la majoration des valeurs cadastrales
des terrains constructibles

2012

2011

Variation

Majoration des terrains constructibles

267

219

48

- dont tarif entre 0 et 1 euro par m²

177

145

32

- dont tarif entre 1 et 2 euros par m²

44

41

3

- dont tarif entre 2 et 3 euros par m²

46

33

13

Source : DGFiP

Cette disposition ayant été peu utilisée par les collectivités, la loi de 2012 précitée, a cherché à renforcer ce caractère incitatif en la rendant obligatoire dans certains territoires et en augmentant fortement le niveau de la majoration.

Ainsi, « lorsque ces terrains sont situés dans une zone définie par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et du logement, cette majoration est fixée, à partir du 1 er janvier 2014, à 5 euros par mètre carré, puis 10 euros par mètre carré à partir du 1 er janvier 2016. Cette majoration s'applique de plein droit ».

Il est néanmoins prévu que les communes ou EPCI peuvent délibérer pour exonérer tout ou partie des terrains situés sur leur territoire de cette majoration.

Cette majoration pourrait donc constituer un levier fiscal puissant pour lutter contre la rétention foncière.

Cependant, les représentants de l'AdCF entendus par vos rapporteurs ont appelé l'attention sur cette disposition qui s'appliquera de plein droit sur les terrains situés dans certaines zones et pourrait avoir des effets non prévus par les collectivités : vos rapporteurs soulignent en effet le risque d'une hausse massive de TFPNB qui n'aurait pas été anticipée ni évaluée par les collectivités .

À partir du 1 er janvier 2014, une telle majoration s'appliquera de droit aux terrains constructibles dans les communes soumises à la taxe sur les logements vacants, en application de l'article 82 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, ce qui aura pour conséquence une augmentation très importante du montant de la TFPNB due par les contribuables. Les autres communes pourront, par délibération, fixer le montant de la majoration souhaitée.

Proposition n° 14

Mettre à disposition des collectivités les simulations leur permettant d'être informées des effets de la majoration des valeurs locatives cadastrales des terrains constructibles, afin d'éviter des difficultés similaires à celles nées lors de la fixation de la cotisation minimum de CFE.


* 58 Pour compenser la suppression des parts départementale et régionale de la TFPNB, une taxe additionnelle à la TFPNB - concernant les carrières, ardoisières, sablières, tourbières, terrains à bâtir, rues privées, terrains d'agrément...- est perçue depuis 2011.

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