OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
SYNTHÈSE
Dans un contexte de nécessaire maîtrise de la dépense publique, votre rapporteur spécial des crédits du programme « Sécurité civile » estime que les efforts de mutualisation entre les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) demeurent encore trop inégaux et, d'une manière générale, limités. Ils constituent pourtant des gisements d'économies significatives . Quatre priorités peuvent être identifiées : - approfondir la démarche de mutualisation des achats des SDIS : leur montant total s'élève aujourd'hui à 1 420 millions d'euros, dont 1 062 millions d'euros seraient susceptibles de faire l'objet de regroupements. Or, la proportion d'achats groupés reste inférieure à 10 %. La Cour des comptes évalue à « au moins 75 millions d'euros par an » les gains résultant d'une meilleure mutualisation ; - accélérer le regroupement des centres de traitement de l'alerte : actuellement, ces centres mobilisent d'autant plus de personnels qu'ils sont éparpillés. Il y a donc urgence à accélérer les rapprochements entre SDIS voisins et avec les services d'aide médicale d'urgence (SAMU) pour optimiser les effectifs ; - mieux rationaliser l'emploi et le développement des équipements de formation : le coût d'une « maison à feu », par exemple, s'élève à 2 millions d'euros environ et représente donc une charge qui pourrait avantageusement être répartie sur plusieurs SDIS ; - définir un niveau pertinent de coordination des équipes et des moyens spécialisés des SDIS : la zone de défense et de sécurité . La Cour des comptes estime, par exemple, qu'une réduction de 15 % du nombre de cellules mobiles d'intervention chimique conduirait à une économie, en valeur de remplacement, de l'ordre de 8 millions d'euros . |
I. L'EXTENSION NÉCESSAIRE DU CHAMP DES MUTUALISATIONS
L'enquête de la Cour des comptes permet d'identifier les principaux sujets de mutualisation pour les SDIS : la coopération opérationnelle avec notamment le traitement de l'alerte, la politique d'achat, les ressources humaines et les équipes spécialisées. Si l'effort des SDIS pour rationaliser leurs moyens est d'ores et déjà réel, de substantiels progrès peuvent néanmoins encore être accomplis.
A. LA COOPÉRATION OPÉRATIONNELLE : L'URGENCE D'UN MEILLEUR TRAITEMENT DE L'ALERTE
La continuité des territoires incite naturellement les SDIS à une démarche de mutualisation pour couvrir des risques sur des théâtres d'opération voisins. Toutefois, du point de vue opérationnel , le traitement de l'alerte demeure à ce jour une priorité encore mal prise en compte : les mutualisations sont trop peu nombreuses alors que les moyens humains actuellement mobilisés sont importants.
1. La mise à profit des proximités territoriales
La coopération opérationnelle trouve à s'organiser de manière pragmatique en fonction des proximités territoriales. Ainsi, 60 % des SDIS ont conclu des conventions avec des départements voisins. Cette coopération s'articule autour de mises à disposition de secours dans les zones limitrophes afin de réduire les délais d'intervention.
Dans ce cadre, la question se pose toutefois souvent de la compensation financière entre les SDIS. Celle-ci est parfois explicitement exclue, ce qui est contraire à l'article R. 5111-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) fixant les modalités de remboursement des frais de fonctionnement d'un service mis à disposition.
Des coopérations transfrontalières sont également parfois en place. Tel est par exemple le cas entre le Jura et le département de Vaud en Suisse, ou entre le Bas-Rhin et des services allemands.
Votre rapporteur spécial se félicite de tels rapprochements qui illustrent l'intérêt de dépasser les frontières strictement administratives dans un but d'efficacité et de réduction des coûts .
2. La rationalisation du traitement de l'alerte : une priorité partagée avec les services d'aide médicale d'urgence (SAMU)
La rationalisation du traitement de l'alerte représente assurément l'une des principales priorités aujourd'hui en matière de mutualisation .
Le coût de la permanence du traitement de l'appel mobilise en effet lourdement les effectifs des SDIS . Ainsi par exemple, la Cour des comptes montre que « dans les SDIS les plus petits (5 ème catégorie), les effectifs affectés en centre de traitement de l'alerte et de conduite des opérations (CTA-CODIS 2 ( * ) ) représentent plus de 16 % des effectifs de sapeurs-pompiers professionnels (SPP) du SDIS 3 ( * ) et la permanence de la gestion de l'alerte et des opérations mobilise chaque jour, de manière continue, plus de 30 % 4 ( * ) des effectifs de sapeurs-pompiers professionnels de garde. Pourtant ces SDIS ne réalisent qu'un nombre limité d'interventions journalières, inférieur à 25 5 ( * ) ».
Des progrès ont été réalisés en vue d'une mutualisation entre SDIS voisins grâce à la mise en oeuvre de systèmes de suivi d'information, de cartographie ou de suivi de moyens.
En revanche, le développement de structures mutualisées entre les SDIS et les services d'aide médicale d'urgence (SAMU) ne progresse que beaucoup trop lentement .
La Cour des comptes regrette ainsi que « la mise en oeuvre de plates-formes communes reste minoritaire : 22 SDIS sur 96 en 2012 ; quant au partage des mêmes installations entre SDIS et SAMU, il n'est mis en oeuvre que dans 15 départements ».
Il résulte de cette situation que les moyens respectifs des SDIS et des services mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) ne sont pas optimisés . Deux équipes différentes (véhicules et équipages) peuvent parfois être amenées à intervenir sur une même opération, alors que d'autres appels restent en attente.
Votre rapporteur spécial insiste sur l'urgence d'engager une politique volontariste de rationalisation des centres de traitement d'appel, fondée sur une mutualisation des moyens au service de l'efficacité de la dépense publique et de l'amélioration de la qualité des secours .
* 2 Centre de traitement de l'alerte - centre opérationnel départemental d'incendie et de secours.
* 3 10,5 ETP pour un effectif moyen de 63,5 sapeurs-pompiers professionnels (SPP) (Source : InfoSDIS, direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises).
* 4 L'effectif moyen de SPP de garde en CTA-CODIS (jour et nuit) pour cette catégorie est de 5,54 SPP, pour un effectif moyen de garde (jour et nuit) de 16,90 SPP.
* 5 Le nombre d'interventions journalières des SDIS de cette catégorie est compris entre 14 et 32, pour une moyenne de 24 interventions (Source : Annuaire statistique 2012, direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises).