3. Urbanisme et aménagement du territoire : des politiques d'avenir
Comme l'a souligné un des ambassadeurs européens rencontrés à Addis Abeba, « la transformation du continent, des campagnes vers les villes, sera une véritable révolution culturelle pour l'Afrique dont on ne mesure pas encore les conséquences ».
L'Afrique de demain se dessine dans les villes et aujourd'hui trop souvent dans le chaos.
Face à cette pression démographique, le développement équilibré des villes et des territoires devra être placé au coeur des politiques publiques.
Il s'agit de répondre aux questions d'aménagement du territoire, entre milieu urbain et milieu rural, mais également en intra-urbain, aujourd'hui marquées par le dualisme entre la ville « structurée» et la ville « informelle», potentiellement déstabilisateur pour l'avenir. Cette expansion des villes s'accompagne de demandes croissantes en services, en infrastructures et en approvisionnement alimentaire. Apporter des réponses à ces demandes permettrait aux villes de constituer un atout majeur dans les dynamiques de développement, plutôt que de cristalliser les frustrations d'une pauvreté et d'inégalités croissantes.
Pour faire face à ces mutations, les États et les collectivités ont mis très longtemps à anticiper les besoins, mais aujourd'hui force est de constater que, malgré des efforts encore très inégaux, les politiques de la ville s'organisent et les plans d'aménagement et de développement urbain deviennent la règle.
Définition d'orientations stratégiques de la part des États et des autorités locales, élaboration de politiques foncières, de normes et de règles de constructions réalistes, mise en oeuvre de plans directeurs... Les gouvernements (et les collectivités locales lorsqu'elles y sont associées) font de l'aménagement et du développement urbain une priorité.
Les investissements, publics et privés, sont considérables, logements, infrastructures de base (pour l'approvisionnement en électricité et en eau, l'assainissement), équipements publics, routes, ponts, immeubles d'affaires, programmes résidentiels pour la diaspora, le tourisme, etc.
Ces politiques ne sont plus exclusivement centrées sur les capitales, mais élargies à leur agglomération et déclinées à l'échelle des villes plus petites. À l'instar du modèle sud-africain, l'idée de métropolisation fait en effet son chemin (après le Grand Casa ou le Grand Dakar s'ébauchent les plans du Grand Alger, du Grand Abidjan, du Grand Libreville...).
Enfin, longtemps oubliées dans les schémas globaux, les villes moyennes s'aménagent elles aussi, s'équipent et se relient les unes aux autres. Une tendance plutôt inspirée, sachant que la moitié des citadins du continent vit dans des villes de moins de 200 000 habitants et que c'est au sein de ces dernières, selon les projections de l'ONU-Habitat, qu'est attendue la majeure partie de la croissance urbaine en Afrique dans les dix prochaines années.
Ces politiques s'articulent dans le meilleur des cas autours de trois axes.
D'abord, réguler et maîtriser la croissance urbaine à la source, celle de l'exode rural, par des politiques d'aménagement du territoire renforçant les villes moyennes, afin de répartir l'expansion urbaine en différents points.
Ensuite, poursuivre et amplifier l'équipement et la modernisation des infrastructures de communication et de transport, des réseaux de fourniture d'énergie, et continuer également à sécuriser le cadre d'action des opérateurs, qu'il s'agisse de l'accès au foncier constructible, de la réglementation administrative et fiscale ou de la justice.
Enfin, reconnaître l'enjeu du développement économique urbain comme prioritaire au sein des politiques nationales, mobiliser les grands bailleurs de fonds sur des programmes de développement intégrés, associer davantage les acteurs économiques et démultiplier à l'échelle de chacune des grandes villes les cadres de concertation entre les autorités publiques et le secteur privé existant au niveau national.
La prise de conscience des enjeux au niveau des bailleurs de fonds est réelle. Le développement urbain occupe désormais une place centrale dans les politiques de développement des principaux bailleurs.
Les engagements de la Banque mondiale dans le secteur, en faveur des pays les plus pauvres par l'intermédiaire de l'Association internationale de développement (AID), ont ainsi considérablement augmenté ces dernières années. D'une moyenne de 0,6 milliard de dollars sur la période 2003-2007, ils ont presque triplé pour s'établir à 1,6 milliard de dollars sur la période 2008-2012. La Banque mondiale finance les services de base, le logement, les infrastructures, l'assainissement des lotissements précaires, la gouvernance municipale, l'amélioration et l'adaptation environnementale, le développement économique local.
Dans ce domaine, la France engage depuis longtemps des coopérations, forte de son expérience en matière d'urbanisme et de décentralisation. Ces projets sont soutenus au niveau national notamment par l'AFD et, au niveau local, par les très nombreuses initiatives de coopération décentralisée avec des collectivités locales ou des syndicats mixtes.
L'AFD finance des projets de politiques publiques d'accompagnement en faveur des populations les plus vulnérables des villes afin de leur offrir un accès aux services de base essentiels (eau, logement, électricité, transport, santé, éducation) et de soutien aux activités économiques (politique de l'habitat, marchés, gares, zones commerciales et industrielles, etc.).
En 2012, les projets liés aux infrastructures et au développement urbain représentaient un tiers des autorisations de financement accordées par l'AFD en Afrique subsaharienne, devant des secteurs comme l'agriculture, l'éducation ou la santé.
Ces projets se font en collaboration avec les Etats centraux, mais aussi les collectivités territoriales.
Au cours des vingt dernières années, le transfert de compétences au niveau local s'est accentué dans les pays en développement, dans le but de rapprocher pouvoirs politiques et populations. Les collectivités locales deviennent des interlocuteurs privilégiés en matière de politique de développement. Le rôle de l'AFD est alors d'accompagner ces collectivités dans la maîtrise de leurs territoires, en adoptant une approche globale qui prend en compte les principales fonctions de la ville : se loger, se déplacer, travailler, consommer. Un tel point de vue prend le pas sur une approche sectorielle plus traditionnelle qui ne permet pas d'adopter une vision d'ensemble du développement urbain.
L'AFD aide également les collectivités locales françaises en soutenant la coopération décentralisée. Le partenariat de l'Agence avec ces nouveaux acteurs de l'aide au développement se fait dans un souci de valorisation de l'expertise des collectivités françaises en matière d'urbanisme.