C. UNE JEUNESSE ENTRE ESPOIR ET RÉVOLTE
Avec près de 200 millions d'habitants âgés de 15 à 24 ans, l'Afrique possède déjà aujourd'hui la population la plus jeune du monde 5 ( * ) .
Une nouvelle Afrique qui n'aura connu ni la colonisation, ni la décolonisation est en train de naître. Ainsi au Niger, un habitant sur deux à moins de 15 ans et les personnes âgées de 60 ans et plus n'y représentent que 4% de la population.
Cette Afrique-là qui est née avec la télévision, Internet et les mobiles ne regardera pas le monde de la même façon que les générations d'hier. Cette Afrique-là aura de ce fait un regard différent de nos continents en voie de vieillissement.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La part des jeunes de moins de 15 ans y représente 40 % de la population totale, contre 27 % dans l'ensemble de la population mondiale. La jeunesse africaine de moins de 25 ans constitue plus de 50 % de la population du continent, alors que, dans plusieurs pays d'Europe, ils ne représentent que 17% de la population.
1. 50 % des Africains ont moins de 25 ans
On pourrait ici multiplier les comparaisons. Toutes convergent pour souligner le poids et l'importance de cette jeunesse que l'on croise en masse dans les rues des capitales africaines.
Cette jeunesse explique les besoins des pays africains en matière de formation, d'éducation et de santé. Elle détermine également les conditions d'exercice de la vie politique dans des pays où l'essentiel de l'opinion publique est composé de jeunes de moins de 25 ans.
Cette jeunesse-là, née dans les années 90, est nécessairement partagée entre tradition portée par leurs parents et la modernité véhiculée par la télévision et par Internet.
Comme dans beaucoup de pays en développement, la jeunesse africaine vit de plein fouet les mutations des sociétés traditionnelles où meurt le vieil ordre alors que le nouveau ne parvient pas à éclore. Dans cet interrègne, la jeunesse est ballottée entre les croyances traditionnelles et la foi dans la technologie occidentale, entre les rites et les cyberespaces, entre le village et la ville.
De nombreuses études soulignent une jeunesse en quête d'identité dans un « entre deux » qui explique des épisodes violents entre refondation identitaire et combats démocratiques.
Cette jeunesse est l'avenir de l'Afrique, non seulement parce qu'elle va accroître les effectifs des forces actives en âge de travailler et de consommer, et qui constituent le moteur de la croissance économique, mais également parce qu'elle est de plus en plus éduquée.
Partout, en effet, malgré les insuffisances des systèmes éducatifs, le niveau d'instruction progresse.
Depuis une dizaine d'années, des progrès considérables ont été faits en termes d'accès à l'école primaire. L'Afrique subsaharienne a enregistré les résultats les plus importants ces dix dernières années. Entre 1998 et 2009, l'effectif scolarisé a augmenté de 31% (soit 58 millions d'élèves supplémentaires). En dépit de ces résultats, 1/4 des enfants qui devraient être à l'école n'est toujours pas scolarisé. C'est désormais aux autres cycles d'enseignement qu'il faut améliorer l'accès, notamment le cycle secondaire. Seuls 34% des enfants y parviennent à l'heure actuelle malgré des progrès continus.
D'après les tendances actuelles, en 2030, 59 % des 20-24 ans auront reçu un enseignement secondaire, contre 42 % actuellement. On aura donc, pour cette tranche d'âge, 137 millions de jeunes diplômés du secondaire et 12 millions du tertiaire. Même si de graves problèmes de qualité demeurent, cette tendance créera des opportunités uniques pour le développement économique et social.
Cette jeunesse est une opportunité mais aussi un défi redoutable. Elle porte l'avenir, préfigure le futur, concentre les anciens espoirs et les nouveaux défis. Elle est, selon la formule de M. Ramtane Lamamra, Commissaire pour la Paix et la Sécurité de l'Union Africaine rencontré à Addis Abéba, « un atout et un talon d'Achille ».
* 5 L'emploi des jeunes - Perspectives économiques en Afrique, OCDE, 2012, http://www.africaneconomicoutlook.org/fr/in-depth/Emploi_des_Jeunes/