VIII. PORTER NOTRE POLITIQUE AFRICAINE AU NIVEAU EUROPÉEN ET MULTILATÉRAL.
La France entretient avec les pays africains des relations bilatérales intenses, mais elle est également fortement engagée dans des instances communautaires et multilatérales qui ont une importance majeure sur le continent.
A. PARTAGER L'ENJEU AFRICAIN AVEC NOS PARTENAIRES EUROPÉENS
Le Groupe de travail a fait le constat que l'Europe peine à formuler et à mettre en oeuvre une politique africaine ambitieuse. Cela tient en partie aux instruments, la politique étrangère commune et encore plus la défense européenne n'en sont qu'à leurs débuts. Cela tient également à l'absence d'une volonté politique partagée.
L'union est engagée dans un double processus d'élargissement et de voisinage à l'est avec les Balkans occidentaux et les six pays du partenariat oriental (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Ukraine).
Dans le premier cas, des pays pour lesquels l'adhésion à l'UE n'est qu'une question de temps, depuis le Conseil de Thessalonique en 2003, et dans le second groupe, des pays pour lesquels la question de l'adhésion est encore du « non-dit », comme en suspens. Les pays des deux groupes sont pourtant incontestablement des « voisins européens », pas des voisins de l'Europe », qui en appellent à notre responsabilité historique.
L'Europe est ensuite particulièrement sensible à l'évolution des voisins immédiats de la Méditerranée à la suite des printemps arabes. C'est là un sujet essentiel qui est intimement lié à la problématique africaine.
Il reste donc à convaincre nos partenaires de l'importance stratégique de l'Afrique. Pour cela, il faut faire admettre qu'il y a pour l'Europe une différence de nature entre les enjeux du développement mondial et celui de l'espace euro-méditerranéo-africain.
Le premier pose la question du poids de l'Europe dans les questions globales. C'est la question de la capacité collective de l'Europe d'être à la place que lui confère son poids économique dans les négociations mondiales et dans le monde des grands bailleurs de fond multilatéraux et régionaux.
Le second pose la question multiforme de la gestion d'une proximité, avec toutes les conséquences économiques, politiques et humaines qui en découlent, et qui appellent une politique articulant tous les acteurs des sociétés européennes et africaines.
Il faut distinguer la définition de l'espace européen, d'une part, et celle de l'espace au sein duquel l'Europe pourra relever les défis qui se posent à elle, d'autre part.
Il n'y a en effet pas de puissance économique sans capacité d'aménagement de son espace, certes organisé en centres et périphéries mais en vue d'une prospérité commune. Il s'agit ni plus ni moins d'augmenter la croissance potentielle de l'Europe en l'arrimant à l'un des moteurs de la croissance économique mondiale de ces prochaines années.
Comme nous l'a dit Jean-Michel Debrat, directeur de l'Agence de l'AFD en Afrique du Sud : « il faut penser l'espace Europe-Afrique comme un marché intérieur, un bassin d'emploi, un unique espace de sécurité, comme un espace territorial de développement économique et financier ».
Il faut penser cet espace comme un Marché Intérieur en construction appelé à tirer la croissance. L'Europe n'a pas plus intérêt à laisser l'Afrique en situation de sous-développement que la Chine l'ensemble de son territoire national.
Il faut penser l'Eurafrique comme un bassin d'emplois dont les différentiels de coût de main-d'oeuvre doivent être « utilisés » de manière positive. La problématique du Maghreb n'est pas très différente de celle de l'Europe centrale et les mouvements de population doivent être envisagés de facto à l'intérieur de ce grand ensemble.
Pour l'Europe aussi la stratégie de population ne peut être que globale et va avoir pour enjeu la maîtrise des coûts et la maîtrise des migrations, la faible compétitivité de sa main-d'oeuvre et les difficultés de contrôle des mouvements migratoires.
On ne pourra pas longtemps repousser la définition des solidarités internes à l'espace européen et, parallèlement, la définition de la solidarité de l'Europe vis-à-vis des pays du sud, tant ces deux questions sont liées.
Il faut penser cet espace comme un unique espace de sécurité ; cette idée est ancienne mais elle a connu une évolution très rapide. Avant les années 80, le contexte de la guerre froide l'emportait, puis ce fut le souci d'exporter la démocratie et de créer les conditions d'une bonne gouvernance, enfin, depuis le 11 septembre 2001, la préoccupation de sécurité a pris le pas. L'Afrique est trop proche, tant au sens géographique qu'en termes de population, de l'Europe pour que l'on puisse y voir se multiplier des « Etats fragiles » sans que l'Europe ne soit directement concernée : cette problématique a remplacé aujourd'hui celle de la guerre froide.
En toute hypothèse, l'Union européenne doit contribuer à améliorer la capacité des Etats à prévenir les conflits.
Elle a commencé à le faire avec la facilité « Paix pour l'Afrique » qui permet de financer des interventions militaires. Mais il faut bien sûr se placer plus en amont : les problèmes dits « de sécurité » (migrations anarchiques, violences civiles, terrorisme, etc.) résultent pour une large part des dysfonctionnements de l'aménagement de l'espace et de défaillances institutionnelles.
Cette conviction-là, la France doit la porter chez nos partenaires européens.
68) Définir une stratégie africaine de la France dans les instances européennes. |