F. SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Comme l'a fait remarquer l'ASN, les choix énergétiques qui sont politiques et souverains comportent cependant des enjeux de sûreté nucléaire. Si l'on prend seulement le cas de la France, le parc électronucléaire français est largement standardisé et les centrales françaises sont très similaires. Selon l'ASN, cette situation présente autant d'avantages que d'inconvénients.
Du côté des avantages : chaque centrale nucléaire bénéficie de l'expérience acquise au niveau national et cela favorise l'efficacité du retour d'expérience. En revanche, l'expérience a montré que la standardisation comporte aussi le risque qu'un défaut grave, que l'on ne peut exclure a priori, soit générique et affecte plusieurs réacteurs en même temps. Dans une telle situation, il pourrait être nécessaire de fermer plusieurs réacteurs en même temps, et ce faisant, une pénurie d'électricité ne manquerait pas de suivre avec son lot de conséquences économiques et sociales considérables. Il convient donc que le système électrique français ait des marges de manoeuvre suffisantes sur la production.
L'autre point important qui entre dans le débat avec la réflexion sur la transition énergétique est la nécessité d'anticiper dès maintenant l'arrêt définitif, pour raisons de sûreté, des réacteurs nucléaires actuels. En effet, la majeure partie du parc nucléaire français de production d'électricité a été mise en service dans les années 80.
Chaque réacteur nucléaire devra être arrêté un jour du fait de son vieillissement lié à la dégradation physique normale des matériels et à l'obsolescence de sa base de conception au regard du niveau de sûreté désormais exigé pour les installations plus récentes. Les réacteurs ont été conçus pour une durée de vie de quarante ans et sont contrôlés tous les dix ans. Leur exploitation éventuelle au-delà du quatrième examen décennal nécessite, du point de vue de la sûreté, un nouvel examen d'une ampleur particulière prenant en compte les hypothèses et les marges prises dans le dimensionnement, le retour d'expérience, l'amélioration des connaissances et l'évolution prévisible des exigences de sûreté sur la période considérée.
Or, la possibilité de maintenir en fonction les réacteurs de plus de quarante ans n'est pas acquise, et la date à laquelle chaque réacteur devra être arrêté n'est pas prévisible avec précision et variera d'un réacteur à l'autre. Il est toutefois prévisible que, du fait du calendrier resserré des mises en service initiales, les arrêts définitifs des différents réacteurs soient concentrés dans le temps. Il faut anticiper ces arrêts pour éviter toute pénurie.
On voit donc qu'une bonne gestion de la sûreté nucléaire conduit à entrer dans le débat de la transition énergétique et, pour tout dire, le conditionne en laissant moins de place au choix d'une transition brutale qui aurait fatalement pour conséquence immédiate une pénurie d'électricité.
En effet, le délai entre la décision de construire une nouvelle installation de production d'électricité et sa connexion au réseau peut prendre dix ans. Or, le délai d'ici à l'arrêt définitif des premiers réacteurs installés est à peu près comparable. Il faudra donc prendre des décisions appropriées de politique énergétique à très court terme. Si le choix se porte sur le nucléaire, il faut garder à l'esprit que la construction d'un réacteur nucléaire par an pendant trente ans sera nécessaire pour renouveler le parc sans entraîner de diminution de la production d'électricité.
Source : ASN
L'ALLONGEMENT DE L'ESPÉRANCE DE VIE DES
CENTRALES NUCLÉAIRES
Pour prolonger au-delà des 40 ans l'utilisation de ses installations, EDF veut procéder à une gigantesque opération de rajeunissement et de mise aux normes de sécurité de ses centrales, appelée le « grand carénage ». 56 réacteurs pourraient ainsi passer ce cap des 40 ans. Or, les chantiers devront être menés tout en assurant la parfaite disponibilité du parc de manière à maintenir le niveau de production nécessaire aux besoins quotidiens en électricité. EDF a prévu d'investir 55 milliards d'euros supplémentaires sur 15 ans. Les nouvelles normes de sécurité exigées par l'ASN et reprises par le projet de la directive européenne pourraient conduire à déjouer cette prévision. EDF présentera ses avant-projets de prolongation à l'ASN d'ici l'été 2014. Quant aux réacteurs qui viendraient à être fermés, ils ne le seront qu'à la demande de l'ASN après le quatrième examen décennal. S'ils étaient fermés à l'initiative du législateur, sans que l'ASN ait donné son accord pour une fermeture, le coût de ladite fermeture entraînerait une indemnisation de l'exploitant. C'est ce qu'a déclaré M. Jean-Michel Malerba, délégué interministériel à la fermeture de la centrale nucléaire et à la reconversion du site de Fessenheim, le 26 mars 2014, lorsqu'il a été interrogé par la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative aux coûts passés, présents et futurs de la filière nucléaire (« selon les juristes du MEDDE, la fermeture de Fessenheim à l'initiative du législateur donnera certainement lieu à indemnisation de l'exploitant, en vertu du principe d'égalité devant les charges publiques » - Compte rendu de l'audition du mercredi 26 mars 2014 à 17 heures sous la présidence de M. François Brottes - Session ordinaire de 2013-2014 - p. 7). |