INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, en liaison avec la commission des Affaires économiques, a inscrit à son programme de travail pour 2014 l'évaluation de la mise en oeuvre de la réforme des chambres de commerce et d'industrie (CCI) prévue par la loi du 23 juillet 2010. Cette mission a été confiée à vos deux rapporteurs, M. Jean-Claude Lenoir, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, et M. Claude Bérit-Débat, au nom de la commission des affaires économiques.
Quelques mots avant d'entrer dans le vif du sujet sur les conditions dans lesquelles cette évaluation a été réalisée.
Tout d'abord, il faut indiquer que, parallèlement, une mission sur les CCI était conduite par l'Inspection générale des finances, l'Inspection générale des affaires sociales et le Conseil général de l'économie. Cette inspection a provoqué un certain émoi au sein du réseau des CCI et d'aucuns ont pu se demander si le rapport du Sénat lui était lié d'une quelconque façon. La réponse est bien entendu négative : l'existence de cette mission d'inspection, qui relève d'un travail d'audit interne au pouvoir exécutif, n'était pas connue de vos rapporteurs quand ils ont commencé leurs travaux et ses conclusions n'ont pas formellement été portées à leur connaissance. Le travail sénatorial s'inscrit dans une démarche indépendante et, d'une autre nature, celle d'évaluer l'application de lois votées par les parlementaires. La mission sénatoriale est par ailleurs, par construction, une mission politique pluri partisane.
Elle s'est appuyée, pour établir ses conclusions, sur des éléments factuels. Trente-et-une auditions ont été réalisées auprès des acteurs consulaires eux-mêmes et auprès de leurs partenaires institutionnels. Par ailleurs, un questionnaire détaillé, comportant plus de 40 questions, a été diffusé auprès de toutes les CCI territoriales et CCI de région de France. Tout le monde a donc eu l'opportunité de s'exprimer et de faire connaître ses arguments, même si on peut regretter que, de façon très inhabituelle et surprenante de la part d'établissements publics, certaines chambres n'aient pas jugé utile de répondre à une demande officielle d'information émanant d'une commission du Sénat.
Ce rapport de contrôle sur l'application de la réforme consulaire de 2010 met en évidence une mise en oeuvre un peu « brouillonne » de la réforme, du fait de textes d'application trop imprécis sur certains points clé et des incertitudes qui ont entouré la mise en place de la nouvelle taxe pour frais de chambres. Cela n'a pas favorisé l'appropriation par les acteurs d'une réforme par ailleurs complexe.
Il apparait également que, quatre ans après l'entrée en vigueur de la loi, le renforcement des compétences des chambres de commerce et d'industrie de région (CCIR) est très inégal d'une région à l'autre. Entre une régionalisation a minima et une régionalisation très poussée, allant jusqu'à la programmation de la fusion complète des CCI territoriales (CCIT) au sein de la chambre régionale, tous les cas de figure existent - ce qui n'est en définitive guère surprenant étant donné qu'il s'agit d'un texte souple, qui promeut la régionalisation plus qu'il ne l'impose.
Si le bilan d'ensemble peut paraître timide, vos rapporteurs notent toutefois que l'opposition entre pro et anti régionalisation, qui a structuré les débats au moment du vote de la loi, apparaît aujourd'hui largement dépassée.
D'une part, fut-ce a minima , des transferts de compétences vers les CCIR ont bien eu lieu et, hormis quelques irréductibles, chacun admet qu'il n'est pas possible de retourner en arrière désormais. Au demeurant, le durcissement prévisible des conditions de financement des CCI, dans un contexte général de crise des finances publiques, fait que les CCI seront bien obligées d'exploiter tous les gisements d'économies possibles, ce qui passe par une capacité accrue à travailler ensemble au plan régional.
D'autre part, les modèles de régionalisation réussie qui se mettent en place dans certaines régions, comme le Nord ou la Champagne-Ardenne, montrent qu'on peut concilier les gains d'efficience liés à la définition de stratégies régionales avec le maintien d'une représentation et d'une action consulaire de proximité. Il n'y a pas de fatalité à ce que le renforcement des compétences des CCIR se traduise par la non prise en compte des spécificités des territoires les moins influents dans les instances régionales ou par une répartition régionale de la ressource fiscale inéquitable ou inefficace.
Tout est avant tout une question de qualité de la démocratie consulaire, c'est-à-dire à la fois de sens de l'intérêt général des acteurs et de qualité des institutions. À cet égard, vos rapporteurs sont optimistes : les CCI n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble, mais elles apprennent à le faire et commencent à en percevoir quelques bénéfices. Sous la pression de la loi et de la réduction des recettes fiscales, une culture de la coopération a commencé à gagner les esprits. Une nouvelle génération d'élus consulaires, qui perçoivent plus spontanément l'intérêt d'une approche régionale, a commencé à investir les institutions.
La concurrence et la méfiance entre CCI territoriales, qui étaient en partie alimentées par une certaine opacité des comptes, reculent également devant la mise en place d'outils de coopération puissants, notamment une comptabilité analytique commune qui permet de savoir quelles sont les besoins réels et l'efficacité de chaque chambre.
Enfin, le fonctionnement régional des institutions consulaires n'est pas totalement abandonné à lui-même : il existe une tutelle qui est là-aussi pour poser des garde-fous, au travers de conventions entre les CCI de chaque région et le préfet, et pour veiller à ce qu'aucun territoire ne soit sacrifié.
L'enjeu de demain, ce n'est donc ni de revenir en arrière, ni de remettre à plat les institutions consulaires dans le cadre d'une nouvelle réforme d'ensemble, mais de faire essaimer les expériences de mutualisation régionales les plus abouties dans les régions encore en panne de régionalisation.