B. ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT
Eurojust est une unité de coopération avec un collège composé de 28 magistrats, soit un par État membre, qui sont en majorité des procureurs. Elle a pour mission de coordonner la coopération judiciaire européenne entre les 28 États membres et agit par l'intermédiaire des membres nationaux ou en collège. Elle a en outre passé des accords de coopération avec les États-Unis et la Norvège. Un magistrat de liaison américain est présent au siège d'Eurojust.
Au total, 350 personnes travaillent au sein d'Eurojust, dont 80 magistrats. Leurs missions portent à la fois sur la lutte contre les trafics de stupéfiants, contre la traite des êtres humains, contre l'immigration irrégulière, la fraude, le blanchiment d'argent et le terrorisme.
C. STRUCTURE ET ACTIVITÉ DU BUREAU FRANÇAIS AU SEIN DE L'UNITÉ DE COOPÉRATION JUDICIAIRE
Le bureau français d'Eurojust est composé de 4 magistrats et de 2 secrétaires. Son activité a baissé en 2012 dans un contexte marqué par la réduction des effectifs à 2 magistrats. Avec 110 dossiers enregistrés en 2012, le bureau français vient en tête de tous les bureaux nationaux (viennent ensuite la Suède avec 99 dossiers, l'Autriche avec 95 dossiers, le Royaume-Uni avec 80 dossiers...). Le bureau français joue un rôle de sensibilisation des magistrats nationaux à l'enjeu de la coopération européenne. Son rôle est bien connu des huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Il n'en va pas de même des autres juridictions.
La récente affaire de Chevaline, dans laquelle trois ressortissants du Royaume-Uni et un Français ont été assassinés près d'Annecy, a bien mis en évidence tout l'intérêt de la coopération européenne. Contacté par le bureau français, le procureur a bien compris l'utilité du soutien d'Eurojust et en a convaincu le juge d'instruction. Un déplacement sur place a pu être organisé dans les 48 heures dans de très bonnes conditions. De la même façon, dans l'enquête sur l'attaque à l'encontre d'un site de British Petroleum à In Amenas en Algérie, le procureur a saisi le bureau français et une réunion de coordination a pu être mise en place.
Le bureau français entend également développer des contacts avec des JIRS outre-mer et d'autres juridictions, par exemple à Bordeaux ou à Toulouse.
60 % des dossiers traités par le bureau français sont complexes et impliquent trois pays ou plus. Cette situation s'explique par le fait que la France constitue un pays de transit. En outre, à la différence d'autres États comme le Royaume-Uni, les magistrats français ont pour habitude, dans leurs enquêtes, d'essayer de remonter jusqu'aux commanditaires et de vérifier le rôle exact des personnes interpellées. Par ailleurs, les JIRS ont pour vocation de gérer des dossiers complexes et multilatéraux. La France dispose de 17 magistrats de liaison répartis à travers le monde vers lesquels un certain nombre d'affaires qui appellent un traitement multilatéral sont renvoyées.
À l'occasion de vols à mains armées dans des bijouteries à Paris et à Strasbourg, le bureau français a été saisi et des dossiers ont été ouverts dans d'autres États membres, comme le Royaume-Uni. Eurojust joue ainsi un rôle de « tour de contrôle » dans ce type d'affaires criminelles.
Eurojust peut contribuer à faciliter l'entraide judiciaire pour combattre les faux ordres de virement que mettent en oeuvre des escrocs au détriment de petites et moyennes entreprises, mais également de grandes entreprises.
Les équipes communes d'enquête peuvent être un instrument très utile. Elles sont valables pour la durée que les signataires ont déterminée, en général de six mois à un an. Mais elles peuvent être prolongées.
L'article 13 de la décision institutive d'Eurojust a été transposé en droit national par la loi du 5 août 2013. Issu de cette loi, l'article 685-8-2 du code de procédure pénale prévoit l'information du membre national d'Eurojust par les procureurs. Or, paradoxalement, depuis l'entrée en vigueur de la loi, le nombre d'informations transmises à Eurojust a diminué. Auparavant, les procureurs se fondaient sur une circulaire de la Direction des affaires criminelles et des grâces qui prévoyait la transmission d'informations nombreuses à Eurojust. Or, depuis la loi, sur 36 cours d'appel, une seule a transmis des informations à Eurojust ! Il est donc indispensable que les magistrats s'impliquent dans la transmission d'informations à Eurojust.
La crainte d'un dessaisissement n'est pas avérée. Les mentalités ont beaucoup évolué sur le rôle d'Eurojust. La responsable du bureau français a reçu un très bon accueil des procureurs généraux lors d'une réunion qui s'est tenue à la chancellerie en 2011. Il n'y a pas non plus de mauvaise volonté de la part des magistrats. Mais la transmission d'informations à Eurojust entraîne une surcharge de travail. Il faudrait donc avoir recours à des moyens techniques adaptés. Le traitement « Cassiopée » mis en oeuvre dans les juridictions pourrait être utilisé à partir d'un logiciel qui permettrait de récupérer l'information. Mais il faudrait en outre assurer une traduction. Les autres bureaux nationaux font aussi valoir les difficultés de transmission d'informations liées à la surcharge de travail qu'elle occasionne pour les autorités judiciaires.
Des réunions régionales avec le membre national d'Eurojust pourraient contribuer à sensibiliser davantage les magistrats français.
La responsable du bureau français effectue de fréquents déplacements en France. Elle intervient souvent à l'École nationale de la magistrature.
La loi du 5 août 2013 a donné au membre national d'Eurojust la faculté de demander aux procureurs généraux d'ouvrir une enquête pénale. Jusqu'à présent, les demandes d'Eurojust ont été bien reçues par des procureurs généraux. Cette faculté de demander l'ouverture d'une enquête existe aussi dans les autres États membres, elle peut avoir un grand intérêt par exemple dans des affaires de mariages blancs impliquant plusieurs États membres.
Il y a malheureusement des cas où, en dépit d'informations fiables et concordantes, on constate une inertie des États membres pour l'ouverture d'enquêtes pénales. En permettant à Eurojust de déclencher directement de telles enquêtes, l'article 85 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne renforce incontestablement l'efficacité de la procédure. On peut aussi observer que, dans certains cas, les États membres ne sont pas au courant des affaires en cause car les informations ont été fournies par d'autres sources, notamment par l'intermédiaire d'Europol.